Le sablier s’écoule, lentement, impitoyablement. Et chaque grain qui tombe rapproche Arber Xhekaj de la sortie. Ce qui, il y a encore quelques semaines, semblait invraisemblable est désormais devenu un scénario de plus en plus plausible : le départ du « Shérif » du Centre Bell. Et s’il devait se concrétiser, ce serait à cause d’un seul homme… Mike Matheson.
Oui, Mike Matheson. Le Montréalais de souche. Le vétéran adoré par Jeff Gorton et Kent Hughes. Le patineur élégant mais aussi un danger défensif qui, contre toute attente, serait prêt à signer un contrat à rabais pour rester à Montréal. Et ce geste, en apparence noble, pourrait être l’élément déclencheur du pire cauchemar d’Arber Xhekaj.
Tout commence à Buffalo au combine de la LNH. Un hôtel. Trois hommes dans une salle de réunion discrète : Mike Matheson, Kent Hughes et Jeff Gorton. Le ton est direct. Pas de flafla. Pas de salade.
« Tu veux rester à Montréal? Tu dois accepter un contrat à rabais et à court terme. »
Un message brutal. Matheson, qui pourrait aller chercher 6,5 à 7 millions sur le marché selon AFP Analytics, se voit proposer un contrat modeste, peut-être même inférieur à son salaire actuel de 4,875 millions. Une offre que beaucoup jugeraient insultante. Mais pas lui.
Parce que Matheson n’est pas un gars d’argent. Il est un gars de famille. Un gars de Montréal. Il ne veut pas quitter ses repères, sa maison à Westmount, ni ce vestiaire dans lequel il a gagné le respect de tous.
Et selon les informations qui circulent, il aurait dit oui. Il serait prêt à se faire avoir. Comme Samuel Montembeault avant lui, qui a signé un contrat sous sa valeur pour rester à Montréal. Hughes et Gorton ont une arme secrète : ils jouent sur les émotions. Et avec Matheson, ça fonctionne.
Sportivement, c’est un coup de maître. Tu prolonges ton vétéran local, adoré des partisans, à rabais. Tu gagnes du temps pour développer Lane Hutson, Adam Engstrom et David Reinbacher. Tu stabilises ton top-4. Tu ne bousilles pas ta masse salariale.
Mais chaque victoire cache un perdant.
Et dans ce cas-ci, le grand perdant si Matheson prolonge à rabais, c’est Arber Xhekaj.
Pourquoi? Parce que la congestion à gauche est insoutenable : Hutson, Guhle, Matheson, Struble, Engstrom… et Xhekaj. Et les chaises sont comptées.
Surtout que David Reinbacher (droitier) est "NHL-ready".
Avec Matheson qui resterait, tout s’écroule pour le « Shérif ». Son rôle diminue. Ses minutes fondent. Ses chances de percer l’alignement s’étiolent. Et dans un vestiaire où Martin St-Louis ne lui accorde déjà qu’une confiance limitée, la pente devient glissante.
Ce n’est un secret pour personne : Martin St-Louis n’a jamais totalement adopté Xhekaj.
Le défenseur robuste a été souvent laissé de côté, envoyé dans les estrades, même lorsqu’il aurait pu apporter du poids dans l’alignement.
Et dans les coulisses, on parle d’un entraîneur exaspéré par l’indiscipline du « Shérif », son arrogance médiatique et son style provocateur.
Xhekaj, dans son style pur et dur, ne correspond tout simplement pas au modèle de structure et de progression souhaité par St-Louis.
Et ça se sentait encore récemment lors du tournoi de golf de Newhook, alors qu’on a vu Xhekaj et Dobes se vanter publiquement d’avoir provoqué la mêlée monstre au banc des Capitals en séries éliminatoires. Un moment qui a sans doute fait sourciller Martin St-Louis.
« Doby criait après chaque gars qui sautait sur la glace », a raconté Xhekaj.
« Ils n’étaient vraiment pas gentils avec moi », a ajouté Dobes.
« Et c’est comme ça que la bagarre a commencé », a renchéri Xhekaj crampé.
Un moment cocasse pour eux. Une crise de nerfs pour leur entraîneur. Le genre d’affaire qui rappelle à quel point le divorce entre Xhekaj et le système St-Louis est latent.
Et comme si ce n’était pas assez, voilà que Jayden Struble débarque dans le portrait avec un contrat plus élevé que celui de Xhekaj. Deux ans, 1,4125 million par saison. Un contrat signé dans le calme. Sauf qu’il a allumé un brasier.
Xhekaj, lui, gagne 1,3 million.
Une différence minime? Pas pour les partisans. Et surtout pas pour les médias, qui se sont jetés sur le cas. Pourtant, Kent Hughes a joué un coup de maître : malgré la perception d’injustice, le pourcentage du cap hit est IDENTIQUE au moment de la signature.
1,48 % du plafond salarial dans les deux cas. Un tour de passe-passe mathématique qui démontre tout le génie de Hughes. Il a habilement évité l’arbitrage, signé Struble sans froisser la masse, et mis encore plus de pression sur Xhekaj sans dire un mot.
Pas de conférence de presse. Juste du contrôle narratif. Un directeur général qui manipule les chiffres, les émotions et les dynamiques internes avec une précision chirurgicale.
Alors, que reste-t-il à Xhekaj si Matheson signe à rabais?
Une chose : sa valeur commerciale.
Il est encore jeune. Il est encore bon. Il peut apporter beaucoup dans un club qui cherche un peu de robustesse. Et c’est ce qui pourrait convaincre Kent Hughes de l’échanger pendant qu’il a de la valeur.
Un scénario cruel. Mais logique. Un scénario où le sacrifice de Mike Matheson devient l’excuse parfaite pour justifier le départ du chouchou du public.
Un scénario où le CH garde Matheson à rabais, entoure ses jeunes de vétérans fiables, et fait de la place à Engstrom ou Reinbacher.
Un scénario où Arber Xhekaj, pourtant idolâtré par le Centre Bell, est sacrifié sur au nom de la progression... et la congestion...
Et si vous pensez que tout ça n’est que spéculation… pensez-y deux fois.
Lane Hutson n’est toujours pas signé.
Mike Matheson discute en coulisse d’une prolongation à rabais.
Jayden Struble est sécurisé.
Et Martin St-Louis prie pour le départ de Xhekaj.
Tous les signes sont là. Et le CH, lentement mais sûrement, prépare le terrain.
La seule chose qu’on ignore, c’est quand la bombe va exploser. Avant le camp? À la date limite? À la prochaine blessure?
Mais une chose est sûre : le pire scénario pour Arber Xhekaj est en train de s’écrire, sous nos yeux.
Le fait que Mike Matheson va prolonger à rabais est le dernier clou dans son cercueil.
Et cette fois, ce n’est pas une mise en échec qu’il devra encaisser. C’est la fin d’un rêve.