Valérie Plante avait promis de transformer Montréal. Elle voulait laisser derrière elle l’image d’une mairesse progressiste, proche du peuple, soucieuse de l’avenir écologique et du bien commun.
Elle quitte finalement la scène politique dans le scandale, couverte de critiques, désavouée même par ceux qui devraient normalement poursuivre son héritage. Jamais une fin de carrière municipale n’aura été aussi humiliante.
Car tout s’effondre en même temps : le rapport dévastateur de la Vérificatrice générale (VG), Andrée Cossette, qui pointe du doigt des années de mauvaise gestion, et le rejet spectaculaire du projet Camillien-Houde par son successeur désigné, Luc Rabouin.
En quelques semaines à peine, Plante a vu son bilan détruit, son héritage effacé, sa crédibilité anéantie. Elle quittera à l’automne, mais plus personne ne parle de départ « par le haut » : ce sera la petite porte, la porte arrière, sans gloire ni reconnaissance.
Le rapport de la Vérificatrice générale déposé au conseil municipal est sans appel. Montréal, après huit ans de règne de Plante, est gérée au jour le jour, sans vision claire, sans planification structurée, avec des routes délabrées et des chantiers improvisés.
Le secret le moins bien gardé au Québec... est dévoiée au grand jour.
« La Ville ne s’est pas dotée d’un système de gestion des actifs applicable à ses chaussées suffisamment robuste pour garantir un entretien et un maintien approprié de toutes les rues », écrit noir sur blanc la VG.
Autrement dit : les cônes orange, les nids-de-poule, les rues qui s’effondrent… ce n’est pas une malchance, c’est la conséquence directe d’une gestion municipale chaotique et cloisonnée. Montréal, ville soi-disant moderne, en est réduite à colmater ses failles comme on met un pansement sur une plaie ouverte. Et Valérie Plante en est responsable.
Les chiffres sont accablants :
25 % des artères de Montréal sont officiellement en mauvais état.
37 % du réseau local est dans le même état de délabrement.
Le Service des infrastructures lui-même admettait que la situation allait empirer.
Autrement dit, plus du tiers de Montréal roule sur des routes pourries, pendant que la mairesse se vantait de planter quelques arbres ou d’ouvrir de nouvelles pistes cyclables.
Et ce n’est pas tout. Le rapport met aussi en lumière les salaires scandaleusement élevés de la haute direction de la Ville de Montréal.
Alors que Plante a toujours prôné une gestion « responsable » et « respectueuse » des fonds publics, sa propre administration versait des salaires comparables à ceux du secteur privé, parfois supérieurs à ceux de ministres ou de hauts fonctionnaires provinciaux.
La VG le dit clairement :
Ces salaires ne sont pas encadrés.
Ils sont distribués sans justification claire.
Ils ne correspondent en rien aux responsabilités réelles du milieu municipal.
Un symbole de la dérive de l’administration Plante : des bureaucrates engraissés, pendant que les citoyens paient toujours plus cher pour des services en chute libre.
Le rapport s’attaque aussi à un autre pilier de la métropole : la Société de transport de Montréal (STM). Ici encore, le constat est catastrophique.
Les remises à neuf d’autobus, censées économiser des millions, sont faites de façon inefficiente, mal coordonnée, avec une gestion des stocks déficiente et des surplus aberrants.
Résultat :
Des ruptures de pièces.
Des bus immobilisés inutilement.
Des retards constants.
Le transport collectif, pilier écologique du discours de Plante, est en réalité un champ de ruines.
Le service incendie lui aussi pointé du doigt
Comme si ce n’était pas assez, le Service de sécurité incendie de Montréal (SIM) est lui aussi cloué au pilori. La gestion des équipements de protection individuelle des pompiers est jugée « inefficace et inefficiente ».
En clair : les pompiers, censés protéger les Montréalais, ne peuvent même pas compter sur leur propre équipement à cause de la négligence administrative.
C’est plus qu’un détail : c’est une menace directe à la sécurité publique. Et c’est encore une tache de plus sur le bilan Plante.
On aurait pu croire que Valérie Plante chercherait à sauver son honneur avec un grand projet marquant, un dernier coup d’éclat pour justifier ses années au pouvoir. Ce projet, c’était la transformation de la voie Camillien-Houde sur le mont Royal. Mais là encore, c’est l’échec total.
Depuis des années, Plante se battait pour fermer cette voie aux voitures, au nom des cyclistes et des piétons. Elle voyait là une occasion de laisser une trace indélébile : faire du mont Royal un sanctuaire vert, libéré des automobilistes. Mais voilà que son propre successeur, Luc Rabouin, vient de la désavouer.
« Il n’y aura pas de projet s’il n’y a pas de navette », a-t-il dit, en annonçant que le projet serait repoussé et repensé.
Traduction : le projet de Plante est mort-né.
Le coup est d’autant plus dur que ce rejet ne vient pas de l’opposition, mais de son propre parti, Projet Montréal. Rabouin, qui devait assurer la continuité, a choisi de sacrifier Camillien-Houde pour sauver la crédibilité du parti. Plante est trahie par les siens, humiliée publiquement.
La décision est lourde de sens :
Les voitures resteront exclues, mais une navette sera ajoutée.
Le projet est repoussé de plusieurs années.
Les priorités sont ailleurs : logement, itinérance, changements climatiques.
En clair : le projet phare de Plante est relégué au second plan.
Et tout cela tombe à un moment stratégique : la campagne municipale s’enclenche bientôt. Au lieu d’être saluée comme une visionnaire, Plante sera attaquée comme une mairesse qui a laissé la ville se dégrader, qui a engraissé ses cadres et qui a échoué à livrer ses propres projets.
Ses adversaires n’ont même pas besoin de forcer le trait : le rapport de la VG et le rejet de Camillien-Houde parlent d’eux-mêmes.
Soraya Martinez Ferrada, cheffe d’Ensemble Montréal et candidate à la mairie, n’a pas manqué de tirer à boulets rouges :
« Deux reculs en deux jours pour Projet Montréal ! Les Montréalais méritent mieux qu’une administration qui change d’idée à tout bout de champ pour gagner des élections. »
Valérie Plante a déjà annoncé qu’elle quittera la vie politique à l’automne. Mais ce départ, qui aurait pu être planifié comme une sortie honorable, se transforme en véritable désastre. Elle part sans héritage solide, sans reconnaissance, sans gloire.
Le rapport de la VG a pulvérisé sa crédibilité.
Le rejet de Camillien-Houde a effacé son projet fétiche.
Ses opposants et même ses successeurs ne veulent plus associer leur nom au sien.
Celle qui avait promis de redonner Montréal aux citoyens la quitte en laissant derrière elle une ville plus congestionnée, plus délabrée, plus frustrée que jamais.
On pourra dire ce qu’on veut de Valérie Plante : elle a été la première femme élue mairesse de Montréal, elle a eu son moment de gloire avec son sourire et son image de proximité. Mais l’histoire retiendra surtout sa sortie ratée, marquée par la honte et la perte de toute crédibilité.
Et la suite ? Peut-être un retour à la vie privée, peut-être une nomination symbolique dans une organisation quelconque.
Mais pour les Montréalais, le nom de Valérie Plante restera associé aux cônes orange, aux nids-de-poule, aux salaires indécents et aux projets avortés.
Elle partira par la petite porte, comme une élue qui n’aura pas su transformer ses ambitions en résultats. Une mairesse qui a tout perdu, jusqu’à son héritage.