Vol à Montréal-Chicago: Kent Hughes frappe un coup de circuit

Vol à Montréal-Chicago: Kent Hughes frappe un coup de circuit

Par David Garel le 2025-09-14

« Imaginez Connor Bedard avec Ivan Demidov » : cette phrase revient en boucle sur les réseaux sociaux, comme un cri désespéré, comme un regret collectif qui déchire la base partisane des Blackhawks.

Ce n’est pas qu’un rêve avorté. C’est une gifle, une déchirure, un crime sportif contre l’avenir. Et ce rêve, brisé par Kyle Davidson, est en train de se transformer en un cauchemar généralisé pour l’organisation de Chicago.

Le 28 juin 2024, alors que la planète hockey avait les yeux rivés sur Las Vegas, Kyle Davidson avait une chance en or entre les mains.

Il pouvait faire un coup de maître en réunissant deux phénomènes générationnels sous le même chandail : Connor Bedard, prodige canadien repêché l’année précédente au tout premier choix au total, et Ivan Demidov, prodige russe perçu par plusieurs comme le joueur le plus talentueux de sa cuvée.

Oui, oui. Niveau talent brut, il pourrait bien être au-dessus de Macklin Celebrini. (l'espoir des Sharks est toute fois plus efficace dans les deux sens de la patinoire).

Mais Davidson a cédé à la tentation d’un raisonnement froid, structuré, désincarné. Il a préféré combler un besoin organisationnel en défense en sélectionnant Anton Levshunov, un arrière biélorusse prometteur mais loin du talent brut de Demidov. Une décision rationnelle. Une décision fatale.

On lui avait vendu un monstre physique, un patineur fluide, un défenseur capable de dominer les deux sens de la glace.

Mais à peine quelques matchs dans la Ligue américaine de hockey ont suffi à exposer les failles : Levshunov était lent, hésitant, vulnérable sous pression, et surtout, il semblait complètement dépassé par le rythme nord-américain. Ses statistiques sont hobteuse. Son langage corporel était inquiétant. Et sa confiance, déjà, s’effondrait.

Il n’avait pas l’air d’un deuxième choix au total. Il n’a même pas l’air d’un joueur prêt pour la AHL.

Il s'est finalement adapté et a terminé la saison en force. (5 buts et 22 points en 52 matchs et 6 passes en 18 matchs avec les Hawks).

Il va devenir un bon défenseur... mais...

Pendant ce temps, à Montréal, Ivan Demidov fait déjà lever les foules. Il n'a même pas encore joué un match officiel cette saison que déjà, le Centre Bell explose à chacune de ses présences. 

Trois points dans le face-à-face des espoirs, un but de jeu vidéo, des feintes incroyables, une attitude irréprochable, un flair offensif surnaturel… Il ne fait aucun doute que le jeune Russe est prêt.

Pascal Vincent, entraîneur-chef du Rocket de Laval, en était bouche bée :

« Chaque fois que tu l’envoies sur la patinoire, tu as l’impression qu’il va se passer quelque chose. Et ce n’est pas de la chance… C’est quelqu’un qui travaille sur sa game. Il est passionné. Il a le désir d’être celui qui fait la différence. »

Pendant ce temps, Kyle Davidson doit lire ces mots, et les ressentir comme autant de coups de poignard.

L’erreur est d’autant plus visible qu’elle fait écho au fiasco de l’année précédente, quand le Canadien de Montréal avait choisi David Reinbacher au cinquième rang, laissant Matvei Michkov glisser jusqu’à Philadelphie.

Depuis, Michkov fait la pluie et le beau temps, tandis que Reinbacher, malgré une éthique irréprochable, doit encore apprendre les bases de la rigueur défensive. Il s'est encore fait avoir hier sur le but gagnant des Jets, mais il a joué dans l'ensemble un bon match.

Reste que Davidson a répété la même erreur, mais en pire.

Parce qu’ici, le contexte est plus brutal : Connor Bedard est déjà une superstar. Il a besoin d’un complice offensif. Il a besoin d’un Demidov. Il ne voulait pas d’un Levshunov.

Les critiques viennent de partout, y compris de l’intérieur de la LNH. Nikita Zadorov, défenseur des Bruins bien établi et respecté dans le circuit, a été sans pitié :

« Si j’étais Chicago, j’aurais pris Demidov sans hésiter. Son intelligence du jeu, sa vision, son tir… c’est un joueur d’élite. Des défenseurs, on peut en trouver. Mais un talent comme Demidov, c’est unique. »

Le pire dans tout ça? Ce n’est pas l’erreur elle-même. C’est le silence qui l’entoure. À Chicago, personne n’ose sortir publiquement pour défendre Davidson. Il n’y a pas de plan de communication. Pas de mot d’ordre. Juste un vide, un malaise.

Les partisans sont furieux.

Sur Reddit, X et les forums de fans, les commentaires sont sans pitié :

« Davidson a tué notre rconstruction. »

« Bedard devait avoir son McDavid-Draisaitl. On a eu Bedard-Levshunov. »

« Incroyable d’être aussi aveugle. Demidov, c’était le choix évident. »

Même les partisans les plus patients commencent à décrocher. Et ceux qui croyaient au plan de reconstruction commencent à se poser la question la plus brutale : 

« Peut-on encore faire confiance à Kyle Davidson ? »

À Montréal, Kent Hughes se frotte les mains. L’erreur de Davidson est sa bénédiction. Le duo Laine-Demidov  a déjà pris forme cet été. Le vestiaire est conquis. La foule est hystérique. Et le message envoyé à la LNH est clair : le Canadien a son prochain joueur de franchise.

Et pour Hughes, tout cela n’a rien d’un hasard :

« On a choisi le joueur le plus talentueux, peu importe sa nationalité, peu importe son style. Le talent, ça ne se remplace pas. »

Une leçon simple. Une leçon que Davidson a ignorée.

Le plus tragique dans tout cela, c’est que ce n’est même plus une question d’équité envers Levshunov. Ce jeune défenseur, qui aurait pu tranquillement faire son développement dans un autre contexte, est maintenant écrasé par la pression. Tout ce qu’il fera, pour le meilleur ou pour le pire, sera comparé à Demidov.

Et la réalité est cinglante : il n’a aucune chance de gagner cette comparaison. Même s’il devient un bon défenseur top-4, ce ne sera jamais aussi flamboyant qu’un Demidov qui inscrit 95 points par saison.

Il est condamné à être “celui qu’on a pris à la place de Demidov”. Comme Reinbacher à Montréal. Comme Cam Barker avant lui. Comme Doug Wickenheiser dans une autre vie.

Et maintenant?

La suite pour Chicago s’annonce brutale.

Anton Levshunov devra exploser pour faire taire les critiques, ce qui semble de plus en plus improbable.

Et Connor Bedard? Il devra continuer de porter l’équipe sans l’aide offensive qu’il aurait pu avoir avec Demidov.

Ivan Demidov, en conférence de presse après le match contre les recrues des Jets, l’a dit avec simplicité :

« J’espère que les fans ont aimé le spectacle. Je me sens bien, je suis prêt. »

Ces mots résonnent comme un coup de tonnerre à Chicago. Parce que le spectacle, les fans des Blackhawks auraient voulu l’avoir eux aussi. Ils en rêvaient. Et ce rêve leur a été volé.

Les blessures sportives sont parfois plus profondes que les blessures physiques. Et ce que vivent les partisans des Blackhawks aujourd’hui, c’est une blessure morale, une trahison intellectuelle.

Ivan Demidov aurait dû être à Chicago. Il aurait dû porter le 91 aux côtés du 98. Il aurait dû électriser le United Center comme il électrise le Centre Bell.

Mais il ne le fera pas.

Et chaque point qu’il récoltera, chaque ovation qu’il recevra, chaque moment de magie qu’il offrira au peuple québécois, sera une nouvelle brûlure sur le cœur des fans de Chicago.

Kyle Davidson a tenté de jouer au stratège. Il a oublié que dans un repêchage, le talent pur est roi. Et pour cela, il pourrait bien perdre son trône.

À Chicago, le feu est pris. Et la légende d’Ivan Demidov ne fait que commencer.