Un million de dollars: Hydro-Québec doit des excuses à Martin St-Louis

Un million de dollars: Hydro-Québec doit des excuses à Martin St-Louis

Par David Garel le 2025-07-23

Rappelez-vous. Quand le Journal de Montréal a révélé que l’entraîneur-chef du Canadien de Montréal avait touché entre 250 000 $ et 300 000 $ pour prêter son image à une campagne de sensibilisation d’Hydro-Québec, les flammes de la colère populaire n’ont pas mis de temps à enflammer les réseaux sociaux, les tribunes d’opinion et les conversations autour de la machine à café.

L’homme de hockey est devenu, bien malgré lui, le bouc émissaire d’une population exaspérée par l’inflation, les hausses tarifaires à répétition et l’arrogance bureaucratique de la société d’État.

Mais au milieu de cette tempête, Hydro-Québec est restée muette. Et c’est là où le vrai scandale réside  : elle a laissé Martin St-Louis seul sur la glace, sans défense. Pendant qu’on le lapidait publiquement, les dirigeants se terraient dans leur silence coupable.

Et maintenant, voilà que la nouvelle PDG d’Hydro-Québec, Claudine Bouchard, obtient une rémunération potentielle de 988 500 $. Un salaire de base de 659 000 $, auquel peut s’ajouter un boni de performance équivalent à 50 % de ce montant.

On frôle le million pour une dirigeante nommée sans appel public, dans une société d’État où les surplus s’amenuisent, où le bénéfice net chute de 31 %, où les clients sont menacés de voir leurs factures doubler, voire tripler.

Et c’est Martin St-Louis qu’on a cloué publiquement pour avoir accepté un quart de million pour une pub?

Il faut être conséquent : si le peuple a droit de savoir combien touche un visage public dans une campagne financée avec des fonds publics, il a tout autant le droit de connaître, et de questionner, la rémunération extravagante de ses dirigeants.

Et surtout, il faut être équitable. Martin St-Louis n’est pas PDG. Il ne dirige pas un plan de 200 milliards de dollars. Il ne négocie pas des ententes avec les Premières Nations. Il n’a pas l’obligation de justifier les hausses de tarifs de 5,7 % par année pendant dix ans.

Il a été engagé pour faire une publicité. Une vidéo de quelques secondes. Il l’a tournée, il l’a livrée, il est reparti. Point. Mais la direction d’Hydro-Québec a eu l’indécence de ne pas le défendre publiquement lorsque la meute s’est lancée sur lui.

Pire : c’est elle qui l’a exposé. Car il faut rappeler une chose essentielle dans cette saga: c’est Hydro-Québec elle-même qui a choisi Martin St-Louis.

Ce n’est pas lui qui a cogné à la porte. Ce n’est pas lui qui a supplié pour faire la campagne. C’est la société d’État qui l’a approché.

Elle a choisi un homme aimé des Québécois, un père de famille, un leader charismatique, pour porter un message sur la transition énergétique. C’est elle qui a validé le cachet. C’est elle qui a embauché l’agence de pub. Et quand le scandale a éclaté? Rien. Silence radio.

Le Journal de Montréal publiait une enquête intitulée :

« Hydro-Québec a versé des centaines de milliers de dollars à Martin St-Louis pour une pub ».

On y apprenait que la campagne avait coûté au total 2,4 millions de dollars. Que Martin St-Louis avait été payé entre 250 000 $ et 300 000 $. Et que la société d’État refusait de confirmer le montant exact, se réfugiant derrière des clauses de confidentialité.

Résultat : Martin St-Louis est devenu la tête de Turc. Une sorte de symbole de l’irresponsabilité financière d’Hydro. On a oublié qu’il était un simple contractuel. Pas un décideur. Pas un comptable. Pas un élu.

Et pendant ce temps, Claudine Bouchard, elle, obtient sa promotion. Elle passe de cheffe de l’exploitation à PDG, avec une augmentation de 11,7 %.

En 2024, elle avait déjà touché 933 362 $. En 2025, sa rémunération frôlera le million. C’est inscrit noir sur blanc dans un décret du gouvernement Legault. Et personne n’a semblé outré. Pas de manchette. Pas de tollé. Pas de condamnation publique.

Alors que Martin St-Louis a été crucifié pour 250 000 $, une somme qui représente à peine le quart du bonus de performance potentiel de Mme Bouchard.

Le double discours est flagrant : on exige une transparence absolue lorsqu’il s’agit d’un visage connu, d’un ancien joueur de hockey qu’on associe aux élites sportives, mais on ferme les yeux lorsque ce sont les dirigeants d’organismes publics qui s’enrichissent dans l’ombre des décrets gouvernementaux.

Et Hydro-Québec continue d’avancer comme si de rien n’était. En préparation d’une deuxième campagne, toujours avec Martin St-Louis, pour l’automne et l’hiver 2025. Selon des sources internes, le cachet prévu pour cette deuxième pub friserait les 300 000 $.

Et que fait Hydro pour préparer le terrain? Rien. Encore une fois, on s’apprête à exposer Martin St-Louis à une autre tempête médiatique sans le moindre bouclier.

Pas une déclaration. Pas une défense. Pas une reconnaissance du malaise. C’est comme si on avait choisi de le sacrifier au nom de la communication d’État.

Or, la situation a changé. Le contexte est explosif.

Les prévisions de l’Union des consommateurs sont alarmantes : des hausses tarifaires de 5,6 % à 9 % par année d’ici 2028.

Une facture d’électricité qui pourrait doubler, voire tripler, pour les ménages québécois. On parle d’un plan d’investissement de 200 milliards jusqu’en 2035.

Pendant que les Québécois se demandent comment ils paieront leur prochaine facture, Hydro-Québec continue de verser des primes, d’embaucher à coups de millions, de distribuer des cachets sans transparence, et de déployer des campagnes publicitaires qui, bien que nobles dans leur message écologique, sont perçues comme une gifle en plein visage des contribuables.

Et dans tout ça, Martin St-Louis?

Un père de trois garçons, un homme qui a consacré sa vie à la discipline et au dépassement de soi, un entraîneur admiré pour sa rigueur et sa franchise.

Oui, il a été grassement payé pour une publicité en 2023-2023. Mais ce n’est pas lui qui a plongé Hydro-Québec dans la tourmente financière.

Ce n’est pas lui qui a signé des primes d’embauche de 625 000 $ comme celle de Maxime Aucoin, le nouveau VP aux finances et à la stratégie, recruté par Michael Sabia.

Ce n’est pas lui qui a menti aux Québécois en promettant que les hausses tarifaires ne dépasseraient jamais 3 %, comme François Legault l’avait juré en octobre 2023.

La vérité est qu’Hydro-Québec vit une crise de légitimité. Et Martin St-Louis a été instrumentalisé dans une stratégie de communication bancale, mal pensée et dangereusement déconnectée de la réalité.

Il est temps que les dirigeants d’Hydro-Québec fassent ce qu’ils auraient dû faire depuis longtemps : présenter des excuses publiques à Martin St-Louis.

Ils doivent admettre qu’ils ne l’ont pas protégé. Qu’ils l’ont exposé sans préparation. Qu’ils l’ont laissé seul lorsque les attaques ont commencé. Et surtout, qu’ils ont failli à leur responsabilité morale de défendre leurs collaborateurs contre l’injustice.

Hydro-Québec doit aussi faire preuve de cohérence. Si elle veut continuer à engager des figures publiques pour porter ses messages, elle doit être prête à assumer la responsabilité de ses choix.

Elle doit cesser de se cacher derrière les clauses de confidentialité lorsqu’il est question d’argent public. Et elle doit enfin comprendre que la population québécoise n’est pas dupe.

Le peuple n’en veut pas à Martin St-Louis d’avoir été payé.

Il en veut à Hydro-Québec d’avoir permis qu’il devienne la cible de leur colère, pendant qu’elle-même versait des millions à ses dirigeants, dissimulait ses prévisions tarifaires, et tentait de faire passer la pilule d’un plan d’action de 200 milliards sans consultation populaire ni plan d’amortissement clair.

Alors, à Hydro-Québec : il est encore temps de réparer les dégâts. Il est encore temps de se tenir debout, de faire preuve de transparence, et de s’excuser. Pas seulement auprès de Martin St-Louis.

Mais aussi auprès de tous les Québécois qu’on a tenté, qu'on tente et qu'on tentera toujours de berner