Tristesse au Québec: Eugénie Bouchard sans pitié envers RDS

Tristesse au Québec: Eugénie Bouchard sans pitié envers RDS

Par David Garel le 2025-07-23

C’est le genre de geste qui ne passe pas inaperçu. Un geste qui, à lui seul, parle plus fort que mille mots. À la veille de son dernier tournoi professionnel, alors que le Québec s’apprête à lui dire adieu avec émotion, Eugénie Bouchard a choisi TSN. Et non RDS.

Elle a choisi l’anglais, le national, l’extérieur, au détriment du cœur même de son identité francophone. Et soudainement, ce qui devait être un hommage est devenu un coup de tonnerre.

Dans un moment aussi intime et marquant qu’une retraite, c’est normalement au média de chez nous qu’on confie son dernier souffle sportif.

Mais pas pour Eugénie. Pas pour celle qui, depuis des années, semble préférer éviter le miroir québécois. Son entrevue en profondeur, ses émotions, ses confidences sur sa douleur et sa déconnexion du tennis, elle les a offertes à TSN. À RDS? À TVA Sports Rien. Pas une phrase. Pas une exclusivité. Le silence. 

Et pour beaucoup, c’en est trop.

Eugénie Bouchard ne s’est jamais vraiment sentie en terrain conquis au Québec. Depuis ses débuts, elle entretient avec sa province natale une relation d’amour-haine.

On la célèbre… quand elle gagne. On la juge… dès qu’elle sort du cadre. Lorsqu’elle atteint la finale de Wimbledon, on l’érige en déesse. Mais quand elle poste une photo en bikini ou tente un saut dans le mannequinat, on l’enterre sous les insultes.

Elle l’a dit. Elle l’a pleuré.

« J’ai reçu tant de haine pour avoir fait autre chose que du tennis. C’était un fardeau ayant pesé lourd sur mes épaules. »

Et pourtant, malgré cette blessure, malgré ces cicatrices, malgré tout ce passé d’incompréhension, on aurait cru qu’à l’heure de tourner la page, elle se tournerait vers chez elle. Vers ceux qui l’ont vue naître, croître, tomber.

Mais non. Elle a tendu le micro à TSN. Pas à RDS. Une claque.

On ne peut parler d’Eugénie Bouchard sans évoquer la fameuse phrase qui hante toujours son rapport avec le Québec :

« Je ne parle pas avec un accent québécois, alors au moins, ça, c’est bon. »

Sortie à Roland-Garros, lors d’un échange où elle aurait pu se montrer fière de ses racines, cette déclaration a déclenché une tempête.

On l’a accusée de mépriser ses origines, de renier son peuple, de vouloir être “plus française que les Français” ou “plus américaine que les Américains”.

Et au lieu d’apaiser la tension, Bouchard est restée droite. Elle n’a jamais rectifié. Pas vraiment. Elle a laissé planer le doute. Et ce doute est devenu une certitude pour beaucoup : Eugénie ne veut pas être associée à nous.

TSN plutôt que RDS : une stratégie? Ou un mépris?

En offrant son ultime entrevue à TSN, Bouchard ne fait pas qu’accorder une faveur à un média anglophone. Elle envoie un message clair : c’est là qu’elle se sent comprise. C’est là qu’elle peut raconter son histoire sans avoir à justifier son corps, ses choix, ses ambitions, son accent.

Mais ce choix, aussi stratégique soit-il, est perçu comme un rejet en bonne et due forme de la culture québécoise. Et il ravive cette vieille blessure nationale : celle d’une élite qui, dès qu’elle en a les moyens, se tourne vers l’anglais, vers “la vraie scène”, vers ce qui brille ailleurs.

Elle qui voulait inspirer les jeunes filles d’ici…

Ironie du sort : Bouchard a toujours dit qu’elle voulait inspirer les jeunes Québécoises à jouer au tennis.

« Je veux avoir inspiré des gens, surtout des enfants, à jouer. Si une mère vient me voir et me dit que sa fille aime le tennis grâce à moi, ça voudra dire que j’aurai fait quelque chose de bien. »

Mais comment inspirer les petites filles francophones du Québec si on ne s’adresse pas à elles dans leur langue? Comment créer un lien avec celles qui n’écoutent pas TSN, mais RDS? Celles qui lisent La Presse, pas The Globe and Mail?

Ce geste est un symbole. Et ce symbole fait mal. Parce qu’il confirme ce qu’on soupçonnait déjà : le Québec n’a jamais été assez pour Eugénie Bouchard.

Tout au long de sa carrière, Bouchard a joué sur deux fronts. Celui du marketing et de la performance. Celui de l’athlète et de la vedette. Et surtout : celui de la francophonie et de l’anglophonie. Mais jamais elle n’a semblé à l’aise d’assumer pleinement son identité québécoise.

« Je pense que j’ai un accent un peu plus comme anglais. Je ne parle pas si souvent français. »

Elle le disait sans gêne. Comme si le fait de “ne pas parler avec un accent québécois” était un compliment. Une qualité. Une carte de visite plus attrayante pour l’international.

Mais au Québec, cette phrase a heurté. Parce qu’ici, notre accent est notre fierté, pas notre honte. Il est notre musique, notre culture, notre résistance. Le renier, c’est nous renier.

À l’heure de sa retraite, le moment était parfait pour réconcilier. Pour s’ouvrir. Pour dire :

« Oui, j’ai fait des erreurs. Oui, je me suis éloignée. Mais j’ai aussi été blessée. »

Le Québec aurait compris. Il aurait pardonné. Il aurait pleuré avec elle. Il aurait salué la combattante, celle qui a vécu une décennie d’enfer sous les projecteurs. Celle qui a souffert dans son corps, dans son âme, dans sa perception d’elle-même.

« Je me disais : ils ont sûrement raison. Et ça, c’est dangereux. J’ai laissé les voix dans ma tête l’emporter. »

Elle aurait pu nous tendre la main. Mais elle a préféré tendre le micro à TSN.

Cette décision, à elle seule, résume toute la carrière d’Eugénie Bouchard : brillante, fascinante, controversée… et incomprise.

Elle a été une pionnière. Une révolutionnaire du tennis canadien. Une star mondiale. Elle a été belle, puissante, redoutée.

Et elle a aussi été détruite par les commentaires, par la haine, par l’obsession du corps, par le piège des réseaux sociaux. Elle a vécu l’enfer. Elle aurait pu trouver refuge chez elle. Mais chez elle, c’était toujours un peu ailleurs.

Et c’est peut-être ça, le drame d’Eugénie : elle n’a jamais vraiment su où était chez elle.

À RDS, on aurait pu s’attendre à une entrevue vérité. À un adieu en douceur. À une main tendue vers le peuple québécois. À un dernier service au filet entre une star et ses racines.

Mais non.

La plus grande joueuse québécoise de l’histoire quitte le tennis… sans dire un mot au seul média qui l’a couverte dès le jour un.

Et ce silence hurle plus fort que toutes les critiques qu’elle a subies dans sa vie.

En fin de compte, Eugénie Bouchard n’a pas seulement snobé RDS. Elle a tourné le dos à un gros morceau de sa carrière qu’elle n’a jamais su apprivoiser : celui du lien avec le peuple d’ici. Celui du cœur. Celui de la langue.

Ce n’est pas une polémique.

C’est un adieu manqué.

Et dans le théâtre tragique qu’a été sa carrière, c’est peut-être la scène la plus cruelle de toutes.