Le Canadien de Montréal a été éliminé en cinq matchs par les Capitals, mais il n’a pas été vaincu. Il s’est vidé, déchiré, saigné. Il a perdu, oui, mais en laissant tout sur la glace. Et dans la défaite, il a gagné le respect d’une province entière.
Alexandre Carrier a quitté la patinoire le dos courbé mais la tête haute. Le défenseur québécois a vécu l’enfer pendant cette série.
Il n’a pas seulement été victime d’une mise en échec brutale de Tom Wilson : il a aussi joué avec une entorse à la cheville visible à l’œil nu.
Chaque pivot, chaque course pour aller chercher une rondelle libre était un acte de bravoure. Il boitait entre ses présences, mais il y retournait. Encore et encore.
Gallagher, lui, jouait avec une côte fracturée. C’est confirmé. Et pourtant, il a continué à aller au front, à déranger le gardien, à recevoir des coups. Il s’est levé après chaque charge, chaque double échec au visage. On connaît Gallagher. Mais là, c’était autre chose. C’était presque surhumain.
Josh Anderson? Épaule démise, cuisse massacrée par les mises en échec, doigt fendu. Il a refusé de se faire retirer de l’alignement. Il disait à ses coéquipiers que s’il tombait, c’est parce qu’il allait ramener quelqu’un avec lui. Un vrai tank.
Et ce n’est pas tout. Nick Suzuki jouait aussi fragilisé. Cole Caufield a joué les derniers matchs en recevant des doubles-échecs au visage à chaque fois que l'arbitre sifflait.
On le voyait grimacer entre les changements. Mais il est resté. Parce qu’ils voulaient tous le faire pour eux, pour nous, pour Montréal.
Ils n’étaient peut-être pas les plus talentueux, mais ils étaient les plus courageux.
Dans les coulisses, on parle d’un vestiaire en miettes. Le personnel médical ne savait plus où donner de la tête. Des injections avant les matchs, des traitements à la glace jusqu’à 2h du matin.
Mais personne n’a abandonné.
Quand la sirène a retenti et que les Capitals ont célébré leur victoire, il y avait une autre scène, beaucoup plus poignante, qui se jouait à l’écart des caméras.
David Savard, en larmes, les épaules secouées par le chagrin, a été rejoint par tous ses coéquipiers. Un à un, ils sont venus l’enlacer, poser une main sur son casque, lui glisser un mot à l’oreille.
C’était son dernier match.
David Savard, ce guerrier de l’ombre, ce géant humble qui a bloqué des centaines de tirs sans jamais se plaindre, a tiré sa révérence. Il voulait aller jusqu’au bout. Il voulait que cette équipe surprenne tout le monde. Elle l’a fait, à sa façon.
Il faut leur dire merci.
Merci d’avoir défié toutes les attentes. Merci d’avoir ramené les séries à Montréal. Merci d’avoir montré à la LNH que le CH n’était plus une équipe qu’on ridiculise, qu’on piétine, qu’on balaie.
Oui, on est tristes. Mais on est aussi fiers.
Et si l’avenir du Canadien est prometteur, c’est parce qu’il repose sur des fondations de courage et de sacrifice. Cette équipe n’a pas seulement été construite avec des chiffres et des statistiques. Elle est faite de chair, de sang, de cœur.
Le sang de Gallagher, la cheville de Carrier, les larmes de Savard.
Ce printemps 2025 ne se terminera pas avec une parade. Mais il se terminera avec un respect retrouvé. Un vestiaire uni. Une ville debout.
Et la certitude que l’an prochain, ils reviendront plus forts.
Quand on écoute Martin St-Louis parler, on comprend mieux ce qui lie ces joueurs blessés, meurtris, mais debout.
« Il faut avoir les poches pleines pour aller sur la glace, parce que t’as pas le temps d’emprunter de l’argent. Faut que tu sois prêt à payer le prix. »
Cette phrase, simple et imagée, résonne aujourd’hui comme une devise gravée au fer rouge dans le vestiaire du CH.
Parce que tous, du premier au dernier, ont vidé leurs poches cette semaine. Tous. Jusqu’à la dernière goutte d’énergie. Jusqu’au dernier souffle. Jusqu’à la dernière rondelle.
David Savard, pour son tout dernier match en carrière, a tout donné. Chaque lancer bloqué, chaque duel perdu ou gagné, chaque regard échangé avec ses coéquipiers, portait le poids d’une fin qu’il n’avait pas encore envie d’accepter.
Il voulait continuer. Il voulait aller jusqu’au bout. Mais son corps ne le pouvait plus. Et son cœur, lui, a explosé en sanglots sur le banc, à la fin. Des larmes vraies, brutes, qui ont déchiré tous ceux qui l’aiment. Tous ceux qui l’ont suivi. Tous ceux qui ont grandi avec lui.
Brendan Gallagher, de son côté, avait du mal à respirer avec sa fracture à la côte. Chaque respiration devait être un supplice. Chaque mise en échec, un coup de poignard. Mais il était là. Fidèle à sa réputation. Petit, mais gigantesque.
Silencieux dans sa souffrance, mais bruyant dans son effort. Il n’a jamais reculé. Il n’a jamais demandé de traitement de faveur. Parce que Gallagher, c’est l’âme de ce club. Et cette âme, même meurtrie, refuse de plier.
Josh Anderson, lui, était littéralement en morceaux. Usé, blessé, ralenti. Mais il ne voulait rien savoir. Il voulait être sur la glace. Il voulait, lui aussi, payer le prix.
On le voyait dans ses yeux : la rage, la douleur, la détermination. Il aurait pu dire non. Il aurait pu prendre le chemin de l’infirmerie. Mais il a choisi de rester debout. Pour ses frères. Pour Montréal.
Et puis il y a Alex Carrier. Le guerrier silencieux. Celui dont on parle trop peu. Commotionné. Touché à la tête. Et, en prime, une entorse à la cheville. Une entorse qui aurait dû l’écarter pour le reste de la série.
Mais il a refusé. Il a serré les dents. Il a mis son armure. Et il est allé à la guerre. Parce qu’il voulait être là. Parce qu’il ne pouvait pas laisser ses coéquipiers seuls.
Parce qu’il incarne cette culture du sacrifice que Martin St-Louis tente de bâtir depuis deux ans.
« La douleur est temporaire », a-t-il soufflé, les traits tirés, mais la tête haute. « Y’a personne dans cette chambre-là qui est à 100%. »
Ce que le CH a vécu dans cette série, ce n’est pas une défaite. C’est une consécration. Une confirmation que cette équipe, aussi jeune soit-elle, est faite du bon bois. Du vrai bois. Du bois dur. Du bois de guerrier.
Et dans un monde qui glorifie souvent les statistiques, les points et les fiches différentielles, ces hommes-là ont rappelé une vérité oubliée : que ce sport se joue avec le corps, mais surtout avec l’âme. Avec les tripes.
Le CH n’a peut-être pas gagné cette série. Mais dans le cœur de ses partisans, il a gagné leur respect éternel.