Jayden Struble est trahi par Martin St-Louis. On assiste à un coup de poignard d’un coach qu’il croyait loyal
Il n’est pas du genre à faire de vagues, Jayden Struble. Ce n’est pas un gars qui se plaint. Ce n’est pas un joueur qui cherche les caméras.
Mais cette semaine à Brossard, dans le regard qu’il a lancé à travers la baie vitrée, on lisait tout. La colère. La trahison. Le désenchantement. C’était un regard d’homme qui a compris que la guerre était truquée. Que le combat qu’on lui avait promis n’avait jamais existé.
Pendant que les journalistes s’extasiaient sur les performances d’Arber Xhekaj, pendant que Martin St-Louis distribuait ses fleurs comme un père fier, Jayden Struble, lui, encaissait. Le poste qu’on lui avait vendu comme accessible s’était déjà envolé.
Ce soir à Toronto, le match préparatoire ne sera qu’un théâtre de l’absurde. Une mise en scène grossière dans laquelle Xhekaj évoluera une fois de plus avec Alexandre Carrier, pendant que Struble sera condamné à patiner avec Lane Hutson, ce jeune surdoué promis à Guhle. Un jumelage qui n’a aucun avenir. Un faux test. Une honte.
Car tout le monde sait que Xhekaj a gagé le poste de 6e défenseur.
Et c’est là que la colère gronde. Parce que depuis le début du camp, Jayden Struble n’a jamais eu une seule présence avec Alexandre Carrier. Pas une.
Pendant qu’Arber Xhekaj s’installait aux côtés du droitier , que la chimie se construisait, que le coach multipliait les commentaires élogieux, Struble patientait, observait, et croyait naïvement que son tour viendrait pour se prouver aux côtés de Carrier. Il croyait en Martin St-Louis.
C’est là toute l’ironie. Struble a cru en la méritocratie. Il a cru à la loyauté. Il a cru que la glace parlerait. Mais ce qu’il découvre aujourd’hui, c’est que la décision était prise depuis longtemps. Que son rôle était déjà déterminé : celui du septième défenseur. Celui qu’on envoie dans les estrades au moindre blessé. Celui qu’on offre dans tous les packages deals sans jamais le consulter.
Quand Jayden Struble a signé son contrat de deux ans, à 1,41 million de dollars par saison, il y a quelques mois, il y voyait un engagement. Une validation. Une reconnaissance. Il se disait que le Canadien voyait en lui un joueur fiable, structuré, prêt à prendre une place dans la brigade défensive.
Ce qu’il ne savait pas, c’est que dans les étages supérieurs, Kent Hughes et Jeff Gorton le voyaient déjà comme une monnaie d’échange. Il n’était pas une pièce centrale du plan. Il était une variable. Une solution de rechange. Un actif.
Et aujourd’hui, ce mensonge lui explose au visage. Pendant qu’Arber Xhekaj accumule les minutes avec Carrier, Struble se voit relégué à la périphérie. Lui qui croyait être dans le cercle intérieur découvre qu’il n’était même pas sur la photo.
Ce n’est pas qu’il n’aime pas Arber Xhekaj. Au contraire. Il respecte son parcours, sa résilience, sa capacité à soulever une ville entière avec un seul coup d’épaule ou un combat de boxe.
Mais ce que Struble voit aujourd’hui, c’est une organisation qui ne jure plus que par le “Shérif”, non pas uniquement pour ses performances, mais pour son aura, son charisme, sa capacité à vendre des chandails.
Et c’est peut-être ça, la blessure la plus profonde. Struble ne sera jamais un poster-boy. Il ne provoque pas de clameurs au Centre Bell. Il ne casse pas des gueules pour le plaisir de la foule. Il ne sourit pas devant les caméras.
Il joue. Sobrement. Solidement. Fidèlement. Et c’est ce qui rend sa situation d’autant plus cruelle. Il ne peut pas lutter contre une mascotte médiatique.
Ce qu’il voulait, Struble, c’était une vraie chance. Une audition sérieuse aux côtés de Carrier. Un vrai test. Pas un rôle d’accompagnateur pour Lane Hutson dans un match où l’issue est déjà connue.
Mais cette audition, on ne la lui a jamais donnée. Et c’est ce qu’il ne pardonne pas à Martin St-Louis. Il croyait en l’homme. Il croyait au discours. Il croyait que les efforts, les petits détails, la constance allaient primer. Il croyait que les promesses faites en avril tenaient encore en septembre.
Aujourd’hui, il comprend que non. Et c’est ce qui nourrit sa colère.
Le pire dans tout ça? C’est que son sort n’est même plus entre ses mains. Tout le monde sait qu’il va être échangé. Les rumeurs sont partout. Son nom a circulé à Boston. À Nashville. Et maintenant, à Philadelphie, où les Flyers sont désespérément pauvres à gauche.
Cam York, Nick Seeler, Egor Zamoula. Voilà ce qui reste de la gauche de la défensive des Flyers. Et Struble, dans cette équation, ferait figure de bénédiction.
Un gaucher robuste, mobile, structuré. Tout ce que Rick Tocchet adore chez un défenseur. Mais à Montréal, on n’est pas pressé. On préfère le laisser croupir, sans repère, en attendant le bon moment, la bonne blessure, ou le bon appel.
Le hic, c’est que ce moment ne vient jamais. Le prix baisse. Les offres deviennent ridicules. Et la frustration de Struble grimpe. Parce que le match est faussé, encore une fois.
Dans le sud, les Predators cherchent désespérément à combler les trous derrière Roman Josi et Brady Skjei. Struble leur a été proposé. Avec un petit quelque chose en plus, comme Owen Beck et d'autres éléments... pour Ryan O'Reilly?
Mais Barry Trotz est méfiant. Il veut attendre de voir si les Predators seront dans la course à l'Action de grâce américaine.
Mais le pire, l’humiliation suprême, c'est Boston. Les Bruins ont refusé le package deal de Struble, Joshua Roy et Oliver Kapanen pour Pavel Zacha.
Encore là, il faudra attendre à l'Action de grâce américaine.
Et pourtant, Struble pourrait y aboutir. Chez l’ennemi de toujours.. Là où il a grandi. Là où il a étudié. Où il rêvait de jouer, adolescent. Aujourd’hui, ce rêve-là aurait le goût du poison.
Il ne veut pas devenir ce genre de joueur. Celui qui se bat pour rester dans une ligue qui ne l’a jamais vraiment voulu.
Il voulait se battre pour Montréal. Mais Montréal a choisi Xhekaj.
À Brossard, dans le vestiaire, les silences sont lourds. Certains joueurs savent. D’autres devinent. Jayden Struble, lui, n’a plus besoin de deviner. Il a compris.
Il ne fait pas partie de la clique. Il n’a pas de protecteur. Il n’a pas de micro. Il n’a pas d’émission de télé qui scande son nom. Il est seul.
Et ce soir, contre Toronto, il patinera avec dignité, comme toujours. Mais au fond de lui, il patinera avec une amertume qu’il n’arrive plus à dissimuler. L'amertume d’un joueur qui a tout donné, mais qui n’a jamais eu la chance de vraiment jouer ses cartes.
Il est né dans le mauvais système, au mauvais moment. Et le système l’a broyé.
Martin St-Louis avait deux choix.
Offrir une vraie chance à Struble. Ou continuer de nourrir la légende du Shérif.
Il a choisi. Et ce choix, qu’il le veuille ou non, a brisé un homme.
Et si un jour, Struble explose ailleurs, comme tant d’autres avant lui, on dira que c’était une erreur de développement. Une erreur de gestion. Un accident.
Mais ce ne sera pas un accident.
Ce sera une trahison.