Tremblement à TVA Sports: la presse annonce la fin

Tremblement à TVA Sports: la presse annonce la fin

Par David Garel le 2025-08-08

On vous l’avait annoncé en primeur, noir sur blanc, dès le 30 juillet dernier : l’avenir du hockey du Canadien de Montréal passerait par Crave.

Et voilà que La Presse vient de le confirmer, avec en prime une bombe qui, jusqu’ici, n’avait jamais été écrite noir sur blanc dans ce quotidien : la possible fin pure et simple de TVA Sports.

Pour l’Empire Québecor, c’est la pire nouvelle possible. La confirmation publique que Bell, via sa plateforme de diffusion en continu Crave, a un plan clair pour s’approprier le futur des droits nationaux en français de la LNH. Un plan qui ne laisse, au mieux, que des miettes à TVA Sports. Au pire, rien du tout.

Mirko Bibic, PDG de Bell, ne s’en cache même plus. Dans la présentation des résultats trimestriels de BCE, il a parlé de Crave avec un enthousiasme qui en disait long… et de RDS presque du bout des lèvres. Son message est clair : le cœur de la stratégie hockey de Bell ne bat plus à la télé traditionnelle, mais sur sa plateforme numérique.

En coulisses, on prépare déjà le terrain. Dès la fin 2025, Crave commencera à accueillir non seulement des événements sportifs en direct, mais aussi des bulletins de nouvelles et du contenu jeunesse.

Exactement le genre d’intégration qui permet de convertir des abonnés occasionnels en abonnés permanents. Et parmi les événements sportifs qu’on rêve d’y voir trôner ? Les matchs du Canadien.

Ce virage, on l’observe partout : Prime Video, Apple TV, Netflix… Les géants du streaming ont compris que le sport en direct est une arme massive pour retenir les abonnés. Bell l’a compris aussi et TVA Sports est en train d’en faire les frais.

Depuis avril, Rogers détient un nouveau contrat monstre avec la LNH à partir de 2026 : 12 ans, 11 milliards de dollars. Un deal qui inclut la possibilité de céder en sous-licence les droits nationaux francophones. Normalement, à ce stade, on saurait déjà qui aura la part du gâteau. Mais cette fois, silence radio.

Silence… sauf sur un point : Québecor ne semble même pas invité à la table. Pas un communiqué, pas un indice d’entente à venir.

L’analyste Adam Shine de la Banque Nationale le dit poliment : « TVA Sports ne semble pas faire partie des plans ». 

Ce silence est d’autant plus cruel qu’il intervient après plus d’une décennie de pertes énormes pour la chaîne, entre 230 et 300 millions de dollars au total.

Des guerres de prix perdues contre Bell, des salaires disproportionnés versés à des têtes d’affiche vieillissantes, et une dépendance totale au Canadien, club qui n’a jamais offert le succès attendu.

Dans son article, La Presse ne se contente pas de rapporter les propos de Mirko Bibic. Elle mentionne explicitement que Pierre Karl Péladeau lui-même avait déjà admis que TVA Sports n’aurait pas les moyens de payer pour ces droits, allant jusqu’à dire que la fermeture de la chaîne était envisageable. C’est la première fois que ce scénario est écrit noir sur blanc dans ses pages.

Lors de l’assemblée annuelle des actionnaires de Québecor, Pierre Karl Péladeau lui-même n’a pas cherché à enrober la réalité.

Interrogé sur l’avenir de TVA Sports, il a reconnu que la chaîne « ne devrait pas avoir les moyens de payer les sommes requises pour la diffusion des matchs » de la LNH après 2026, ajoutant qu’« il ne faudrait pas s’étonner » si TVA Sports cessait ses activités. Pas d’effet de manche, pas de promesse de sauvetage : un retour à la réalité sec, glacial, qui sonnait comme un faire-part de décès lu à haute voix devant ses propres investisseurs.

Cette phrase, anodine pour certains, est une condamnation pour d’autres. Car si TVA Sports perd le Canadien, elle perd sa raison d’être. Sans hockey, il ne reste que des miettes d’audience et un gouffre financier impossible à combler.

Les signaux convergent : le prochain contrat francophone de la LNH sera éclaté entre RDS, Crave et possiblement Amazon Prime.

L’idée ? Maximiser les revenus en multipliant les canaux de diffusion et en imposant aux fans plusieurs abonnements pour voir l’ensemble des matchs.

Pour Bell, c’est l’occasion rêvée de bâtir un écosystème verrouillé : contenu exclusif sur Crave, diffusion régionale sur RDS, et événements ponctuels sur des plateformes partenaires comme Amazon. Pour TVA Sports, c’est l’enterrement de première classe.

Lorsque PKP a lancé TVA Sports, c’était avec l’ambition de faire trembler RDS, de donner une voix populaire et directe aux amateurs de hockey québécois.

Mais plus d’une décennie plus tard, le bilan est désastreux : des pertes annuelles récurrentes, un marché publicitaire en chute libre, et un produit trop dépendant d’un Canadien médiocre.

Aujourd’hui, TVA Sports est un navire à la dérive. Les couloirs sont traversés par un mélange d’abattement et de colère contenue.

Les employés savent que l’été 2026 marquera la fin du contrat actuel de diffusion… et probablement la fin tout court.

La tentative de sauver la marque par une chaîne YouTube lancée en 2025 ressemble à un aveu de faiblesse. Un geste désespéré qui ne rapportera jamais assez pour compenser les centaines de millions perdus.

Il faut aussi voir la tendance de fond : les jeunes ne consomment plus le sport comme avant. Geoff Molson, propriétaire du Canadien, l’a compris avant bien des dirigeants : l’avenir passe par des plateformes comme Crave, capables d’offrir du contenu exclusif, des séries documentaires, des extraits viraux… et du direct, sans passer par la case câble.

RDS ne disparaîtra pas, mais son rôle changera. La télé traditionnelle continuera de diffuser des matchs, mais c’est Crave qui deviendra le cœur stratégique. Et cette bascule est irréversible.

Pendant plus de dix ans, TVA Sports a tenté de représenter une alternative, un ton différent. Même si la chaîne a perdu sa guerre contre Bell, sa disparition laissera un vide.

Un vide qui ne sera pas comblé, car les plateformes de streaming n’ont ni le mandat ni l’intérêt de jouer ce rôle de contrepoids médiatique.

Le jour où TVA Sports éteindra ses lumières, ce sera la fin d’une époque pour le hockey à la télé au Québec. Et cette fois, on ne pourra pas dire qu’on ne vous avait pas prévenus.