Le calme est trompeur. À un peu plus de douze heures de l’ouverture officielle du marché des joueurs autonomes, les Canadiens de Montréal se prépare.
Kent Hughes ne tombera pas dans la folie des grandeurs sur le marché des agents libres. Il sera comme d'habitude. Froid. Calculé. Chirurgical.
Le directeur général du CH n’agit pas sur le coup de l’impulsion. Il suit un plan. Et ce plan, c’est celui qu’il a déjà expliqué.
« Regardez comment on joue. On force les dump-ins. On envoie beaucoup de nos défenseurs en repli. Carrier, on l’a ciblé parce qu’il est sans peur pour aller chercher la rondelle et qu’il la ressort proprement. »
Chaque geste est pesé. Chaque joueur est évalué selon ce qu’il peut offrir dans cette logique. Le CH ne cherche plus simplement du talent : il cherche des outils spécifiques pour faire fonctionner une machine.
Noah Dobson a été le joyau de cette approche. On a payé cher. Les choix 16 et 17. Emil Heineman. Mais Hughes savait que Dobson était un profil parfait : relance rapide, premier passe chirurgicale, décision rapide sous pression. Avant de débourser, il a répété l’exercice :
« On a parlé à tous ceux qui l’ont coaché. On a fait nos devoirs. »
Alors, en ce 30 juin au soir, ceux qui espèrent une explosion de signatures doivent comprendre ceci : Hughes ne signera pas pour signer.
Oui, le besoin est clair. Le top 6 offensif est encore incomplet. Le bottomv6 perd Dvorak, Armia et Heineman. Le système d'échec-avant intense de Martin St-Louis nécessite des joueurs qui patinent, qui frappent, qui coupent les lignes de passe et tuent des pénalités.
Le marché offre-t-il ces profils? Oui. Mais pour combien de temps, à quel prix, et avec quels compromis?
Prenons Mikael Granlund. Centre intelligent. Adoré dans la LNH. Mais à 33 ans, il veut un contrat à long terme. Et Hughes ne veut pas le surpayer.
Grandlund va faire sauté la banque demain. Kent Hughes voudrait lui accorder un contrat de deux. Le DG du CH va bel et bien lui soumettre une offre. Mais il ne tombera pas dans une surenchère.
Alors Hughes regarde ailleurs. Vers des joueurs plus modestes. Mais utiles.
Connor Brown, 31 ans. Joue dur. Patine fort. Tu es des pénalités. A joué 102 matchs cette saison avec Edmonton, toutes compétitions confondues. Ce gars-là a du moteur. Mais il acceptera quoi? Un an? Deux? Ou veut-il une sécurité que le CH ne donnera pas?
Sean Kuraly. Grosse gabarit de 6’2’’, 215 livres. Centre naturel. Mentalité d’effort. Mais à 32 ans, il aura du marché. Le CH ne veut pas être celui qui surpaye pour un gars de quatrième trio.
Mason Appleton. Polyvalent. Centre de formation, joue ailiers. Solide sur l'échec-avant.. 22 points avec les Jets. Mais peu d’expérience en PK. Encore un profil qu’on pourrait former à moindres coûts.
Tanner Jeannot. Bête de combat. 6’2’’, 220 livres. Pas le plus propre, mais il frappe, il inspire la peur. Le genre de joueur que Gorton aime, mais à condition que le prix soit raisonnable.
Si Kent Hughes veut Jeannot le 1er juillet, c’est que le message est clair : il ne croit pas que Florian Xhekaj est prêt à tenir un rôle d’agitateur robuste et efficace dans un bottom 6 de la LNH.
Ce n’est pas rien. Jeannot est exactement ce que Xhekaj rêve de devenir dans le moule du Canadien : un ailier gauche de 6 pieds 2, 220 livres, qui joue dur, frappe tout ce qui bouge, provoque des mêlées, et qui est capable de contribuer un minimum offensivement.
L’arrivée d’un joueur comme Jeannot condamnerait presque automatiquement Florian à Laval. Le CH ne signera pas un gars comme Jeannot à 2,5 ou 3 millions pour le placer dans les gradins.
Et il faut être honnête : Jeannot a le profil rêvé pour Martin St-Louis, bien plus que Florian. Plus expérimenté, plus discipliné, moins porté sur les pénalités inutiles, il apporte le chaos de manière calculée.
C’est le type de joueur qui peut pivoter entre un 3e et 4e trio sans déséquilibrer le système. Ce que ça signifie aussi, c’est que le "storytelling" romantique autour des frères Xhekaj pourrait commencer à s’effondrer.
Avec Arber qui est constamment au cœur de rumeurs d’échange, et Florian maintenant potentiellement écarté par une signature comme celle de Jeannot, c’est peut-être la fin d’un fantasme collectif à Montréal. Hughes n’a jamais caché qu’il ne faisait pas dans le sentiment. L’arrivée de Jeannot serait la preuve ultime.
Le marché offre donc des solutions. Mais elles sont imparfaites. Elles doivent être alignées avec les besoins systémiques du CH. Et elles ne doivent pas nuire à la progression des jeunes.
Avec l’arrivée de Dobson et la prolongation de contrat attendue de Jayden Struble, la brigade défensive est congestionnée. À gauche : Huston, Guhle, Matheson Xhekaj, Struble, Engstrom, Trudeau. Il y a trop de monde pour pas assez de chaises.
À droite : Dobson, Carrier, Mailloux, Reinbacher. . C’est plus mince, mais suffisant.
Et n’oublions pas que Hughes doit encore signer Dobes et Struble et gérer la masse salariale.
Pour l’instant, le CH est 3,39 M$ au-dessus du plafond. Ils peuvent dépasser de 10% l’été, c’est donc jouable. Mais il faudra sans doute placer Carey Price sur la LTIR pour se libérer réellement. Ce qui libérerait 10,5 M$.
Mais voilà : Hughes sait que ce plafond sert aussi à éventuellement prolonger les contrats de ses jeunes. Pas question d’en abuser pour remplir artificiellement son alignement.
Le marché est là. Les noms circulent. Mais les cibles réalistes sont rares. Et Hughes le sait.
Tout comme il sait que le véritable coup d’éclat pourrait venir d’ailleurs. D’un autre échange. D’un nom inattendu. Ou d’une offre hostile.
Mais en attendant, c’est le calme.
Un calme trompeur.
Un calme stratégique.
Un calme de chasseur qui vise dans le mille.