Tension entre Lane Hutson et son agent: un contrat brûlant

Tension entre Lane Hutson et son agent: un contrat brûlant

Par David Garel le 2025-08-08

Il ne manque que 500 000 $. Un demi-million. Des "peanuts", diront certains. Une miette sur un contrat de huit ans, diront les partisans.

Mais dans les bureaux de Kent Hughes et dans l’entourage de l’agent Sean Coffey, c’est un fossé. Une tranchée. Une guerre.

Le contrat de Lane Hutson est devenu un casse-tête aussi médiatique que stratégique. D’un côté, le jeune prodige américain, récipiendaire du trophée Calder, qui a déjà reçu un vote de 3e place au Norris à sa première saison.

De l’autre, une organisation qui croit avoir réussi le vol du siècle en signant Caufield, Slafkovsky et Suzuki à des montants bien en deçà de leur valeur actuelle. Et entre les deux : Noah Dobson.

Car c’est là que réside tout l’enjeu. Depuis que le Canadien a fait l’acquisition de Dobson et lui a offert un contrat de 8 ans à 9,5 M$ par saison, une nouvelle ligne rouge a été tracée. Celle du plus haut salaire consenti par Kent Hughes à un joueur actif sous contrat.

Dobson est devenu la référence, le "stud". Et ce que réclame Sean Coffey, c’est une chose : que Lane Hutson soit payé plus.

Le message de Coffey est clair : « Dobson, c’est la base »

Dans les coulisses, tous s’entendent : Hutson et son clan seraient prêts à signer un contrat de huit ans pour 80 millions de dollars.

Une moyenne de 10 M$ par saison. Ce serait le plus gros contrat jamais accordé par le Canadien de Montréal à un joueur actif, dépassant Dobson (9,5 M$) et Suzuki (7,875 M$). Il serait aussi plus élevé que celui de Cole Caufield (7,85 M$) et que celui de Juraj Slafkovsky (7,6 M$).

Mais du côté de Kent Hughes, on ne veut pas casser la banque… tout de suite. Le CH a déjà bonifié son offre initiale, qui était de 72 M$ (9 M$/an), puis 76 M$ (9,5 M$/an) pour finalement l’amener à égaler celle de Dobson. Et là, ça bloque.

Car pour Coffey, il est hors de question que son client gagne moins, ou même autant, que Dobson. Et à son avis, il a tous les arguments pour justifier cette demande.

Noah Dobson a mis cinq saisons à s’imposer comme un défenseur top 10 dans la LNH. Lane Hutson? Une seule. À 20 ans, il a terminé 7e meilleur pointeur chez les défenseurs, a joué 22 min 43 s par match, a été sur les deux vagues d’avantage numérique, et a montré une efficacité défensive bien supérieure aux attentes. Il a été finaliste au Calder, l’a remporté, et a obtenu un vote au trophée Norris.

Comme l’a rappelé Tony Marinaro : « Dobson a mis cinq ans pour faire ce que Hutson a fait en un an. »

Et pourtant, cette ascension fulgurante n’a même pas été suffisante pour obtenir une invitation au camp d’orientation olympique de l’équipe américaine.

Il faut le dire : Bill Guerin a fait une erreur monumentale. En refusant d’inviter Lane Hutson à son camp, alors qu’il a invité Noah Dobson, Brock Faber, Jaccob Slavin et même Noah Hanifin, le DG de Team USA a montré qu’il reste un homme de l’ancienne école. Une vieille mentalité. Celle où un défenseur doit faire 6’3”, frapper, bloquer des tirs, et éviter toute créativité.

C’est exactement ce que Hutson n’est pas.

Mais aux yeux de Sean Coffey, cette exclusion ne fait que prouver à quel point son client dérange. Et si USA Hockey n’est pas prêt à lui donner la reconnaissance qu’il mérite, alors le Canadien doit le faire avec un contrat historique.

Il y a une raison pour laquelle Coffey demande 10 M$ par saison : la LNH est en feu.

Le plafond vient de passer de 88 M$ à 95,5 M$, et il pourrait atteindre 113,5 M$ dès 2027-2028. Avec une limite de 20 % du cap salarial pour un joueur, on parle d’un maximum possible de 22 M$ d’ici deux ans. Ça change tout.

Connor McDavid, Kirill Kaprizov, bientôt Cale Makar… Tous les joueurs étoiles attendent pour signer leur prochaine entente et établir une nouvelle hiérarchie salariale. D’ailleurs, selon Elliotte Friedman, les clubs et les joueurs sont actuellement en « période de réinitialisation des contrats ».

Dans ce contexte, signer Lane Hutson maintenant pour 10 M$ pourrait être une aubaine dans trois ans. Comme l’ont été les contrats de Caufield, Slafkovsky et Suzuki.

C’est là que la gestion brillante de Kent Hughes se transforme en désastre relationnel. Car pendant que Dobson et Hutson s’apprêtent à empocher 9,5 M$ et 10 M$, Caufield et Slafkovsky ruminent en silence.

Caufield : 8 ans à 7,85 M$.

Slafkovsky : 8 ans à 7,6 M$.

Suzuki : 8 ans à 7,875 M$.

Aujourd’hui, ces salaires paraissent corrects. Mais dans deux ans? Ils seront presque risibles.

Cole Caufield représentait 8,9 % du plafond en 2023. En 2027, ce sera 6,9 %. Et dans la LNH moderne, un marqueur de 40 buts touchera entre 11 et 12 M$. Il a manqué le bateau. Slafkovsky aussi.

Selon l’agent Allain Roy :

« C’est une situation intenable pour ces joueurs. Ils voient leurs collègues s’enrichir avec des contrats colossaux pendant qu’eux sont bloqués avec des ententes qui, dans quelques années, paraîtront ridicules. »

Et c’est exactement ce que Sean Coffey veut éviter pour Hutson.

Si Kent Hughes veut acheter huit années d’Hutson, dont trois ou quatre d’autonomie, il doit payer cher. Très cher.

Et on en revient au point de départ.

Le Canadien offre : 9,5 M$.

Hutson veut : 10 M$.

La différence : 500 000 $.

Et pourtant, cette marge infime pourrait créer une brèche. Une frustration. Un bras de fer qui risque de s’étirer, inutilement, alors qu’un compromis est si proche.

Ce que personne n’ose vraiment dire à voix haute, c’est qu’il existe une véritable tension stratégique entre Lane Hutson lui-même et son propre agent.

D’un côté, le jeune défenseur souhaite visiblement s’engager à long terme avec le Canadien de Montréal. Il aime la ville, le public l’adore, et tout porte à croire qu’il serait prêt à parapher une entente de huit ans dès maintenant.

Mais de l’autre, son agent pousse fortement pour un contrat de transition, un « bridge deal » de deux ou trois saisons, dans l’objectif avoué de laisser le plafond salarial exploser d’ici 2027, puis de renégocier avec un pouvoir de négociation maximal.

C’est une guerre froide de coulisses : Hutson veut la stabilité, son agent veut la maximisation future. Et ce tiraillement complique sérieusement les négociations avec Kent Hughes, qui ne sait plus s’il négocie avec un joueur prêt à s’engager… ou un clan qui rêve déjà d’un coup d’éclat salarial dans trois ans.

Faut-il le payer 9,6 M$? Juste pour le principe? Juste pour qu’il dépasse Dobson de 100 000 $? Juste pour qu’il devienne le joueur actif le mieux payé de l’histoire du CH?

C’est là que Kent Hughes doit trancher. Et vite.

Ironiquement, Noah Dobson est à la fois la meilleure décision de la carrière de Kent Hughes, et la cause principale de ses maux de tête actuels.

Son acquisition a propulsé le CH dans une autre dimension. Il est jeune, complet, excellent en relance, fiable en défense, et s’intègre parfaitement à la vision de Martin St-Louis.

Mais en devenant le défenseur le mieux payé de l’équipe, il a établi une référence impossible à contourner. Tous les autres contrats de défenseurs, Hutson, Reinbacher et compagnie seront désormais comparés à lui.

Et c’est ce qui rend la signature d’Hutson aussi complexe : il veut être reconnu comme le joueur clé du futur. Et cela passe par un contrat qui le reflète.

La LNH est en mutation. Les salaires explosent. Les références changent. Et le Canadien de Montréal, qui a toujours été frileux à l’idée de surpayer ses vedettes, se retrouve à un carrefour.

Kent Hughes peut-il vraiment refuser 10 M$ à un joueur qui, à 20 ans, a déjà changé le visage de sa défense?

Peut-il risquer une tension avec son agent, un déséquilibre dans le vestiaire, une perte de confiance chez ses jeunes joueurs?

Peut-il refuser de reconnaître que le plafond salarial a changé les règles du jeu?

Si le Canadien veut bâtir une dynastie, il devra accepter que le monde a changé. Et ça commence avec un demi-million.