Samuel Montembeault est bel et bien dans l’avion du Canadien, au départ de Saint-Hubert, en direction de Tampa.
La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre : photos, captures d’écran, confirmations. Le gardien québécois fait officiellement partie du voyage. Il retrouve le grand club… mais dans les pires conditions psychologiques imaginables.
Parce que ce retour n’a rien d’un retour triomphal.
Ce n’est même pas un retour normal.
C’est un retour sous tension, sous jugement, sous surveillance.
Le CH l’a rappelé parce qu'il ne veut pas le soumettre au ballottage.
Et ça, tout le monde le sait.
Le Canadien vient de s’embarquer dans l’exercice le plus précaire du hockey moderne : un ménage à trois devant le filet, coincé dans un calendrier infernal, coincé dans un climat émotionnel déjà surchauffé.
Jacob Fowler est devenu le phénomène de décembre.
Jakub Dobeš, malgré ses ratés, demeure le gardien numéro deux.
Montembeault, lui, arrive comme le gardien “de trop”, celui que la direction n’a pas réussi à échanger, que personne ne veut, que les Oilers ont refusé et que même Tampa, qui a pourtant besoin d’un portier de soutien, n’a pas jugé digne de regarder.
Et Kent Hughes n'a pas le guts de le soumettre au ballottage. Mais la vérité est que si Sam n'était pas Québécois, il aurait été soumis aux "waivers" depuis des lunes.
Le pire?
C’est l’atmosphère qui l’attend.
Sur les réseaux sociaux, c’est une pluie glaciale.
« Pourquoi il remonte? »
« Il va casser la dynamique. »
« On aurait seulement dû garder Fowler et Dobeš. Là, on va leur enlever de la glace. »
« Il apporte la poisse. »
« Il allait tellement mieux à Laval. »
Une fatigue collective est évidente. Une irritation. Une forme de rejet.
Et Montembeault, dans cet avion, lui, ne peut rien faire.
Il ne peut que regarder son téléphone, voir les réactions défiler, sentir la ville se refermer sur lui comme une serre trop étroite.
Le cauchemar public d’un gardien qui aurait préféré rester invisible
La réalité est brutale.
Ce voyage en Floride aurait dû être un moment de répit dans la saison : chaleur, regroupement, séances d’entraînement, ambiance plus légère.
Mais pour Montembeault, c’est l’exact contraire.
Il arrive dans un vestiaire où tout le monde parle de Fowler, où les joueurs eux-mêmes, selon Dany Dubé et Stéphane Waite, ont déjà mentalement adopté le duo Fowler-Dobeš.
Il arrive dans un marché où il est devenu, malgré lui, un symbole de régression.
Il arrive dans une dynamique où il doit partager la glace avec deux jeunes qui, eux, montent pendant que lui descend dans le coeur de tout le monde.
Pire, il va "voler" de la glace d'entraînement au tandem que tout le Québec veut.
Et le plus cruel dans tout ça?
Ce n’est pas seulement l’opinion publique : c’est l’opinion de son propre club.
Le CH n’a pas voulu lui faire l’affront du ballottage, car il n’a pas trouvé preneur sur le marché.
Le CH n’a pas osé l’exposer à une humiliation publique. Alors on le ramène… parce qu’il faut bien le ramener.
Pas parce qu’on l’attend.
Montembeault est transporté comme un passager, pas comme un gardien numéro un
Ce qui fait le plus mal dans cette histoire, ce n’est pas qu’on lui reproche ses performances. Ce n’est pas qu’on souligne qu’il est arrivé hors forme au camp. Ce n’est pas qu’on rappelle qu’il a eu du mal à absorber sa charge de travail.
C’est la sensation qu’il n’est plus un acteur, mais un bagage. Fowler reste parce qu’il est trop bon pour retourner à Laval. Dobeš reste parce que même s'il est exempté de ballottage, le CH sait que le scandale serait trop grand parce qu'il a supplanté Montembeault toute l'année.
Oh que ça doit être malaisant dans l'avion.
On peut imaginer la scène sans forcer l’imagination : l’avion du Canadien roule sur le tarmac de Saint-Hubert, les joueurs s’installent, les écouteurs se branchent.
Un groupe vit déjà dans la dynamique Fowler-Dobeš. Et au milieu de cette bulle, complètement déconnecté de la nouvelle hiérarchie psychologique de l’équipe, Samuel Montembeault s’assoit, baisse les yeux, évite les regards, comme un homme qui sent que le vestiaire a continué de tourner sans lui.
C’est exactement ce que décrivaient Stéphane Waite et Dany Dubé sur les ondes de Cogeco.
Waite l’a dit sans aucune pitié:
« Les joueurs l’ont oublié. »
Dans le sport professionnel, un vestiaire n’attend pas. Il avance. Il s’adapte. Il se reforme autour de ceux qui jouent, de ceux qui gagnent, de ceux qui inspirent.
Dubé a ajouté l’autre vérité qui dérange : plus son absence se prolongeait, plus l’équipe se cimentait sans lui.
Et quand une équipe se soude sans toi, elle ne t’accueille plus comme une solution : elle te tolère comme un rejet.
Waite a rappelé comment, à Chicago, ces situations finissaient toujours pareilles : l’agent appelait, paniquait, exigeait des explications, tentait de sauver la valeur d’un gardien dont la carrière s'effondrait.
Et il n’a laissé aucune place au doute : l'agent de Sam, Paul Corbeil, a mis la pression pour que son client soit dans ce avion.
Le malaise est total.
