Tout oppose les deux hommes, et pourtant tout les rapproche dans la course à une place dans l’alignement d’Équipe Canada.
Suzuki est le joueur complet par excellence, capable de marquer, de distribuer, de neutraliser les meilleurs trios adverses et de rendre ses coéquipiers meilleurs.
Défensivement, il n’a rien à envier à Cirelli. Offensivement, il joue dans une autre galaxie. Mais Cirelli a un atout de taille : ses liens avec Tampa Bay.
Jon Cooper, l’entraîneur du Lightning, sera derrière le banc de Team Canada. Julien BriseBois, le directeur général de Tampa, fait partie de la structure de gestion de l’équipe olympique.
Vous voyez le portrait ? Cirelli, soldat fidèle de Cooper à Tampa Bay, bénéficie déjà d’une longueur d’avance. Son rôle de joueur d’énergie, de centre de troisième trio, colle parfaitement avec ce que Cooper aime.
On l’a vu à la Confrontation des 4 Nations, on l’a vu en 2019 au Championnat mondial. Bref, même si Suzuki a les statistiques, le talent et le profil d’un futur leader pour le Canada, il est pris dans une lutte où la politique pourrait bien supplanter le mérite.
C'est clair que cela crée de la tension et du stress inutile dans la tête de Suzuki.
Et pendant ce temps-là, qui jubile en coulisses ? Michel Bergeron. Celui qui, depuis des mois, ne cesse de critiquer Nick Suzuki et qui l’a déjà qualifié de paresseux.
Il faut dire que ;e conflit entre Michel Bergeron et Nick Suzuki ne date pas d’hier, et il ne s’agit pas de simples divergences d’opinions. C’est devenu une véritable vendetta publique, menée depuis deux ans par l’ancien entraîneur contre le capitaine du Canadien de Montréal.
Tout a commencé lorsque Suzuki a refusé de participer au Championnat du monde. Pour Bergeron, ce geste était une preuve d’un manque de rigueur et de courage.
Sur les ondes de TVA Sports, il avait même lâché un méprisant : « Fatigué de quoi ? Est-ce que Sidney Crosby est fatigué lui », sous-entendant que Suzuki se cachait derrière de fausses excuses pour éviter de représenter son pays.
Mais le Tigre n’en est pas resté là. Il a choisi d’aller beaucoup plus loin, en attaquant non seulement le joueur, mais aussi sa vie privée.
Ce qui a fait exploser la polémique, c’est l’épisode de l’hôtel Amanera, en République dominicaine. Nick Suzuki avait profité de l’été pour demander sa copine Caitlin Fitzgerald en mariage dans ce palace de luxe, où chaque villa privée coûte près de 4000 $ la nuit.
Caitlin avait publié fièrement des images de leur séjour : la piscine privée, les repas gastronomiques servis sur la terrasse, la vue plongeante sur la plage.
Pour la plupart des gens, c’était une belle histoire d’amour, mais pour Michel Bergeron, c’était une provocation intolérable.
Dans ses chroniques, il a utilisé ces images pour ridiculiser Suzuki, comme si le simple fait d’avoir choisi un lieu luxueux pour ses fiançailles faisait de lui un joueur « nonchalant », déconnecté, indigne d’être capitaine du Canadien. Pour Bergeron, Suzuki était tout sauf un « vrai guerrier ».
Ce qui choque dans cette croisade, ce n’est pas seulement la sévérité des critiques, mais leur caractère obsessionnel.
Bergeron ne cessait de répéter que Suzuki n’était « pas un vrai capitaine », qu’il « ne parlait pas français », qu’il « n’avait aucun charisme », et qu’il ne serait jamais considéré pour une compétition internationale.
À chaque occasion, il trouvait une manière de le rabaisser, de mettre en doute son leadership et sa crédibilité. Pour un joueur comme Suzuki, jeune, réservé, mais respecté dans son vestiaire, c’était une série de flèches gratuites, relayées à grande échelle par un vétéran des médias qui semblait déterminé à l’abattre publiquement.
Or, le temps a fait son œuvre. Suzuki a continué d’accumuler les points, de prouver sa valeur défensive, et surtout d’affirmer son rôle de leader dans une organisation en reconstruction.
Aujourd’hui, il est capitaine respecté, classé parmi les dix meilleurs centres de la LNH par NHL Network, et invité par Hockey Canada au camp d’orientation en vue des Jeux olympiques de 2026.
Une invitation qui fait l’effet d’une gifle à Michel Bergeron. Lui qui avait juré que Suzuki ne serait jamais sur la liste se retrouve obligé de ravaler toutes ses prédictions.
Pour Suzuki, c’est une revanche silencieuse, mais foudroyante. Il n’a jamais répondu directement à Bergeron. Il n’a pas besoin de descendre au niveau des insultes.
Ses réponses, il les donne sur la glace. Et chaque point inscrit, chaque victoire arrachée, chaque reconnaissance officielle, omme cette invitation au camp olympique, vient rappeler à Michel Bergeron que sa croisade s’est transformée en fiasco.
L’homme qui répétait que Suzuki n’était pas un « vrai capitaine » doit désormais accepter que c’est justement son calme, son intelligence et sa constance qui en font l’un des leaders les plus respectés du pays.
Bergeron s’était même permis de dire que Suzuki manquait de courage, de rigueur et qu’il serait puni tôt ou tard pour ses choix.
Si Cirelli perce l’alignement canadien à la place de Suzuki, Bergeron aura du matériel en or pour crier sur tous les toits qu’il avait raison. Et Dieu sait qu’il attend ce moment.
Mais attention : si Suzuki finit par être sélectionné et briller à Milan, c’est Bergeron qui devra expliquer pourquoi il s’est entêté à le rabaisser, encore et encore, malgré les preuves du contraire.
En fait, Bergeron prie presque plus fort que Cirelli lui-même pour que ce dernier obtienne sa place, simplement pour éviter de devoir ravaler son ego et ses déclarations passées.
Pour Suzuki, le combat est clair : il doit non seulement continuer d’empiler les points à Montréal, mais aussi prouver qu’il peut occuper ce rôle “bottom-6” défensif, rôle qui semble taillé sur mesure pour Cirelli.
Pourtant, ses statistiques, son intelligence de jeu et son leadership devraient suffire à convaincre n’importe quel comité sérieux.
Mais dans un système où les affinités comptent parfois autant que le talent, Suzuki pourrait bien être le grand perdant.
Et si ça arrive, ce sera la plus grande injustice de cette sélection olympique. Un joueur au sommet de son art, sous-payé pour ce qu’il apporte à son club, capitaine exemplaire du CH, laissé de côté pour faire place à un “joueur d’énergie” dont le seul véritable avantage est d’évoluer dans le bon marché avec le bon coach.
Le duel Suzuki–Cirelli ne se joue pas seulement sur la glace. Il se joue dans les bureaux, dans les amitiés, dans les biais inconscients de ceux qui choisissent.
Et c’est là que Nick Suzuki risque de se faire avoir "big time".