À Montréal, tout le monde a compris que les grands duos naissent souvent d’une étincelle imprévisible : Suzuki-Caufield, c’était l’évidence. Slafkovský, lui, a fini par trouver sa place à leurs côtés.
Mais il y a un mystère que plus personne ne comprend dans la hiérarchie du Canadien : pourquoi Martin St-Louis refuse obstinément de faire jouer Ivan Demidov avec Zachary Bolduc.
C’est devenu un sujet de conversation permanent dans les médias, sur les ondes de TVA Sports et RDS: qu’est-ce que St-Louis reproche à Bolduc, exactement?
Ce matin à Brossard, la composition des trios a encore relancé le débat. Le coach a décidé de brasser la salade, mais sans rien régler dans le cas du pauvre Bolduc.
Le trio de Demidov demeure figé : Newhook à gauche, Kapanen au centre, Demidov à droite. Intouchable. Et pendant ce temps, Bolduc retourne avec Kirby Dach et Brendan Gallagher, un trio qui avait bien fonctionné en début de saison, certes, mais qui n’incarne pas du tout le futur du Canadien. (Gallagher et Veleno changent de trio)
Caufield -Suzuki - Slafkovsky
Newhook - Kapanen - Demidov
Bolduc - Dach - Gallagher
Anderson - Evans - Veleno
Il faut le rappeler : Bolduc a inscrit ses quatre buts de la saison aux côtés de Dach et Gallagher, dans un contexte beaucoup plus ouvert offensivement.
C’était un trio énergique, courageux, pas toujours discipliné mais explosif. Et depuis que St-Louis l’a éclaté, Bolduc n’a plus marqué. Zéro but. Rien. L’attaquant de 21 ans a perdu tous ses repères offensifs.
L’argument logique, celui que répètent les observateurs depuis des semaines, c’est qu’un jeune comme Demidov aurait tout à gagner à jouer avec un autre jeune comme Bolduc.
Les deux se comprennent instinctivement. Ils ont la même lecture du jeu, la même envie d’attaquer la ligne bleue, de provoquer les défenseurs.
Et pourtant, St-Louis s’y refuse catégoriquement. Il le dit entre les lignes à chaque point de presse : Demidov doit apprendre à jouer “dans le système”, et Bolduc, selon lui, n’est pas encore un joueur fiable à 200 pieds.
C’est la ligne officielle. Mais dans les faits, ce n’est pas une question de système, c’est une question de confiance.
Martin St-Louis ne fait pas confiance à Zachary Bolduc. Il le voit comme un joueur offensif utile, mais pas encore comme une pierre angulaire à développer autour d’une recrue élite comme Demidov. Et ça, c’est une erreur de lecture monumentale.
Le retour de Bolduc avec Dach et Gallagher, c’est à la fois une tentative de relancer le jeune Québécois et un aveu d’impuissance.
Oui, ce trio a connu du succès. Oui, il a apporté une énergie positive en début de saison. Mais soyons honnêtes : Brendan Gallagher pompe l’huile. Le corps ne suit plus la tête. Le guerrier de mille batailles peine à suivre le rythme, ses genoux grincent, ses hanches craquent, son explosion a disparu.
Il se bat encore, il tombe, il se relève, mais ce n’est plus le Gallagher des beaux jours.
St-Louis le sait. Et c’est précisément pour ça qu’il essaie de le “revitaliser” en l’entourant de jeunes jambes. En mettant Bolduc et Dach à ses côtés, il espère créer une dynamique où le vétéran retrouverait un peu de mordant. Mais cette stratégie a une limite : elle freine le développement de Bolduc.
Le problème de St-Louis, c’est qu’il veut équilibrer ses trios. Il veut quatre lignes capables de jouer, pas une hiérarchie à l’ancienne où la première unité écrase tout.
Il veut des identités claires : un trio offensif, un trio de possession, un trio d’énergie et un trio défensif. Et dans cette logique, Bolduc est classé dans la “catégorie énergie”.
C’est une vision qui a du sens sur papier, mais qui ignore la réalité du talent. Bolduc, malgré ses errances défensives, a une créativité dont Demidov pourrai profiter.
Il peut transformer une possession banale en séquence dangereuse. Il a le flair offensif que St-Louis cherche justement à encourager chez Demidov. Les séparer, c’est se priver d’une chimie naturelle.
Les médias de Montréal ne s’en cachent plus : il y a une incompréhension totale face à ce mur d’entêtement. Jean-Charles Lajoie l’a encore répété:
« Je ne sais pas ce que Martin St-Louis a contre Zachary Bolduc. »
TVA Sports en a fait un sujet central : pourquoi Bolduc n’a-t-il jamais eu sa chance aux côtés de Demidov, ne serait-ce que pour un match?
Les fans le demandent, les analystes le répètent, et pourtant, rien ne change. Comme si St-Louis voulait prouver qu’il a raison de s’en tenir à sa formule.
Mais ce qui irrite le plus, c’est l’impression que le coach fait passer ses convictions avant la progression de ses jeunes.
Depuis le camp d’entraînement, on sent que le courant ne passe pas tout à fait entre St-Louis et Bolduc. Le jeune Québécois est passionné, intense, parfois imprévisible.
Il aime improviser sur la glace, tenter des jeux risqués. Et St-Louis, malgré son image d’ancien joueur libre et créatif, déteste l’improvisation non calculée.
Il veut de la rigueur dans la créativité. Il veut de la sécurité extrême en possession de rondelle. Bolduc, lui, fonctionne à l’instinct. Il est donc surveillé, limité, repositionné, parfois même puni par des temps de glace réduits.
St-Louis ne l’a pas dit ouvertement, mais le message est clair : Bolduc doit mériter sa place à ses yeux, chaque jour.
Et c’est là que tout devient toxique. Plus St-Louis le relègue à un rôle secondaire, plus Bolduc se crispe. Plus il se crispe, plus ses performances stagnent. Et plus ses performances stagnent, plus St-Louis justifie ses choix. Un cercle vicieux typiquement montréalais, où le talent est asphyxié par la méfiance.
On lui demande de devenir un joueur “complet” avant même de lui permettre d’être lui-même.
Demidov, lui, s’épanouit de plus en plus. Son trio avec Kapanen et Newhook fonctionne à plein régime. Il a l’espace, les minutes et de plus en plus la confiance du coach.
Il est sur la première unité de power play, là où Bolduc rêverait d’être. St-Louis le protège, mais il le propulse aussi. Et c’est bien, sauf que ça creuse un fossé entre les deux jeunes étoiles offensives du club.
Pour Demidov, c’est le scénario idéal. Pour Bolduc, c’est un cauchemar. Tant que St-Louis persistera à séparer les deux, le Québécois restera coincé entre deux mondes : trop bon pour le quatrième trio, pas assez discipliné pour les deux premiers.
Peut-être que ce retour aux sources avec Dach et Gallagher est un dernier test. Une dernière chance pour Bolduc de prouver qu’il mérite davantage.
Quand ces trois-là jouaient ensemble, ils avaient une chimie simple : Dach contrôlait la rondelle tant bien que mal, Gallagher bousculait, et Bolduc concluait. C’était basique, mais efficace.
Mais à long terme, ce n’est pas la solution. Gallagher ne tiendra pas le coup sur 82 matchs, Dach ne sera jamais un joueur d'impact et Bolduc ne progressera pas dans un trio de transition. À un moment donné, St-Louis devra briser sa rigidité et oser l’évidence : Demidov et Bolduc, c’est le duo d’avenir.
Tant que le Canadien gagnera, St-Louis aura raison. Mais dès que les défaites s’accumuleront, ses choix reviendront le hanter.
Le public montréalais n’oublie pas les jeunes qu’on a freinés pour de mauvaises raisons. Si Bolduc finit par se tasser du décor alors qu’il avait les outils pour briller aux côtés de Demidov, le blâme retombera directement sur le coach.
Parce qu’à force de protéger “sa recette”, Martin St-Louis risque de laisser pourrir un ingrédient rare : un jeune Québécois offensif, talentueux, explosif, que tout le monde veut voir éclore.
Et à Montréal, c’est exactement le genre d’erreur qui ne se pardonne jamais.
