Renversement au Centre Bell: Zachary Bolduc veut un Québec libre

Renversement au Centre Bell: Zachary Bolduc veut un Québec libre

Par David Garel le 2025-10-17

Ce n’est pas un politicien, un essayiste ni un militant qui a rallumé la flamme souverainiste au Québec. C’est un hockeyeur. Un joueur du Canadien de Montréal, Zachary Bolduc, 21 ans, originaire de Trois-Rivières, qui, sans le savoir, a remis le mot « pays » dans la bouche de milliers de jeunes Québécois.

Lors du match d’ouverture du CH au Centre Bell mardi dernier, Bolduc a choisi d’entrer sur la glace au son de Pour mon pays de Sir Pathétik. Ce n’était pas un hasard. Ce n’était pas non plus un calcul politique. C’était instinctif, identitaire et clairement séparatiste.

Et, comme souvent dans l’histoire du Québec, ce sont les gestes les plus simples qui déclenchent les plus grands remous.

Dans les gradins, les fans ont scandé les paroles qu’ils connaissaient par cœur : 

« Pas besoin d’vivre ailleurs, moi j’reste ici. Le Québec c’est la place que j’ai choisie. »

Ce moment d’unité, entre sport, musique et patriotisme, a frappé comme une onde de choc dans une province où le mot « souveraineté » semblait, depuis 30 ans, enterré sous la poussière des défaites passées.

L’ironie est puissante : c’est à travers un match du Canadien, institution canadienne par excellence, qu’un joueur né après le référendum de 1995 a ranimé l’un des débats les plus identitaires de notre histoire moderne.

Car il faut se rappeler ce contexte. En octobre 2025, le Québec commémore les 30 ans du référendum de 1995. Ce vote où le Oui a obtenu 49,42 % des voix. Moins de 55 000 votes ont empêché le Québec de devenir un pays.

Une marge si mince qu’elle continue d’habiter les consciences, d’alimenter les regrets, et aujourd’hui, d’inspirer une nouvelle génération.

Ce qui n’était qu’un souvenir pour les baby-boomers devient aujourd’hui une curiosité, une source de fascination pour les jeunes de la génération Z. Ceux qui n’ont jamais vécu la tension du soir du 30 octobre 1995, mais qui ressentent confusément qu’il s’est passé là quelque chose d’inachevé.

Camille Goyette-Gingras, présidente des OUI Québec, le dit elle-même au Journal de Montréal :

« Le fait d’être passé si proche, c’est extraordinaire pour eux. »

Ces jeunes n’ont pas connu la honte, la peur, ni les campagnes de peur du Non. Ils ne portent pas la cicatrice d’un échec. Ils voient au contraire la beauté d’un peuple qui a presque accédé à son rêve.

Pour eux, le Québec n’a pas échoué : il a frôlé la victoire. Et dans cette idée de « presque », il y a une forme d’inspiration. Une nostalgie heureuse, comme elle le dit. Un romantisme national qui renaît sous une forme inattendue : les podcasts, les réseaux sociaux, les festivals de la Saint-Jean, et maintenant… le hockey.

Ce qui se passe depuis six mois au Québec, c’est une réappropriation culturelle du mot « pays ». Les événements des OUI Québec font salle comble, les jeunes partagent des extraits d’archives de Jacques Parizeau sur TikTok, les balados comme Génération OUI gagnent en popularité, et même des artistes autrefois silencieux sur la question recommencent à chanter le Québec sans détour.

Sir Pathétik, dans sa chanson écrite il y a quinze ans, réclamait déjà la souveraineté :

 « On a besoin d’un leader pour nous diriger, j’pense qu’il est temps pis qu’on est prêts pour la souveraineté. » 

En 2025, ces mots résonnent avec une puissance renouvelée.

Quand Zachary Bolduc a fait son entrée sur la glace avec cette chanson, c’était comme si deux mondes se rejoignaient : celui du sport et celui de la mémoire nationale.

Le Canadien de Montréal n’est pas n’importe quelle équipe. C’est une institution, un miroir de l’identité québécoise, un symbole de fierté populaire.

Voir un jeune joueur francophone, fier de ses racines, choisir une chanson qui parle du Québec comme d’un pays, c’est plus qu’un clin d’œil : c’est un message. Et ce message, les jeunes l’ont entendu.

En quelques heures, la vidéo de l’entrée de Bolduc, partagée par Sir Pathétik sur Facebook, a fait des milliers de partages. Les commentaires se comptaient par centaines : 

« Enfin un joueur qui nous représente ».

« Le hockey, c’est politique quand c’est identitaire ».

« C’est ça, le Québec moderne. »

Le symbole est d’autant plus fort que l’équipe elle-même, le Canadien, avait décidé de laisser les joueurs choisir leurs chansons d’entrée, pour montrer la diversité culturelle de l’effectif.

Or, ce soir-là, les Québécois du club ont fait bloc. Alexandre Carrier a choisi Loud, avec #10, hymne à la réussite d’un Québécois qui ne s’excuse pas d’exister.

Samuel Montembeault, lui, a opté pour La machine à scorer de Bob Bissonnette, rockeur disparu devenu légende populaire. Trois chansons, trois artistes québécois, trois clins d’œil au même pays imaginaire qui refuse de mourir. Ce n’était plus une cérémonie d’ouverture : c’était une déclaration culturelle.

Et le hasard du calendrier a tout amplifié. La veille, Le Journal de Montréal lançait une série spéciale sur les 30 ans du référendum.

Dans la même semaine, les OUI Québec annonçaient une vague d’adhésions record. En quelques jours, la souveraineté, qu’on croyait oubliée, s’est retrouvée au cœur des conversations. Et tout ça, parce qu’un joueur du Canadien, sans discours, sans pancarte, a simplement fait jouer la chanson qui représente son coin de pays.

Ce phénomène dit beaucoup sur l’époque. Les jeunes ne veulent plus de slogans d’un autre siècle. Ils veulent une appartenance, une émotion, une identité qu’ils peuvent vivre et non réciter.

Quand Mirabelle Leins, 22 ans, dit au Journal que « c’est rendu cool d’être souverainiste », ce n’est pas une provocation : c’est un constat.

L’indépendantisme renaît non pas par les partis, mais par la culture populaire. Et dans cette culture, le hockey occupe encore une place centrale.

Zachary Bolduc n’a pas cité René Lévesque. Il n’a pas brandi le drapeau des Patriotes. Mais il a fait ce que la politique n’a pas su faire depuis 30 ans : reconnecter la fierté québécoise à un geste authentique.

C’est d’ailleurs ce qu’ont compris les artistes eux-mêmes. Sir Pathétik, ému, a remercié Bolduc sur les réseaux sociaux :

« Quel honneur… Zachary entre sur ma chanson. Go Habs Go! Bien fier d’être Québécois. »

Et le lendemain, il en a rajouté :

« Une chanson qui a traversé les époques jusque dans le cœur d’un joueur du Canadien. Zachary, je vais chanter à ton mariage quand tu veux! »

Ce ton à la fois fraternel et patriotique a touché des milliers de fans. Sur Instagram, Loud a salué Carrier d’une poignée de main virtuelle. Et le compte officiel de Bob Bissonnette a publié un hommage à Montréal. Tout s’est rejoint : la musique, le sport, la mémoire, la fierté.

Ce que Bolduc a déclenché dépasse le hockey. Il a, involontairement, ouvert la porte à une nouvelle conversation nationale. Et cette fois, elle n’est pas dictée par les politiciens, mais par les créateurs, les athlètes, les jeunes.

Ce sont eux, désormais, qui décident des symboles. Dans une province qui célèbre le 30e anniversaire d’un rêve inachevé, ce geste simple prend une dimension presque historique. Il y a 30 ans, le Québec votait Non par peur.

En 2025, il recommence à dire Oui, par amour. Et cette renaissance ne passera pas par des discours à l’Assemblée nationale, mais par des refrains, des podcasts, des matchs de hockey et des moments spontanés où un peuple se reconnaît dans un de ses fils.

Le message de Pour mon pays résonne à nouveau : 

« Le Québec est en feu si le Canadien score. Y’a des belles femmes, rive-sud, rive-nord. Pis si tu penses comme moi, lève ton poing. » 

Ce n’est plus une chanson : c’est un miroir. Et dans ce miroir, les jeunes Québécois voient ce qu’ils n’avaient jamais osé imaginer : que la fierté peut renaître, même sur une patinoire.

Zachary Bolduc, sans le savoir, vient peut-être d’amorcer quelque chose que plus personne n’attendait : un troisième chapitre de notre quête d’indépendance.