Surprise à Montréal: le Paul Byron autrichien veut écrire l'histoire

Surprise à Montréal: le Paul Byron autrichien veut écrire l'histoire

Par Nicolas Pérusse le 2025-09-24

Pendant que les projecteurs étaient braqués sur Florian Xhekaj, Joshua Roy, Owen Beck, Oliver Kapanen, Samuel Blais, et Joe Veleno, un nom que personne n’avait sur son radar a tranquillement changé le narratif du camp d’entraînement du Canadien de Montréal : Vinzenz Rohrer.

L’Autrichien de 21 ans, repêché au 75e rang en 2022, était censé être un projet à long terme. Pourtant, après seulement deux matchs préparatoires et quelques jours de camp, il s’impose comme une vraie option pour commencer la saison à Montréal. Et ce serait une des surprises les plus improbables des dernières années.

Martin St-Louis ne s’est jamais gêné pour être avare de compliments. Il parle rarement pour ne rien dire. Mais à propos de Rohrer, il a pris le temps d’élaborer.

« Il joue avec beaucoup de détermination. Pour un jeune, il a vraiment le sens du détail dans son jeu. Et quand on joue avec autant de détermination, la rondelle vient généralement à nous, parce qu’on est là où on doit être. Et quand il est proche de la rondelle, il est difficile à affronter. Il n'est pas le plus grand, mais il joue gros. Il s'implique physiquement. »

« J’ai l’impression que c’est un gars qui peut faire beaucoup de choses offensivement et défensivement, et en plus, il peut prendre des mises en jeu. »

St-Louis ne le connaissait pas personnellement avant le camp. Et maintenant, il est conquis.

« Je ne savais rien de lui. Quand on l’a repêché, nos recruteurs nous ont dit quel genre de joueur il était. Aujourd'hui, il est exactement comme on nous l’avait présenté. C’est encourageant pour un entraîneur de voir des joueurs se développer comme ça. »

Rohrer a été comparé par TVA Sports à un mélange de Brendan Gallagher et Paul Byron. Et c’est loin d’être farfelu.

Il mesure 5’11, pèse 173 livres, et joue comme s’il faisait 6’3, 220 lb. Il distribue les mises en échec, applique de la pression constante, coupe les lignes de passe. Il est intense, intelligent et surtout, il joue pour gagner.

Rohrer a grandi sous l’influence de son père, Stefan Lochbihler, ancien joueur professionnel de tennis, classé 141e à l’ATP en 1989. Pas un expert en hockey, mais un athlète qui comprend la rigueur et le travail mental que demande le sport de haut niveau.

Et à Zurich, il a été dirigé par Marc Crawford, un autre mentor qui l’a orienté spécifiquement vers les détails de la LNH :

« Crawford me parlait souvent de vieux joueurs dont je ne connaissais pas le nom, raconte Rohrer en riant. Il me disait souvent : “Ce détail-là, ça ne marche pas dans la LNH. Essaie plutôt ça.” Il le faisait toujours en aparté, discrètement, mais c’était pour me préparer. »

Rohrer ne veut pas être un simple figurant.

« Si je viens ici et que je décide que je vais jouer au hockey, pourquoi je le ferais à moitié? Je donne tout. C’est dans ma nature. »

On le voit dans ses présences. Il déstabilise les défenseurs, force des revirements, et provoque des situations offensives à lui seul. Son intelligence de jeu saute aux yeux.

Le détail-clé : il ne peut pas aller à Laval. Le CH doit soit le garder à Montréal, soit le renvoyer à Zurich. C’est la même situation qu’Oliver Kapanen l’an passé. Et on sait que Kapanen a fait quelques matchs avant de retourner en Europe.

Dans le cas de Rohrer, l’argument est encore plus fort : il mérite une véritable audition dans la LNH. Et ce, dès le mois d’octobre.

Le CH a 11 attaquants confirmés : Suzuki, Caufield, Slafkovsky, Dach, Demidov, Laine, Newhook, Bolduc, Evans, Anderson, Gallagher.

Samuel Blais est en bonne position pour le 13e poste, le gars qui va être dans les gradins et qui va rentrer quand on va avoir besoin de lui.

Reste le 12e attaquant. Et Rohrer cogne plus fort que Roy, Kapanen, Beck ou Veleno. Sa hargne, son utilité en défensive, sa capacité à jouer à droite et à prendre des mises en jeu, font de lui un véritable outil suisse (sans jeu de mots).

Personne ne l’avait vu venir. Mais Vinzenz Rohrer est peut-être le Paul Byron 2.0 du Canadien. Il pourrait commencer la saison à Montréal. Et si on lui donne une véritable chance, il pourrait être plus qu’une anecdote de camp.

Un guerrier moderne, un leader silencieux, un joueur de système. Le genre qu’on aime dans les séries. Et si la saison commence avec Rohrer dans l’alignement, ne soyez pas surpris. Il a tout fait pour y être.

Ce que plusieurs semblent sous-estimer, c’est que la montée fulgurante de Rohrer ne survient pas dans un vide. Elle est le fruit d’un contexte précis : une organisation qui valorise l’éthique de travail, la polyvalence, la compétitivité.

Rohrer ne peut pas être rétrogradé à Laval. S’il ne fait pas le club, il retourne en Suisse. Et le Canadien le sait.

Or, ce détail administratif pourrait bien faire pencher la balance en sa faveur.

Rohrer a non seulement performé sur la glace, mais il a aussi mis l’organisation dans une position délicate : si on ne le garde pas, on le perd temporairement… sans garantie de le revoir dans le même état d’esprit.

Et Kent Hughes déteste perdre du momentum.

Dans un système comme celui de Martin St-Louis, la polyvalence est reine. On le sait : les trios changent constamment, les rôles sont interchangeables, et chaque joueur doit comprendre plusieurs responsabilités.

C’est là que Rohrer surclasse les autres aspirants. Il peut jouer à droite, au centre, il prend des mises en jeu. Il joue en désavantage numérique. Il applique une pression constante en échec avant. Il bloque des tirs. Il ne s’écrase pas physiquement malgré sa taille.

Un joueur de situation. Un couteau suisse à usage multiple. Et dans une saison longue et imprévisible, c’est ce type de profil qui devient indispensable.

L’exemple parfait? Sa séquence contre Philadelphie.

Après une mise en échec de Blais, c’est Rohrer qui récupère la rondelle en zone neutre, traverse la ligne bleue en contrôle, et installe une séquence offensive prolongée. Ce n’est pas flashy. Mais c’est ce que les entraîneurs appellent : une présence complète.

Et ça, ça se voit dans les films d’équipe.

Il joue déjà comme un professionnel nord-américain.

Il ne cherche pas à produire à tout prix. Il ne triche pas en zone défensive. Bref, il joue pour survivre dans une ligue cruelle.

Et c’est exactement ce que recherche Martin St-Louis dans son bottom-6 : des joueurs fiables, adaptables, combatifs.

Dans les bureaux du CH, on commence à se rendre à l’évidence : le repêchage 2022 est peut-être en train de devenir la pierre angulaire du prochain cycle gagnant.

Slafkovsky est déjà un pilier du top-6

Hutson s’en vient comme un défenseur de transition unique

Beck est un centre de soutien mature et complet

Et maintenant… Rohrer menace de forcer la main de l’organisation

Quatre joueurs d’impact potentiels issus d’une seule cuvée. C’est rarissime dans la LNH moderne.

Et si Rohrer devient ce Paul Byron moderne, un gars capable de faire 10 à 15 buts par année, de contribuer aux unités spéciales, et de dynamiser un vestiaire, alors le coup de maître est complet.

On l’oublie souvent, mais la philosophie Hughes/Gorton repose sur un principe : donner la parole à la glace.

Rohrer, jusqu’ici, parle fort.

Personne n’est à l’abri. Et tout le monde doit mériter sa place.

Rohrer n’était pas censé être là. Mais il y est. Et il agit comme s’il n’allait plus repartir.