Séparation pour Pascal Vincent et sa fille: le coach aborde son stress

Séparation pour Pascal Vincent et sa fille: le coach aborde son stress

Par David Garel le 2025-05-17

Dans un monde parallèle, Pascal Vincent serait aujourd’hui penché sur votre genou déchiré dans une clinique de Laval. Il porterait une blouse blanche, un stéthoscope au cou, et il vous parlerait de posture et de rééducation.

Mais le destin, aidé par deux noms mythiques du hockey québécois — Bob Hartley et Michel Therrien —, l’a arraché à la médecine pour l’envoyer là où son cœur battait plus fort : derrière un banc, à crier des consignes, à deviner les émotions dans les yeux d’un joueur de quatrième trio, à bâtir des groupes là où les autres ne voyaient que des alignements.

Et aujourd’hui, à 53 ans, c’est un homme brisé, mais debout. Un homme de hockey qui, dans une entrevue déchirante avec le Journal de Montréal, a osé dire ce que peu d’entraîneurs avouent : qu’il avait perdu sa passion. Qu’il avait douté de tout. Qu’il avait regardé sa fille vivre sans lui. Qu’il avait vu, sur un écran de téléphone, des moments qu’il aurait voulu vivre en vrai.

C’est rare, cette humanité-là, dans un métier qui demande de garder son sang-froid.

Pascal Vincent ne voulait pas devenir entraîneur. Il voulait guérir. Soigner. Travailler dans une clinique. Il avait été accepté en physiothérapie à Ottawa. Il avait un plan béton : racheter une part de clinique de son ami, poursuivre en médecine, vivre une vie ordonnée, stable, utile.

Mais il y a eu une conversation. Deux en fait. Une avec Bob Hartley. L’autre avec Michel Therrien.

Il jouait encore, pour le Titan de Laval. Il avait 20 ans. Il s’apprêtait à être échangé à Verdun, la meilleure équipe junior au pays à l’époque. Avant que l’échange se fasse, Therrien et Hartley l’ont pris à part.

« Si tu ne veux pas partir, on te garde ici comme adjoint », lui ont-ils dit.

Une phrase. Une graine plantée dans la tête d’un jeune homme encore en construction.

Il est parti jouer une dernière saison pro dans la ECHL. Mais c’était fini. Le feu de l’entraînement venait d’être allumé. Léo-Guy Morissette l’a recruté à Granby, dans le junior. Puis, année après année, poste après poste, Vincent a gravi les échelons. Midget AAA. LHJMQ. LNH.

Pas parce qu’il connaissait quelqu’un. Pas parce qu’il avait un nom. Mais parce qu’il travaillait..

Et pourtant, ce rêve a failli le détruire.

À l’été 2023, les Blue Jackets de Columbus embauchent Mike Babcock. Quelques semaines plus tard, il est forcé de démissionner après avoir demandé à ses joueurs de partager leurs photos personnelles. Une décision toxique. Une honte.

Et c’est Pascal Vincent qu’on appelle. Le pompier de service. L’adjoint qui ne voulait rien savoir. Mais qui a dit oui. Parce qu’on ne dit pas non à la LNH.

« Je suis rentré par la porte d’en arrière. Les joueurs savaient que je n’étais pas le choix numéro un. T’es le professeur substitut », raconte-t-il.

Ce fut l’année la plus difficile de sa carrière.

On le sent dans sa voix. Dans ses silences. Dans la manière dont il parle de la passion qu’il avait perdue.

Le hockey est parfois cruel. Tu passes toute ta vie à viser le sommet. Tu y arrives. Et tu découvres qu’il n’y a rien d’autre là-haut que du vide. Du bruit. Des jugements. Des regards suspicieux.

Vincent a donné son âme à Columbus. Et la ville lui a tourné le dos.

Mais ce n’est pas Columbus qui l’a brisé. C’est la vie.

Car dans l’ombre du banc, il a une fille. Une enfant. Un regard qu’il n’a pas croisé souvent.

« Il y a des choses qu’elle a faites que j’ai vues sur un téléphone, parce que ç’a été filmé et que je n’étais pas là », confie-t-il.

« Il y a beaucoup de gens qui pensent que je suis débile de vivre ce genre de vie dans laquelle il n’y a aucune sécurité d’emploi. Ça peut être difficile et ça l’est aussi pour la famille. J’ai manqué beaucoup de moments avec elle que j’aurais aimé voir..»

C’est cette phrase, plus que tout le reste, qui donne envie de pleurer.

Un père, absent. Un homme qui aime, mais qui rate les spectacles de danse, les anniversaires, les moments magiques.

Pascal Vincent n’a pas raté sa vie. Il a raté des instants.

Et ce sont ceux-là qui font le plus mal. Ceux que tu ne peux pas rattraper.

Quand le Rocket de Laval a eu besoin d’un entraîneur, Pascal Vincent était libre.

Ce n’était pas un plan. C’était le destin.

Il est rentré chez lui. Dans sa ville. Dans son cocon.

« Je voulais retrouver ça. Travailler avec du bon monde. Et honnêtement, ici, c’est une belle gang. »

À Laval, Vincent a retrouvé le sourire. Il a retrouvé la glace. Et surtout : il s’est retrouvé.

Il n’avait que 22 ans quand il a dirigé sa première équipe. Aujourd’hui, il en a 53. Trente ans de sacrifices. De trajets d’autobus. De nuits blanches. De coups de fil tardifs à sa famille.

Et pourtant, il ne regrette rien.

« Le but ultime demeure la Coupe Stanley. Il n’y a pas une journée où je n’y pense pas. »

Mais Pascal Vincent sait aussi qu’il ne joue pas à armes égales.

Il le dit lui-même : être Québécois, ne pas avoir joué dans la LNH, avoir un accent, c’est porter une croix invisible.

« On m’a souvent dit que ce serait impossible, à moins d’avoir été joueur ou d’être dans le système du Canadien. »

Il ne le dit pas avec rancune. Il le dit avec lucidité.

Pascal Vincent est un survivant d’un système qui ne veut pas de lui. Qui préfère les visages connus. Les mêmes noms recyclés. Les anciens.

Mais il est encore là. Parce qu’il lit. Parce qu’il apprend. Parce qu’il étudie.

Et parce qu’au fond de lui, il a gardé cette flamme d'enfant. Celle qui le faisait rêver devant un vieux téléviseur en noir et blanc.

Pascal Vincent est un rappel que l’humain compte encore.

Qu’un entraîneur n’est pas qu’un cerveau. C’est un cœur. C’est un père. C’est un homme blessé, mais vivant.

Il ne soulèvera peut-être jamais la Coupe Stanley. Il ne sera peut-être jamais le favori des propriétaires ou des journalistes.

Mais il aura été vrai.

Et c’est peut-être ça, la vraie victoire.