Pendant que les Canadiens de Montréal se débattent encore avec des choix discutables de formation et des joueurs comme Joe Veleno qui est en uniforme, invisible soir après soir, les Canucks de Vancouver viennent peut-être de commettre le vol de l’année.
En offrant un simple choix de 4e ronde en 2027 aux Blackhawks de Chicago, Patrik Allvin a mis la main sur Lukas Reichel, un ailier de 23 ans au potentiel explosif. Un joueur que plusieurs dirigeants dans l’Est voient comme un pari sans risque, et que le Canadien aurait pu acquérir sans même lever le petit doigt.
Reichel n’est pas un inconnu. Choix de première ronde (17e au total) en 2020, l’Allemand a souvent été comparé à J.J. Peterka pour sa vitesse, son flair offensif et son intelligence de jeu.
À Chicago, il a montré des éclairs de talent : 15 points en 23 matchs lors de la saison 2022-2023, avec une moyenne de 0,65 point par rencontre, l’équivalent d’un rythme de 53 points sur une saison complète. Pour un jeune de 20 ans dans un club en ruine, c’était remarquable.
Avant la transaction, Lukas Reichel affichait déjà quatre points en cinq matchs avec Chicago cette saison, deux buts et deux passes, dont un doublé contre les Blues de Saint-Louis.
Reichel était coincé sur un quatrième trio sans véritable rôle offensif. Malgré un temps de jeu moyen inférieur à 12 minutes, il réussissait à générer l’une des meilleures proportions de chances de marquer à cinq contre cinq de toute l’équipe selon Natural Stat Trick.
Reichel produisait quand on lui en donnait la moindre occasion. Il était prêt à exploser ailleurs, et Vancouver, contrairement à Montréal, l’a compris.
Reichel a été ballotté entre les lignes, démoralisé, il a perdu confiance, au point d’avoir besoin d’un nouveau départ. Et Chicago a accepté de le sacrifier pour un simple 4e tour, deux ans dans le futur.
Le pire ? Ce 4e tour appartenait déjà aux Hawks. Vancouver ne fait que leur rendre leur propre choix. Une transaction symbolique, presque un cadeau.
Quand on apprend que Vancouver a obtenu Reichel pour un si petit prix, il y a de quoi s’arracher les cheveux. Le Canadien a présentement sous contrat Joe Veleno, un joueur fantôme qui a terminé sa soirée de jeudi avec 9 minutes 31 secondes de jeu et un différentiel de -2.
Un joueur qu’on a signé pour 900 000 $ comme bouche-trou, en se convainquant qu’il avait encore quelque chose à prouver.
Mais Veleno ne prouve rien. Ni énergie, ni créativité, ni production. Il a bloqué la porte à des jeunes comme Florian Xhekaj, qui mériteraient de prendre sa place dans le bottom-six.
Et pendant ce temps, un vrai talent offensif, un jeune joueur au profil idéal pour Montréal, rapide, intelligent, capable de jouer au centre ou à l’aile, change de camp pour presque rien.
Lukas Reichel, c’est le genre de pari que Kent Hughes n’a pas le luxe d’ignorer. Dans une équipe qui se veut en reconstruction contrôlée, ajouter un ailier offensif de 23 ans pour un 4e tour est une évidence.
Ce n’est pas un « projet », c’est un joueur prêt à rebondir. À Vancouver, il aura la chance d'avoir un temps de glace.
À Montréal, il aurait eu des miettes avec Martin St-Louis qui ne veut pas faire confiance aux jeunes. Si Demidov joue 12 minutes par match et Bolduc 10 minutes, imaginez pour Reichel.
Reichel n’est pas un inconnu pour les recruteurs du Canadien. Nick Bobrov et son équipe ont longuement suivi sa progression en Allemagne et à Rockford dans la AHL.
Ils savaient exactement qui il était. En 2021-2022, il a été élu meilleur attaquant des IceHogs avec 57 points en 56 matchs, premier de la ligue chez les moins de 20 ans. Même dans la Ligue américaine, on voyait déjà son sens du jeu au-dessus de la moyenne.
Ce n’est pas un hasard si plusieurs recruteurs disaient à l’époque : « Sa tête va aussi vite que ses jambes. »
Mais à Chicago, tout s’est effondré.
Selon The Athletic, Reichel a été « trop préoccupé par son jeu défensif », au point de perdre confiance offensivement. Il s’est « auto-neutralisé », incapable de jouer instinctivement. L’équipe de Vancouver, elle, veut le libérer. Patrik Allvin l’a dit :
« On voit encore un joueur rapide, créatif et jeune. Il a besoin de stabilité, pas d’un nouveau message. »
À 23 ans, ce n’est pas un pari perdu. C’est une correction de trajectoire.
À Montréal, Martin St-Louis aurait-il su quoi faire ?
Et c’est là que la vraie question se pose. Parce qu’à Montréal, Martin St-Louis aurait-il su quoi faire avec Lukas Reichel ?
Rien n’est moins sûr.
Quand on regarde comment il gère Ivan Demidov, Zachary Bolduc et Lane Hutson, on comprend vite que St-Louis a une relation compliquée avec le talent brut. Il dit valoriser la créativité, mais il la bloque. Il parle d’apprentissage, mais il limite les minutes des jeunes.
Demidov, l’un des joueurs les plus électrisants de la LNH, n’a pas joué plus de 13 minutes 46 à Calgary ni 10 minutes 24 à Edmonton.
Bolduc, lui, a encore été relégué à 10 minutes 45, malgré un but spectaculaire sur le power play.
Alors imaginez Reichel. À peine arrivé, il aurait connu le même sort : un quatrième trio, dix minutes de glace, un coach nerveux dès qu’il tente une feinte.
La vérité, c’est que St-Louis a peur du talent instinctif. Il le tolère tant qu’il est encadré, tant qu’il obéit à la structure. C’est pour ça que des gars comme Veleno survivent : ils ne dérangent personne, ils ne brillent pas, mais ils écoutent.
C’est exactement ce que Reichel ne voulait plus vivre à Chicago. Et c’est exactement ce que Montréal lui aurait offert.
Cette transaction dit tout sur la philosophie du Canadien actuel. On préfère des travailleurs sans éclat à des artistes incompris. On veut des joueurs « de système » plus que des joueurs « de moment ».
Mais dans la LNH moderne, les équipes qui gagnent sont celles qui misent sur les jeunes à haut plafond. Pas celles qui s’enferment dans la prudence.
Et pendant que Reichel s’installe sur le deuxième trio des Canucks, Joe Veleno continue de patiner sans conviction, au centre d’un Bolduc frustré et d’un Dach méconnaissable.
Certains diront que Reichel pourrait être un autre Vitaoi Kravtsov, un joueur de talent incapable de se faire une place dans la LNH. Peut-être. Mais pour un 4e tour, le risque est nul.
Ce qui est honteux, ce n’est pas de rater un coup de dés, c’est de ne pas le tenter.
