TVA est dans l'eau chaude.
En voulant défendre Samuel Montembeault, Félix Séguin a déclenché une tempête qu’il n’avait probablement pas anticipé.
Ses propos, tenus la semaine dernière sur TVA Nouvelles et LCN, ont provoqué une avalanche de plaintes au réseau, déjà fragilisé par la chute historique de ses cotes d’écoute.
Tout est parti de ce passage diffusé en direct :
«Vous avez agi en épais, en imbéciles. Il n’y a pas d’autre façon de le dire. Les gens qui ont hué hier, votre jugement ressemblait à un écureuil qui se prépare pour l’hiver. Votre courage ressemblait à une moufette qui traverse la rue la nuit. Ça ne volait pas très haut. »
"J'ai trouvé que c'était un manque de jugement, un manque de respect qui reflète malheureusement un certain pourcentagede la population, des gens qui se cachent derrière un téléphone cellulaire et qui se pensent bien courageux."
Voic l'extrait vidéo en question:
Le ton se voulait indigné, sincère, protecteur envers un gardien injustement hué par une partie du public. Mais le résultat fut désastreux. En quelques heures, le segment est devenu viral. Et les plaintes ont commencé à pleuvoir.
Sur les réseaux sociaux, des centaines de téléspectateurs ont dénoncé ce qu’ils perçoivent comme du mépris envers le public.
« On peut défendre un joueur sans traiter les gens d’épais », a écrit un internaute.
D’autres ont réclamé des excuses publiques, jugeant que Séguin, censé représenter la voix des amateurs, les avait humiliés.
TVA Nouvelles doit avoir reçu une vague inhabituelle de plaintes au service des relations avec les téléspectateurs. Certaines, très polies, demandaient simplement des excuses. D’autres étaient cinglantes :
« C’est fini pour moi, je coupe TVA Sports. »
Le timing ne pouvait pas être pire.
TVA Sports traverse déjà la plus grave crise de son histoire. Selon les données publiées par Maxime Truman, le match d’ouverture du Canadien de Montréal n’a même pas réuni 500 000 téléspectateurs à la minute sur la chaîne et depuis, l'audience chute jour après jour.
Il y a même des rumeurs qui circulent comme quoi Rogers/Sportsnet songerait à racheter TVA Sports tellement Pierre-Karl Péladeau est acculé au pied du mur.
Et voilà que, dans ce contexte catastrophique, le descripteur principal du réseau se met à comparer une partie du public à des écureuils et des moufettes, tout en les traitant d'épais et d'imbéciles.
Ce n’est pas la première fois que TVA Sports se met à dos son propre public.
On se souvient que TVA Sports traîne depuis longtemps une réputation de réseau qui se coupe lui-même... de ses clients...
Ce n’est pas la première fois qu’un de ses visages majeurs insulte, à chaud, les gens qu’il est censé servir. Pendant la pandémie, Jean-Charles Lajoie avait publié sur les réseaux sociaux un message resté tristement célèbre :
« Les imbéciles heureux en région qui ne se sentent pas concernés par la crise #COVID19quebec et qui réclament le déconfinement et la relance économique, je vous méprise. Votre JE avant le NOUS. Que seriez-vous sans l’apport inestimable de la grande région de MTL COLLECTIVEMENT? »
Ce tweet, aussitôt effacé, avait mis le feu aux poudres. Pendant des semaines, les lignes téléphoniques de Québecor avaient croulé sous les plaintes.
Les désabonnements avaient grimpé. Lajoie s’était excusé, mais le mal était fait : dans l’esprit de milliers de Québécois, TVA Sports était devenue la chaîne qui méprise les régions. Et c’est cette fracture culturelle, jamais vraiment refermée, qui revient hanter le réseau aujourd’hui.
Car après avoir vécu le scandale de Lajoie, voilà que Félix Séguin, sans le vouloir, rouvre la même plaie. En traitant les partisans de tous les noms, il a réactivé ce vieux sentiment de mépris, cette impression que la métropole rit de ses propres amateurs.
Pour un réseau déjà à genoux, le coût symbolique de ces mots est immense : chaque dérapage verbaux résonne désormais comme un rappel de l’arrogance passée.
À l’époque déjà, plusieurs cadres de Québecor avaient admis en privé que ces excès d’opinion nuisaient à la marque.
TVA Sports devait être la chaîne du peuple, celle qui parle au monde ordinaire, aux partisans, aux familles. Mais en insultant même une minorité du public, elle trahissait cette mission.
Et l’histoire se répète.
Il est vrai que Félix Séguin n’est pas sorti de nulle part avec cette colère.
Les huées contre Samuel Montembeault l’ont profondément choqué. Il l’a dit avec passion :
« Bravo à Samuel d’être revenu en force hier. Là, si vous êtes au Centre Bell et que vous voyez quelqu’un huer pour aucune raison, dites-lui. Il ne faut pas que ça soit comme Patrice Brisebois dans les années 2000. »
Son intention était noble : défendre un joueur québécois souvent malmené, rappeler la décence humaine.
Mais dans une industrie aussi fragile que celle de TVA Sports, la forme compte autant que le fond. Et dans cette forme, Séguin a franchi la ligne.
À l’interne, plusieurs employés de la chaîne sont inquiets. Certains craignent que ce nouvel épisode ternisse encore davantage l’image déjà écornée du réseau.
« On marche sur des œufs depuis des mois », confie un employé sous le couvert de l'anonymat.
« Les chiffres s’écroulent, le public fuit, et maintenant, on se met à le critiquer ouvertement à la télé. C’est suicidaire. »
Le malaise est profond.
Depuis 2021, TVA Sports perd environ 9 % de ses abonnés chaque année, soit environ 115 000 foyers. Les pertes cumulées frôlent les 250 à 300 millions de dollars.
Et malgré tous les efforts, la perception du public reste négative. On reproche à la chaîne sa qualité d’image, sa production passé date, les studios de pauvre, mais surtout le ton parfois condescendant de certains intervenants.
Ce que le public veut, c’est de la proximité. Ce qu’il reçoit, ce sont des leçons.
Ce nouvel incident remet aussi en lumière le climat de peur qui règne au sein du réseau.
Plusieurs journalistes ont été priés de se tenir loin des réseaux sociaux après les débordements précédents. Félix Séguin, lui, s’en est complètement retiré il y a des années :
« En étant plus dans l’ombre, tu reçois moins de chaleur. À TVA Sports, j’ai reçu plus de chaleur en raison du poste que j’occupe. C’est sûr que ce n’était pas agréable au début. Il y avait des trucs que je n’aimais pas », expliquait-il en entrevue.
Il vit aujourd’hui dans une bulle, protégé du flot de commentaires haineux, mais cette bulle ne le protège pas de la réalité : chaque mot prononcé à l’antenne peut se retourner contre lui.
Et quand le public se sent insulté, c’est toute la marque TVA Sports qui encaisse.
Ce qui est fascinant, c’est le double standard.
Quand Jean-Charles Lajoie s’en était pris aux régions, la chaîne avait reculé.
Quand Félix Séguin s’attaque au public, elle garde le silence.
Mais dans les deux cas, le résultat est le même : la perte de confiance.
Les gens ne se reconnaissent plus dans ce qu’ils voient à l’écran.
Ils ont le sentiment qu’on les juge, qu’on se moque d’eux, qu’on ne les écoute plus.
C’est un changement générationnel profond : autrefois, les téléspectateurs acceptaient qu’une figure d’autorité leur parle de haut. Aujourd’hui, dans une ère où chacun s’exprime en ligne, ce ton paternaliste ne passe plus. Les médias qui n’ont pas compris ça s’écroulent.
On reproche à Séguin son ton moralisateur, son mépris implicite, et surtout son manque de discernement dans un contexte où TVA Sports dépend justement du public qu’il vient d’humilier.
Et à un moment où chaque abonné compte, c’est une faute stratégique majeure.
À la direction, on craint que cette controverse ne décourage encore davantage les annonceurs. Certains, déjà hésitants, voient désormais TVA Sports comme une marque en déclin, trop instable.
Dans les bureaux de Québecor, les discussions sont de plus en plus tendues.
Les chiffres d’écoute plongent, Amazon Prime s’invite à la table des négociations pour récupérer une part francophone du hockey, et RDS a déjà ses 45 matchs assurés alors que Crave en aura 15.
Il reste 24 matchs à grapiller.
Combien Péladeau est-il prêt à perdre encore et encore?
Félix Séguin, dans tout ça, n’est pas un monstre. C’est un homme fatigué, usé par les critiques, frustré de voir son sport, son équipe et son réseau se faire piétiner chaque semaine. Mais en voulant défendre un joueur, il a fini par blesser le public.
Et à TVA Sports, c’est toujours le public qui décide.
