On commence enfin à comprendre ce qui s’est joué mardi soir au Centre Bell, lorsque trois équipes ont envoyé leur spécialiste des gardiens pour observer un match entre un Canadien à l’agonie et un Lightning en pleine démonstration.
Ce n’était pas un hasard, ce n’était pas une curiosité professionnelle : c’était un signal.
On voit rarement en pleine saison, un indice qui indique qu’un directeur général est en train de négocier un échange majeur et que la ligue entière veut voir la marchandise de près.
Et cette marchandise, c’est le poste le plus instable de la franchise : le filet du Canadien de Montréal.
D’un côté, Samuel Montembeault, statistiquement le pire numéro un de la LNH cette année. De l’autre, Jakub Dobeš, projeté dans un rôle démesuré et désormais coincé dans une zone grise où il pourrait aussi bien être une solution qu’une monnaie d’échange.
Et au centre de tout ça, le rappel précipité de Jacob Fowler, rappel que Kent Hughes n’aurait jamais autorisé à ce stade de la saison à moins qu’il sache très bien qu’un de ses gardiens ne sera plus là longtemps.
Parce que oui, le match contre Tampa a attiré un trio de spécialistes qui n’ont aucune raison d’être là sans un projet précis :
Andrew Allen, expert des gardiens du Kraken ;
Scott Clemmensen, responsable du développement des gardiens chez les Rangers ;
Marc Barron, dépisteur principal pour les gardiens à Nashville.
Trois hommes qui ne surveillent jamais ensemble un match du CH sans raison. Trois hommes qui ne se déplacent que lorsqu’un DG veut voir de près ce qu’il pourrait acquérir. Et parmi eux, seule une équipe présente un alignement d’intérêt cohérent, urgent et crédible : le Kraken de Seattle.
Seattle, qui avait déjà démontré de l’intérêt pour Montembeault l’an dernier. Seattle, qui avait étudié la possibilité de le sélectionner ou de l’acquérir, convaincu qu’il pouvait redevenir un gardien stable dans un marché moins cannibalisé par la pression.
Seattle, qui dispose aujourd’hui d’un tandem instable et imprévisible constitué de Joey Daccord, devenu numéro un et Philipp Grubauer, un vétéran qui n’a jamais répondu aux attentes et qui pèse 5,9 M$ sur la masse salariale jusqu’en 2027.
Seattle, surtout, qui voit d’un œil inquiet le rendement irrégulier de ses gardiens derrière une défensive qui n’a rien de rassurant, et qui comprend que sa seule chance de stabiliser la situation sans ruiner son noyau, c’est de prendre un pari à faible coût sur un gardien qui a déjà prouvé qu’il pouvait soutenir un volume élevé de départs.
Le problème, c’est que Montembeault ne vaut plus rien aujourd’hui. Il est devenu un actif en chute libre, brûlé par une mauvaise gestion interne, exposé dans un système défensif qui le laisse constamment à découvert, incapable de se reconstruire mentalement dans un vestiaire où sa place est désormais remise en question par la présence encombrante de Jacob Fowler.
Pourtant, malgré cela, certains directeurs généraux demeurent convaincus qu’il peut redevenir un gardien fonctionnel dans le bon contexte. Et Seattle est exactement ce type de contexte : marché plus calme, attentes plus modestes, système structuré, culture orientée vers la patience.
Mais ce n’est pas tout. L’autre élément qui rend Seattle incontournable dans ce dossier, c’est la situation contractuelle de Grubauer.
Avec ses 34 ans et son lourd contrat, le Kraken pourrait avoir besoin d’un partenaire de transaction capable de reprendre une partie du problème.
Accepter le salaire de Grubauer pour se débarrasser de Montembeault? Une telle manœuvre libérerait Seattle de son fardeau, et offrirait au Canadien une transition temporaire pendant que Fowler prend ses repères, sans compromettre l’avenir.
Mais soyons honnêtes. Les recruteurs des gardiens étaient à Montréal pour observer Jakub Dobeš et non Montembeault.
Troisième départ en quatre soirs, décision incompréhensible sur le plan sportif, mais parfaitement logique si l’objectif est un showcase.
On ne prend pas un jeune gardien en difficulté et on ne l’expose pas au massacre du calendrier simplement pour combler un trou : on le fait pour que les yeux du marché se fixent sur lui, pour montrer son agilité, son intensité, son potentiel.
Et le fait qu’il ait été retiré tôt de l’entraînement ce matin, qu’il n’ait pas eu toutes les répétitions habituelles comme un gardien numéro trois, qu’on ait semblé vouloir le ménager, suggère qu’on pourrait vouloir le protéger en vue d’un éventuel départ.
Mais soyons lucides : Kent Hughes préfère de loin échanger Montembeault. La valeur de Dobeš est trop liée au futur, trop alignée avec Fowler, trop significative dans un projet de reconstruction qui repose sur la jeunesse et sur le développement interne.
Le Kraken, eux, savent que Daccord est solidement installé, mais que son adjoint doit être plus stable qu’un Grubauer vieillissant.
Montembeault représente un pari calculé. Un pari à faible coût. Un pari logique. Et c’est exactement ce que la présence d’Andrew Allen et du chef du recrutement amateur du Kraken, Robert Kron, vient confirmer.
Ça brasse vraiment dans le dossier des gardiens, et le rappel de Fowler n’est pas un geste isolé. C’est un déclencheur. C’est la première étape d’un mouvement plus vaste.
Seattle n’est pas venu à Montréal par hasard.
Les dépisteurs spécialisés ne se déplacent jamais par hasard.
Dobeš n’a pas été surutilisé par hasard.
Et Fowler n’a pas été rappelé quatre mois trop tôt par hasard.
La LNH veut Dobeš. Le CH veut se débarrasser de Montembeault.
Kent Hughes est mal placé...
