Stupéfaction à San José: Gary Bettman dans l'eau chaude

Stupéfaction à San José: Gary Bettman dans l'eau chaude

Par Nicolas Pérusse le 2025-09-07
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Ryane Clowe a encore dû poser les gants. Mais cette fois, ce n’est pas sur la glace. Le 6 septembre 2025, l’ancien ailier gauche des Sharks de San Jose a annoncé sa démission du poste d’assistant directeur général.

Une nouvelle qui résonne comme le dernier chapitre d’une carrière marquée par la combativité, le leadership, et surtout, par un lourd tribut payé aux commotions cérébrales.

Clowe, c’était l’image du guerrier. Né à Fermeuse, Terre-Neuve, repêché au sixième tour par les Sharks en 2001, il s’est imposé à coups d’efforts, de coups d’épaule et de sacrifices. I

l n’avait pas le talent flamboyant d’un premier choix, mais il avait le cœur d’un capitaine. Sur 491 matchs dans la LNH, il a imposé son style, protégeant ses coéquipiers, allumant l’étincelle dans un vestiaire, jouant toujours comme si chaque match était le dernier.

Mais dans cette époque où la LNH n’avait pas encore adopté de protocole strict pour les commotions cérébrales, Clowe s’est retrouvé en première ligne.

Quatre commotions sérieuses documentées, sans compter celles jamais déclarées. À une ère où on demandait aux joueurs de « shake it off » et de retourner au jeu, Clowe l’a fait. Parce que c’était ça, être un leader. Parce que c’était ça, être un joueur de son époque.

Le prix est tombé brutalement. Le 6 novembre 2014, alors qu’il évoluait avec les Devils du New Jersey, une commotion trop grave est venue tout changer. Moins d’un an plus tard, les médecins lui interdisent de reprendre le jeu.

Retraite forcée. À seulement 33 ans. Clowe a parlé publiquement du calvaire : les vertiges, les migraines, les journées entières gâchées par des symptômes persistants. Derrière l’image du dur à cuire se cachait un homme qui luttait simplement pour retrouver une vie normale.

Pourtant, Clowe n’a jamais quitté le hockey. Sa passion était trop grande. Il a accepté un rôle d’assistant entraîneur avec les Devils, puis a tenté l’aventure comme premier coach des Newfoundland Growlers, l’équipe de sa province.

Mais en janvier 2019, il doit encore une fois démissionner pour raisons médicales. « Ma santé passe en priorité pour moi et ma famille », avait-il déclaré. Une phrase simple, mais déchirante pour un homme qui n’a jamais voulu tourner le dos à son sport.

On aurait pu croire que sa carrière dans le hockey s’éteindrait là. Mais Clowe, fidèle à son image de combattant, est revenu. Conseiller pour les Rangers entre 2021 et 2024, puis rappelé à San Jose en juillet 2024 comme assistant DG. Une revanche.

Une reconnaissance de son intelligence hockey, de son leadership naturel, et de l’impact qu’il avait toujours eu sur une organisation. Aux côtés de Mike Grier, de Joe Will et de Tom Holy, il a supervisé le développement et les opérations hockey.

Mais encore une fois, le corps a rappelé ses limites. Le 6 septembre 2025, Clowe a annoncé sa démission. « Une décision extrêmement difficile », a reconnu l’organisation, qui lui a rendu hommage. Aucun détail officiel n’a été donné, mais le doute plane.

Quand on connaît l’historique médical de Clowe, il est difficile de ne pas voir un fil rouge.

Et ce fil, il ne concerne pas seulement Ryane Clowe. Il concerne toute une génération de joueurs qui ont été sacrifiés sur l’autel de l’ancien hockey. Un hockey où on riait des « petits bobos », où on applaudissait les joueurs qui revenaient au jeu quelques minutes après avoir été sonnés.

Une génération qui, aujourd’hui, en paie le prix dans sa vie de tous les jours.

La LNH aime rappeler les avancées des dernières années : protocoles plus stricts, évaluations médicales obligatoires, et une prise de conscience accrue.

Mais est-ce suffisant? Le départ de Clowe rappelle que les blessures invisibles ne disparaissent pas avec la retraite. Elles poursuivent les joueurs bien après leur dernier match.

Le parallèle avec la NFL est inévitable. Chez nos voisins du football, les recours collectifs d’anciens joueurs se sont multipliés, obligeant la ligue à verser des milliards en compensation et à revoir sa gestion des commotions.

Les histoires d’anciens joueurs souffrant de dépression, de pertes de mémoire, de maladies neurodégénératives ont fait le tour du monde. Dans le hockey, on n’en est pas encore là. Mais combien de cas comme Clowe faudra-t-il avant que la LNH soit forcée de se regarder dans le miroir?

Car Clowe n’est pas un cas isolé. D’innombrables joueurs des années 2000 et 2010 ont traversé le même calvaire. Certains en silence, d’autres publiquement. Le problème, c’est que ces drames restent souvent invisibles.

Les partisans se souviennent des bagarres, des buts, des séries mémorables. Mais qui se souvient des nuits blanches d’un ancien joueur aux prises avec des maux de tête chroniques? Qui se soucie de l’ancien guerrier incapable de jouer avec ses enfants sans perdre l’équilibre?

Ryane Clowe incarne cette génération oubliée. Un guerrier célébré sur la glace, mais trop souvent laissé seul à l’extérieur.

Et sa démission comme assistant DG, dix ans après sa retraite forcée, résonne comme un nouvel avertissement : les cicatrices du hockey ne disparaissent pas avec la fin de carrière.

Il est temps que le hockey apprenne des erreurs du passé. Que la ligue et les organisations assument pleinement leurs responsabilités. Que les joueurs d’aujourd’hui, et surtout de demain, puissent profiter d’un sport plus sécuritaire, où leur santé n’est pas sacrifiée au nom du spectacle.

Ryane Clowe a donné tout ce qu’il avait à ce sport. Il s’est battu pour ses coéquipiers, pour ses équipes, pour ses organisations.

Mais qui s’est battu pour lui? Sa carrière, et maintenant sa démission, posent une question dérangeante. Et la réponse, la LNH ne pourra pas l’éviter éternellement.

Le hockey adore ses héros. Mais il doit aussi prendre soin de ses martyrs.

Et le temps presse.