Parfois, dans une carrière où tout bascule. Où tu te présentes quelque part et t’as juste pas le droit de te planter.
Pour Juraj Slafkovský, ce moment-là, c’était aujourd’hui. Test physique. Vélo stationnaire. Lumières froides. Caméras braquées. Direction nerveuse. Et Slaf qui arrive, avec son regard de bison et ses cuisses de colonne de cathédrale, prêt à détruire la machine.
@canadiensmtl Notre vélo passe un mauvais quart d'heure 😤 Bad day to be a bike #GoHabsGo #Slafkovsky #Bike #Gym ♬ original sound - Canadiens Montréal
Comme s’il avait quelque chose à prouver. Non, corrigeons ça : comme s’il savait que cette année, il fallait qu’il prouve quelque chose.
On va se le dire : on a été dur envers lui. Très dur. Depuis son repêchage.
Depuis le moment où Kent Hughes a fait de lui le premier choix overall en 2022, dans l’année la plus étrange qu’on ait vue dans l’histoire récente de la LNH.
Année post-pandémie. Peu de données. Peu de visionnements. Des projections sur PowerPoint.
Des paris à l’aveugle. Et un Slovaque géant qu’on a pris devant Logan Cooley, David Jiříček, Cutter Gauthier et, oui, Shane Wright. Depuis ce jour-là, chaque quart de saison de Slaf est scruté à la loupe comme s’il était McDavid. Le problème, c’est que Slaf, ben… c’est pas McDavid.
C’est un projet. Un projet à long terme. Un power forward qui ne se développe pas à 19 ans, ni à 20. Et pourtant, les attentes, elles, elles sont là depuis jour 1.
Et en plus, il a connu deux débuts de saison… comment dire ça poliment? Des débuts de saison de type sirop pour la toux. Lents, pâteux, imprécis. Le gars a mis la gomme dans les deuxièmes moitiés, mais chaque automne, c’était la même cassette : « Slaf n’est pas prêt. Slaf est perdu. Slaf patine en rond. Slaf a pas de finish. »
L’année passée, c’est allé jusqu’à Kent Hughes qui a dû lui parler directement pour lui redonner confiance. Un GM qui descend dans la chambre, ce n’est pas anodin.
Et c’est ce même GM qui a ensuite décidé de lui offrir, à la surprise générale, un contrat de 8 ans. Pas un bridge deal. Pas un « prouve-moi que t’es un vrai pendant 2-3 ans ».
Non. Un contrat blindé, long terme, comme si Slaf avait déjà livré la marchandise. Le message? « On croit en toi. Maintenant, livre. »
Alors ce matin, quand le CH a publié la fameuse vidéo du test physique, et qu’on a vu Slafkovský faire grincer le vélo stationnaire, c’est pas juste du gros spectacle.
C’est une déclaration de guerre. Le gars est en mission. Pas de sourire. Pas de niaiserie. Juste des jambes qui tournent comme des turbines.
Pas de vélo cassé cette année, non. Mais ça aurait pu. Et dans les yeux de ceux qui regardaient, il y avait quelque chose. Une grimace. Pas une grimace de peur. Une grimace de respect.
Parce que l’état-major du CH, là, il le sait. Cette année, c’est un peu maintenant ou jamais.
C’est l’année où Slaf doit commencer fort. Pas après Noël. Pas au retour du bye week. Dès la game 1. Dès le premier shift contre les Maple Leafs ou les Sénateurs ou n’importe qui.
Parce que son contrat embarque. Parce qu’il est payé maintenant. Parce qu’il n’a plus le luxe de se chercher pendant deux mois. Le public, les médias, les coachs… tout le monde a l’œil dessus.
Mais aujourd’hui, ce qu’on a vu, c’est un joueur prêt à payer le prix. Un gars qui est peut-être en train de se transformer en ce qu’il doit devenir. Un power forward dominant.
Un monstre physique capable de dévorer les défenseurs et de marquer 25 à 30 buts par année.
Il en a le gabarit. Il en a le talent. Mais est-ce qu’il en a la constance mentale? C’est là que tout va se jouer.
Slafkovský, lui, il a toujours eu sa place sur le premier trio.
Pas question de le brasser de gauche à droite comme un vulgaire joueur de soutien. Il est collé à Suzuki et Caufield, point final.
C’est avec eux qu’il doit produire, et le CH l’a toujours vu comme une pièce maîtresse de ce noyau.
Cette année, c’est pas une expérimentation : c’est une confirmation. Slaf, c’est un joueur de premier trio, pis il doit jouer comme tel dès le match numéro un.
Est-ce que c’est possible? Oui. Est-ce qu’on y croit? On veut y croire.
Parce qu’on a besoin de lui. Parce que dans ce vestiaire-là, autour de Suzuki et Caufield, il faut un Slafkovský capable de jouer comme un homme.
Pas juste un gros corps. Pas juste une boule d’énergie qui fonce sans réfléchir. Un gars qui impose son rythme. Qui fait mal à l’adversaire. Qui rend les défenseurs nerveux.
Un gars que t’as pas le goût d’affronter quand il entre en zone avec la rondelle. Un gars qui est capable de finir ses jeux.
Aujourd’hui, ce n’est qu’un test physique. Un moment dans une journée de camp. Mais on le sait, toi pis moi, que le hockey, c’est pas juste une question de stats.
C’est une question de langage corporel. Et le langage corporel de Slaf aujourd’hui, c’était : « Je suis prêt. Essayez-moi. » Il n’a pas parlé. Il a pédalé. Fort. Longtemps.
Assez pour faire grimacer les entraîneurs. Assez pour faire sourire les partisans. Assez pour qu’on se dise, collectivement : peut-être qu’il va l’avoir, cette année.
Le reste, ce sera sur la glace. Et on sait que ça ne sera pas parfait. Il va encore faire des erreurs. Il va encore essayer des jeux qui n’ont pas d’allure.
Mais s’il est capable de livrer dès le début, comme il l’a fait en fin de saison dernière, on va peut-être assister à l’éclosion d’un vrai joueur dominant. D’un gars qu’on n’aura plus besoin de défendre, parce qu’il va s’imposer lui-même.
Juraj Slafkovský a fait grimacer l’état-major aujourd’hui.
Et c’est une bonne chose. Parce que parfois, c’est exactement ce qu’il faut pour rappeler à tout le monde que le feu brûle encore.
Alors vas-y, Slaf. C’est ton moment. Plus d’excuses. Plus de lenteur. T’as fait souffrir le vélo, maintenant fais souffrir la LNH.