Une histoire sombre pour Alexis Lafrenière: un journaliste lui veut du mal

Une histoire sombre pour Alexis Lafrenière: un journaliste lui veut du mal

Par David Garel le 2025-08-26

Ça sent la fin de l'été.

Ça sent la saison de la dernière chance à New York. Les Rangers sont bel et bien dans l'eau chaude.

Pas assez mauvais pour rebâtir. Pas assez bons pour aspirer à la Coupe Stanley. Une équipe coincée entre deux réalités, un véritable "bubble team", qui s’agite sans direction claire. Et au centre de cette tourmente : Alexis Lafrenière, le premier choix au total de 2020, devenu le punching bag d’un marché féroce, et malgré lui, la cible d’une vendetta médiatique aussi violente qu’injuste.

Un été de remaniement… mais pas de clarté...

La direction des Rangers a refusé de reconstruire. On a laissé partir Chris Kreider à Anaheim et K’Andre Miller à la Caroline.

Ce n'est pas Vladislav Gavrikov, signé pour 8 ans et 7 M$ par année, qui va faire de cette équipe des prétendants à la Coupe Stanley.

Et surtout, un changement derrière le banc : Mike Sullivan remplace Peter Laviolette, avec comme mandat de redonner du mordant à une équipe en perte d’âme.

Mais au-delà de ces changements, rien n’indique que les Rangers ont soudainement trouvé leur identité. Ce club demeure sans direction claire, incapable de bâtir autour de ses jeunes ou de tirer profit de ses vétérans. Et dans cet environnement flou, c’est Alexis Lafrenière qui porte le fardeau.

Avec un contrat de 7 ans et 52,15 millions $ (7,45 M$ par année), Lafrenière devait être un pilier. En 2023-2024, il avait connu une campagne prometteuse : 57 points, un rôle accru aux côtés de Panarin et Trocheck, et une attitude irréprochable sur et hors de la glace.

Mais la saison suivante a été catastrophique : seulement 45 points en 92 matchs, un différentiel de -13, et surtout… une disette de 19 matchs sans but qui a mis le feu aux poudres.

Dans un marché normal, cette régression aurait été analysée avec nuance. Mais à New York, les médias ont préféré ouvrir la trappe à requins.

Il y a une règle non écrite dans le sport professionnel : quand Larry Brooks t’a dans sa mire, tu ne t’en sors pas indemne.

Et depuis février dernier, le vétéran chroniqueur du New York Post s’acharne sur Alexis Lafrenière comme un aigle qui a qui trouvé sa proie.

Brooks déchire Lafrenière chaque semaine. Il parle de son contrat comme d’une “hérésie économique”. Il affirme que le joueur “ralentit Panarin et Trocheck”.

Il questionne son QI hockey, son implication, son éthique de travail. Il va jusqu’à réclamer son échange immédiat, avant que sa valeur ne s’effondre totalement.

Et, pire encore, il insinue que l’organisation n’a “aucune obligation morale de le protéger”, puisque “le joueur ne s’aide pas lui-même”.

On est loin d’une critique constructive. C’est de l’acharnement, de la démolition systématique, presque personnelle.

Et puis il y a eu l’affaire du casque. Un soir de mars, lors d’un match au Madison Square Garden, Lafrenière oublie (ou tarde) à retirer son casque pendant l’hymne national américain.

En temps normal? Un non-événement. Mais dans le contexte actuel et les tensions canado-américaines ravivées par Donald Trump, discours populistes, guerre tarifaire, ce simple geste est devenu une bombe politique.

Larry Brooks saute sur l’occasion. Des animateurs de radio d’extrême droite dénoncent l’“irrespect du Canadien”. Des internautes réclament une amende, une suspension. Des éditorialistes questionnent… l’éducation reçue par Lafrenière au Québec.

On ne parle plus de hockey. On parle de patriotisme, de valeurs, d’identité. Et Lafrenière devient le bouc émissaire parfait d’un climat toxique.

Et sa famille, dans tout ça?

C’est peut-être ça, le plus insupportable. Alexis Lafrenière, malgré les millions, reste un jeune homme de 23 ans. Un frère, un fils, un humain.

Ses parents, qui l’ont suivi de Saint-Eustache à Rimouski, qui l’ont vu devenir une star à 16 ans dans la LHJMQ, doivent maintenant lire des horreurs sur leur fils à la une des journaux new-yorkais. Ils doivent entendre des commentateurs parler de “faiblesse mentale”, de “manque de caractère”.

Sa sœur, qui partageait fièrement ses faits d’armes sur Instagram, a fermé son compte. L’entourage s’est refermé. On ne célèbre plus les succès. On redoute chaque nouvelle sortie médiatique.

À Montréal, Juraj Slafkovsky connaît une saison similaire : 51 points en 78 matchs, un différentiel de +4. Il gagne 7,6 M$ sur 8 ans. Et pourtant, malgré la pression médiatique du Québec, Slaf n’est pas traqué, pas insulté, pas moqué dans les rues.

Pourquoi? Parce qu’il n’y a pas de Larry Brooks ici. Parce que le marché montréalais, aussi intense soit-il, conserve une forme de décence humaine.

Ce contraste fait mal. Il révèle l’inhumanité du traitement réservé à Lafrenière. Ce n’est pas une question de performance. C’est une question de culture. À New York, on détruit ce qu’on ne comprend pas.

C’est dans ce climat que les rumeurs reviennent. Les médias de New York recommencent à affirmer que le DG Chris Drury pourrait sacrifier Lafrenière si les Rangers commencent mal la saison.

Ce ne serait pas une première. Le nom de Lafrenière circule depuis deux ans. Mais cette fois, c’est différent.

Cette fois, ce ne serait pas une transaction stratégique. Ce serait un aveu d’échec. Comme si "Laffy" se faisait renier.

Et ce serait une blessure terrible pour le clan Lafrenière.

Parce qu’à ce stade, le problème n’est pas le joueur. Le problème, c’est l’environnement.

Peut-être que la meilleure chose pour Lafrenière serait de partir. De quitter New York. De recommencer ailleurs. À Nashville. À San Jose. À Ottawa. À Montréal?

N’importe où, pourvu que ce soit un marché plus humain.

Parce qu’on ne parle plus ici de carrière. On parle de santé mentale. D’intégrité. De dignité.

Le jeune homme mérite une chance de se reconstruire. Pas de s’enterrer à petit feu dans une ville qui a perdu toute capacité de bienveillance.

Alexis Lafrenière n’a rien fait de mal. Il n’a pas triché. Il n’a pas menti. Il n’a pas frappé quelqu’un. Il joue au hockey. Il essaie. Il doute. Il souffre.

Et c’est exactement pour ça qu’on doit le défendre.

Parce que si on accepte ce traitement-là, si on tolère cette violence psychologique, alors quel message envoie-t-on aux jeunes qui rêvent de la LNH?

Qu’ils seront acclamés tant qu’ils performent, et crucifiés au premier revers?

Non. Lafrenière mérite mieux. Sa famille mérite mieux. Le hockey mérite mieux.

Si les Rangers veulent redonner un peu d’humanité à leur logo, ils peuvent commencer par protéger le seul espoir qu’ils n’ont pas encore détruit.

Et s’ils n’en sont pas capables?

Qu’ils le laissent partir.

Avant qu’il ne soit trop tard.