Il y a des moments dans une saison où un joueur redéfinit complètement sa valeur aux yeux des dirigeants. Des séries éliminatoires où un espoir cesse d’être simplement une pièce d’avenir, et devient soudainement la clé d’une transaction monstre… ou le cœur d’un plan de reconstruction accélérée. Logan Mailloux est exactement en train de vivre ce moment-là. Et Kent Hughes le sait.
Depuis le début des séries de la Ligue américaine, Mailloux est en feu. Littéralement. Il joue comme un vétéran de 28 ans coincé dans le corps d’un colosse de 21. Il est calme, puissant, impliqué dans toutes les phases du jeu, et surtout : dominant offensivement. Il lance, il frappe, il dirige l’avantage numérique comme un général.
Chaque match semble augmenter sa valeur marchande de 100 000 dollars sur le marché des transactions. Il a été repêché dans la controverse, boudé par les médias, tenu à l’écart des feux de la rampe. Et pourtant, ce printemps, c’est lui qui attire tous les projecteurs.
C’est une excellente nouvelle pour Kent Hughes. Parce qu’avec un club qui veut passer à l’étape suivante dès la saison prochaine, le directeur général aura besoin de faire un choix crucial : conserver Mailloux comme pièce maîtresse d’un noyau défensif jeune et explosif… ou le sacrifier dans un package pour aller chercher ce qui lui manque cruellement : un vrai deuxième centre.
Et pas n’importe lequel. On ne parle pas ici d’un centre de soutien ou d’un espoir incertain. On parle d’un joueur établi. Un gars qui peut prendre 19 à 21 minutes par match, affronter les meilleurs trios adverses, produire offensivement et gagner ses mises au jeu. On parle d’un Mathew Barzal. D’un Bo Horvat. Voire… d’un Sidney Crosby.
Oui. Même Sidney Crosby. Parce que si, et seulement si, une transaction choc devait un jour se concrétiser entre Montréal et Pittsburgh, il est évident que Logan Mailloux serait au cœur des négociations.
Aucun directeur général dans la LNH n’accepterait de céder une pièce maîtresse de son alignement sans obtenir un espoir de premier plan en retour parmi les éléments offerts. Et à l’heure actuelle, le meilleur espoir du CH, toutes positions confondues, c’est Logan Mailloux. Point final.
Mais c’est là que le dilemme s’installe. Parce qu’au lieu de le sacrifier, Hughes pourrait aussi décider de bâtir autour de lui.
Laisser Reinbacher et Mailloux se battre pour un poste à droite, et troquer plutôt l’option transaction pour une solution plus temporaire : signer un vétéran centre à court terme.
En gros, patienter jusqu’à ce que Michael Hage soit prêt à faire le saut. Et si l’on se fie aux informations en coulisses, Hage impressionne énormément la direction du CH.
Ce serait une manière sage de gérer les actifs : ne pas vendre Mailloux au sommet de sa valeur, mais plutôt le faire éclore à Montréal et miser sur une progression à la Mikhail Sergachev.
Parce qu’il faut le dire : Logan Mailloux possède tout ce qu’il faut pour devenir un défenseur top-4 dominant dans la LNH.
Il mesure 6’3, il pèse plus de 215 livres, il patine très bien, il a une lourde frappe, il voit le jeu avec une précision chirurgicale. Il a un flair offensif qui rappelle parfois celui de P.K. Subban à ses meilleures années. Et surtout : il n’a pas peur. Il joue avec une confiance froide, presque arrogante, mais jamais déplacée.
Ce genre de joueur est rare. Et quand on en a un dans sa banque d’espoirs, on y pense deux fois avant de l’échanger.
Mais les rumeurs ne vont pas s’arrêter. Depuis deux semaines, les coups de fil se multiplient. Des recruteurs de plusieurs équipes de la LNH se sont déplacés à Laval pour le voir de leurs propres yeux.
On murmure que les Islanders ont demandé son nom dans un potentiel deal impliquant Barzal. Que les Flyers aimeraient le voir inclus dans un échange pour le 6e choix au total. Même les Kings de Los Angeles, en manque cruel de punch à la ligne bleue, ont surveillé ses performances avec attention.
Et c’est normal. Parce que Mailloux coche toutes les cases : talent brut, progression fulgurante, profil recherché, contrat d’entrée bon marché. Un DG qui veut gagner maintenant saute sur ce genre d’occasion. Et Kent Hughes le sait.
Mais ce même Kent Hughes a aussi appris du passé. Il sait que des erreurs comme celle de Marc Bergevin, qui a sacrifié Mikhail Sergachev pour Jonathan Drouin, peuvent hanter un DG pendant toute sa carrière.
À l’époque, Bergevin croyait que Drouin allait devenir un centre vedette. Il a sacrifié un défenseur étoile en devenir pour un rêve qui ne s’est jamais réalisé.
Aujourd’hui, la situation est différente… mais pas tant que ça. Logan Mailloux, c’est le nouveau Sergachev. Et la tentation de le troquer contre un centre établi sera forte. Mais à quel prix?
D’autant plus que l’argument du “groupe trop jeune” ne tient plus. Hughes lui-même a affirmé que son équipe pourrait être encore plus jeune l’an prochain.
David Savard est parti. Joel Armia risque de suivre. Christian Dvorak sera sans doute laissé partir. Et même Michael Pezzetta pourrait faire ses valises. Bref, on rajeunit. Encore.
Dans ce contexte, garder un Logan Mailloux prêt à faire le saut dans la LNH semble logique. Il coûtera presque rien. Il remplacera potentiellement un vétéran de façon efficace.
Et il permettra à l’équipe de construire une brigade défensive jeune, mobile et intimidante. Hutson. Guhle. Mailloux. Reinbacher. Harris. Struble. On parle ici d’un noyau qui pourrait être la colonne vertébrale de l’organisation pour la prochaine décennie.
Mais la LNH n’est pas une ligue de patience. Et le marché de Montréal n’est pas connu pour sa tolérance au “processus”. Les partisans veulent gagner. Maintenant.
Et Kent Hughes le sait. Il est donc possible que, malgré tout ce que Mailloux démontre, le DG décide d’encaisser la mise et de frapper un grand coup.
C’est le prix à payer pour ramener les séries à Montréal.
Mais attention. Il faut être prudent. Parce que si Mailloux devient un défenseur top-2 ailleurs et que le centre acquis ne livre pas, les critiques tomberont comme la pluie sur la tête de Hughes et Gorton. Montréal n’a pas le luxe de se tromper encore sur ses espoirs.
La question est donc simple, mais déchirante : vaut-il mieux échanger Mailloux pendant qu’il est en feu? Ou vaut-il mieux le garder, miser sur son plein potentiel, et attendre que Hage monte au centre?
Une chose est certaine : chaque point, chaque mise en échec, chaque montée offensive de Mailloux en séries de la Ligue américaine rend cette décision de plus en plus difficile.
Et dans ce dilemme, c’est peut-être là qu’on reconnaît les vrais grands dirigeants. Ceux qui savent quand garder leurs diamants bruts… et quand les monnayer pour construire un empire.