Joshua Roy n’a pas seulement connu un match difficile. Il a offert, contre Columbus, l’un de ces soirs où tout s’écroule en même temps : performance anémique, revirement grossier devant son filet menant à un but coûteux, absence de vitesse, incapacité à suivre le rythme.
Roy ne semble plus seulement en retard dans son développement, il donne l’impression d’évoluer dans un tempo complètement différent du rythme de la LNH.
Il arrive en retard sur les mises en échec, il ne gagne pas ses batailles le long des bandes, il reste en périphérie des jeux importants, et surtout, il ne génère plus aucune menace lorsqu’il touche la rondelle, comme si sa confiance s’était évaporée du tout au tout.
Ce qui préoccupait autrefois à un manque de constance ressemble maintenant à un problème de talent: il n’a tout simplement pas la vitesse, le moteur ou l’explosivité nécessaires pour survivre dans un top-9 moderne, et son profil ne colle pas non plus à un rôle de quatrième trio plus robuste et défensif.
Il est coincé entre deux identités qu’il n’arrive pas à incarner, et c’est souvent ce type de joueur qui disparaît du radar sans avertissement.
Une présence invisible… jusqu’au moment où il est devenu trop visible pour les mauvaises raisons.
Un revirement, capté par les caméras, repris en boucle sur X et compilé dans des vidéos moqueuses. Un revirement qui, dans un marché comme Montréal, ne passe jamais inaperçu.
Depuis, l’avalanche est partie... et elle n’a plus rien à voir avec le hockey.
Les critiques ont dépassé l’analyse sportive.
On ne débat plus de son coup de patin, de son positionnement, de son manque de physique.
On l’étiquette.
On l’écrase.
On le déshumanise.
« Pas un joueur de la LNH. »
« Pas assez rapide. »
« Reste en périphérie. »
« Mou. »
Puis, très vite, le discours a basculé dans la diffamation facile : « party boy », « enfant gâté », « encore sur le nightlife », comme si sa soirée manquée expliquait par magie tout son parcours.
Son passé à la maison d’Alexis Lafrenière sur la Rive-Nord de Montréal, où on l'accusait de faire le party à ses débuts avec le Canadien, est ressorti comme une arme.
Des comptes anonymes en ont profité pour ressortir des histoires d’après-bar, à l’époque où Roy était surnommé "le King des bars", tant à Sherbrooke qu'à Laval.
Le fameux matin du camp 2024 où il s’est présenté à l’entraînement visiblement fatigué, les traits tirés, incapable de suivre le rythme dès les premiers tours de patinoire, a refait surface.
Les joueurs l’ont vu ralentir, puis couper volontairement des répétitions, comme s’il essayait de cacher que son corps lâchait.
C’est lorsqu’il a été forcé de participer à un exercice de transition à haute intensité qu’il s’est effondré : il a quitté la glace en urgence et aurait régurgiter sous les yeux de Martin St-Louis et du personnel d’entraînement.
Ce jour-là, pour plusieurs membres de l’organisation, la décision était prise : on ne pouvait plus lui faire confiance à plein temps, et même un camp correct n’effacerait pas la perception qu’il n’était pas prêt à vivre comme un professionnel.
Mais hier, une ligne a été franchie.
Une femme, inconnue, non vérifiée, a affirmé sur les réseaux sociaux qu’elle serait tombée enceinte de Roy et qu’on l'aurait payé pour se faire avorter.
Aucune preuve. Aucun contexte. La publication a finlament été supprimée.
Et ce qui a mis de l’huile sur le feu, c’est qu’elle relie directement l’incident à ses performances. Selon elle, c’est l’une des raisons pour lesquelles Roy aurait été rétrogradé tôt au camp, laissant entendre que l’organisation était au courant et voulait protéger sa réputation.
Il est clair que la publication a été enlevé suite à des menaces judiciaires.
Mais dans un marché comme Montréal, l’odeur du scandale suffit à condamner un joueur.
Ce que les fans retiennent, ce n’est pas l’absence de preuves :
C’est le fait qu’il a effectivement connu un camp catastrophique, et qu’il a été renvoyé rapidement à Laval cette saison… tout comme l’an dernier.
Et là, l’amalgame devient explosif :
Un camp raté + une rumeur hors glace + un passé déjà entaché de nightlife = caricature parfaite pour les réseaux sociaux.
C’est le côté sombre du web : une salle de tribunal où aucune preuve n’est exigée, où la honte devient un spectacle et où la carrière d’un joueur se trouve jugée par des avatars.
Ce qui choque, ce n’est pas seulement l’attaque personnelle, c’est la facilité avec laquelle le public a basculé de « joueur pas à sa place » à « personnage moralement douteux ».
Roy n’a pas été épargné par les critiques sportives et il ne le sera pas. Mais lorsqu’on passe du débat à l’accusation sordide, on quitte le hockey pour entrer dans la cruauté.
Et le pire, c’est que tout arrive alors que Roy traverse déjà la période la plus fragile de sa jeune carrière.
Il n’a plus de chaise à Montréal.
Il peine à justifier son rôle à Laval, tout comme à Montréal.
Il est coincé entre un passé qu’il tente de fuir et une image qui lui colle à la peau.
Lundi soir, il a offert un match d’un joueur perdu.
Aujourd’hui, il est devenu une cible.
La question n’est plus simplement de savoir s’il fera la LNH.
C’est de savoir s’il pourra continuer à évoluer dans ce marché sans être broyé par sa propre caricature.
Parce qu’il y a une différence entre analyser un revirement… et crucifier un humain.
Et Montréal, une fois de plus, ne semble pas faire la distinction.
