Trois ans ont passé depuis la soirée qui a marqué la carrière de Shane Wright.
Trois longues années depuis que le Centre Bell a retenu son souffle, puis explosé... pour un autre. Juraj Slafkovsky.
Le choix du Canadien de Montréal, alors que tous les projecteurs étaient braqués sur Wright.
À Hockey Night in Canada, hier soir, le jeune homme a enfin brisé le silence.
« Je crois que c’est quelque chose que j’aimerais pouvoir reprendre », a-t-il confié, parlant de ses déclarations d'avant repéchage où il se présentait comme le meilleur joueur disponible.
« C’est important d’avoir cette confiance en soi, de croire qu’on est le meilleur... mais avec du recul, j’aurais dû garder ça pour moi ».
Ce ton révèle une métacognition rare chez un joueur si jeune. Un regard honnête sur une blessure encore ouverte.
Cette nuit-là, il y croyait dur comme fer. Tout le monde y croyait. Et pourtant, le verdict est tombé : pas premier, pas deuxième, même pas troisième. Quatrième.
Au moment de monter sur scène avec le chandail des Kraken, la caméra l’a saisi en train de lancer un regard.
Le fameux « stink-eye » qui a fait le tour de la planète.
Aujourd’hui, il rectifie le tir. « Je ne les regardais pas. Il y avait un caméraman qui faisait des signes. Les gens peuvent croire ce qu’ils veulent. Mais je sais ce qui s’est vraiment passé ».
Puis, presque avec un sourire en coin : « Ce n’était rien de plus compliqué que ça. Mais je comprends pourquoi les gens ont aimé y voir une histoire juteuse ».
Pendant que les fans du Canadien saluaient le choix audacieux de Slafkovsky, Wright descendait les marches, seul.
Et ce dernier lui a simplement dit :
« Ce n’est pas où tu vas, c’est ce que tu fais après ».
Une phrase simple, mais qui l’a ancré.
« C’était un message vraiment spécial. Ça remet les choses en perspective. Mon père m’a toujours inculqué ça tout au long de ma carrière ». C’est avec cet état d’esprit qu’il a entrepris sa reconstruction.
Et quelle reconstruction. Loin des projecteurs du CH, Wright a passé du temps dans les mineures, il a mangé son pain noir.
« Mon jeu n’était pas à la hauteur au niveau de la LNH. Les dirigeants ont pris la bonne décision », admet-il.
« L’année dans le junior et l’AHL m’a beaucoup aidé. C’était parfait pour développer mon jeu et comprendre ce que ça prend pour performer au plus haut niveau ».
Puis, le destin a fait un clin d’œil. Son tout premier but en carrière, il l’a marqué contre... le Canadien de Montréal.
« Je m’en souviens comme si c’était hier. C’était un moment spécial, peu importe contre qui. Mais... bien sûr que c’est encore plus doux quand c’est contre une équipe qui t’a ignoré. Tu veux leur prouver qu’ils ont eu tort ».
Aujourd’hui, Wright joue en moyenne 14 minutes 45 par soir, avec 1 minute 30 d’utilisation en avantage numérique.
Il cumule 2 buts et 3 passes. Slafkovsky, de son côté, est utilisé 18 minutes 22 par soir, passe plus de 3 minutes en avantage numérique, et totalise 5 points aussi.
Même production. Mais des contextes radicalement différents. Slafkovsky évolue avec Suzuki et Caufield. Wright, lui, est encore sur un troisième trio en compagnie de Schwartz et Nyman.
Et si les rôles étaient inversés? Shane Wright avec Suzuki et Caufield? Difficile à dire.
Car Slafkovsky, en vérité, a été choisi parce qu’il crée de l’espace pour les autres. C’est un pilier pour ses compagnons. Mais Wright, lui, continue de brûler de l’intérieur. Il s’est assagi, mais il n’a pas oublié.
« C’est une chose d’être repêché. C’en est une autre d’être un joueur constant dans la LNH ».
Une leçon apprise dans la douleur. Et une flamme qui, même si elle vacille, n’a jamais cessé de brûler.
Le Canadien a choisi Slafkovsky. Peut-être que c’était la bonne décision. Peut-être pas.
Mais une chose est certaine : Shane Wright n’a jamais oublié.
Et un jour, il repassera par Montréal, avec tout le poids de son silence devenu feu.
Shane Wright n’a pas besoin de pointer du doigt. Son parcours parle pour lui.
Et cette entrevue, livrée avec humilité, prouve qu’il n’a jamais oublié Montréal.
AMEN
