Sortie publique de Martin St-Louis: Zachary Bolduc est averti

Sortie publique de Martin St-Louis: Zachary Bolduc est averti

Par David Garel le 2025-11-03

Enfin, on sait. Après des semaines à tenter de lire entre les lignes, à observer les trios, à scruter les temps de glace et à écouter les silences cinglants de Martin St-Louis, le mystère autour de Zachary Bolduc a trouvé sa réponse.

Ce n’est pas une question d’attitude, ni même de talent, c’est une question de constance. L’entraîneur du Canadien l’a dit sans détour en conférence de presse, dans une de ses réponses les plus franches depuis le début de la saison : Bolduc doit apprendre à être le même joueur chaque soir.

Le journaliste lui a posé la question directement : 

« Zachary Bolduc, sur le plan de la robustesse, on l’a vu très impliqué dernièrement, surtout en première période contre les Sens, il était dans toutes les actions. Mais c’est quoi le défi d’être robuste soir après soir? » 

Et St-Louis, sans détour, a répondu : « C’est la constance. La constance. »

« Oui, c'est un défi. C'est comme toute jeune joueuse, le défi, c'est la constance. Puis plus tu vieillis dans la Ligue, plus ta constance, elle s'en vient. 

C'est comment qu'on peut les amener là le plus vite possible. Puis ça part avec l'individu. On sait que ça, c'est une grosse partie de sa game. Fait qu'il faut qu'on soit demandant, mais il faut que lui-ci soit demandant envers lui-même. »

Ces propos sont lourds de sens dans la bouche d’un entraîneur qui choisit chaque mot. Parce qu’en fait, ce qu’il dit, c’est que Bolduc ne le fait pas assez souvent.

Martin St-Louis ne demande pas à ses joueurs d’être parfaits. Il demande qu’ils soient fiables. Et dans son esprit, Zachary Bolduc est encore une pièce incomplète, brillante par moments, mais invisible à d’autres.

On l’a vu au fil des matchs : quand Bolduc s’impose physiquement, qu’il patine avec intensité, qu’il se jette dans les coins pour récupérer des rondelles, il change le ton d’un match. Mais cette version-là de Bolduc ne se présente pas à chaque rencontre.

« Il faut qu’il soit demandant envers lui-même », a ajouté St-Louis. C’est la phrase qui résume tout. Le coach n’est pas fâché contre lui. Il veut le pousser à atteindre un standard qu’il n’a pas encore trouvé. Pour St-Louis, le hockey professionnel, c’est une affaire de répétition, pas d’éclairs de temps en temps.

Il faut aussi dire que Bolduc est un joueur encore perdu dans le man-to-man.

Dans le système de St-Louis, la responsabilité défensive repose beaucoup sur la lecture homme à homme. Chaque joueur doit suivre un adversaire précis, comprendre les permutations, anticiper les bris de couverture.

C’est un système exigeant, qui punit instantanément la moindre hésitation. Et pour un jeune comme Bolduc, c’est souvent là que les ennuis commencent.

Le coach l’a répété à demi-mot à plusieurs reprises : Bolduc est encore “mêlé dans le man-to-man”. Ce n’est pas une critique méchante, c’est une observation sans pitié.

Son instinct offensif est indéniable, mais son sens de la couverture défensive reste en apprentissage. Parfois, il quitte sa zone trop tôt, parfois il poursuit le mauvais homme. Et dans une ligue où chaque erreur coûte cher, ces détails deviennent des arguments pour limiter son temps de glace.

Quel changement de scénario avec ce qu’il a vécu dans son ancien environnement. À Saint-Louis (les Blues), Jim Montgomery l’adorait. Il le comprenait. Montgomery parlait de lui comme d’un joueur instinctif, imprévisible, qui pouvait changer le rythme d’un match d’un seul coup d’épaule ou d'un but en avantage numérique.

Bolduc avait de l’espace pour se tromper, pour improviser, pour exister. Surtout, il avait son carré de sable en power play. 

À Montréal, il découvre un autre monde. Martin St-Louis n’est pas un entraîneur qui flatte dans le sens du poil. Il aime ses joueurs, mais il les teste. Il veut qu’ils se construisent sous pression. Et dans le cas de Bolduc, cette méthode ressemble à une forme d’amour exigeant, un amour dur, presque paternel.

Zachary Bolduc, c’est un paradoxe ambulant. C’est un joueur passionné, capable de marquer un but spectaculaire un soir, puis de disparaître le lendemain. Il est émotif, impulsif, et ça fait partie de son charme. Mais dans la structure militaire du Canadien version St-Louis, ce profil ne se fond pas facilement.

Le coach veut un Bolduc stable, qui ne se contente pas d’un bon match sur trois. Il veut que l’implication physique, la hargne dans les coins, l’engagement défensif soient constants.

Bolduc, lui, fonctionne encore son "feeling des Blues". Il répond à l’énergie du moment. Quand l’adrénaline monte, il devient un bulldozer. Mais quand le match s’enlise, il disparaît dans le décor.

C’est cette inconstance qui le garde “dans sa niche”, comme disent les observateurs. Pas punition, mais apprentissage.

Le message de St-Louis est droit au but : “Tu veux jouer dans cette ligue? Sois constant.” Et dans ce message, il y a une leçon d’humilité. Bolduc doit apprendre que le talent ne suffit plus. Que pour rester dans la LNH, il faut gagner la confiance de son coach à chaque période.

On sent que St-Louis n’a rien contre lui personnellement. Au contraire, il croit en lui. Mais il veut qu’il franchisse la ligne invisible qui sépare les bons espoirs des vrais professionnels. Il veut un joueur qui amène la même intensité un mardi soir à Philadelphie qu’un samedi soir au Centre Bell.

Et ce processus, aussi dur soit-il, forge les vrais.

Cette saison est charnière. À 22 ans, Bolduc n’a plus le luxe du temps. Il devient un joueur qui doit prouver sa durabilité, surtout qu'il sera agent libre avec compensation l'été prochain et rester sur le "bottom 6" lui coûte beaucoup de dollars.

Et il sait que Montréal n’est pas un marché patient. Le public adore les histoires de rédemption, mais déteste les excuses. Si Bolduc veut s’imposer, il doit devenir prévisible dans le bon sens du terme : qu’on sache à quoi s’attendre de lui soir après soir.

C’est exactement ce que St-Louis répète dans ses conférences : il veut que ses joueurs se connaissent. Que leur effort ne soit pas dépendant du contexte, ni de la foule, ni du score.

Bolduc est encore dans cette phase d’apprentissage, celle où il doit transformer son intensité occasionnelle en habitude.

Le retour de Bolduc sur le trio avec Kirby Dach et Brendan Gallagher n’est pas un simple détail. C’est un signal. Dach, c’est le joueur modèle que St-Louis veut que Bolduc observe. Il est constant, calme, fiable. Gallagher, malgré ses genoux usés, est l’incarnation même de la constance. Chaque présence, il fonce, il se sacrifie, même si le corps dit non.

C’est avec eux que Bolduc avait connu son meilleur hockey en début de saison. Ses quatre buts sont venus dans ce trio-là. Parce que l’énergie y circulait. Parce qu’il y avait un équilibre entre son intensité et la structure. St-Louis espère probablement que ces deux mentors lui serviront de guide, de repères concrets pour ancrer son jeu.

Ce qui frappe dans tout ça, c’est le destin cruel : Bolduc a dû apprendre à quitter l’amour facile de Jim Montgomery pour apprivoiser l’amour dur de Martin St-Louis. Chez les Blues, on le cajolait. À Montréal, on le confronte. Mais c’est dans la confrontation qu’on grandit.

Martin St-Louis, lui, n’a jamais eu un parcours facile. Il sait ce que c’est d’être ignoré, de devoir prouver chaque jour qu’on mérite sa place. Il veut inculquer ce réflexe à ses jeunes. Et dans sa tête, si Bolduc parvient à comprendre cette logique, il deviendra un joueur complet.

Le jeune Québécois a déjà la passion, le tir, le flair. Il lui manque la répétition. Le fameux game after game que les entraîneurs respectent plus que tout.

Au moins, on sait maintenant pourquoi Zachary Bolduc reste dans l’ombre. Ce n’est pas une question d’injustice ni de favoritisme. C’est une question de constance, de maturité, de discipline invisible.

St-Louis l’a dit avec franchise, sans tourner autour du pot. Et paradoxalement, c’est peut-être le plus grand signe de respect qu’il pouvait lui faire : le mettre face à lui-même.

Parce qu’au fond, Martin St-Louis ne veut pas punir Zachary Bolduc. Il veut l’élever.

Et à Montréal, c’est souvent de cette tension que naissent les vraies histoires de succès.