Il y a des sagas juridiques, puis il y a des coups de théâtre orchestrés avec la précision d’un scénario hollywoodien.
L’affaire Luc Poirier contre Louis Morissette entre résolument dans cette deuxième catégorie. Depuis le tout début de cette histoire, qui semblait d’abord n’être qu’une banale querelle d’ego entre un multimillionnaire flamboyant et un producteur habitué aux caméras, un doute plane : Louis Morissette aurait-il prémédité toute cette mise en scène pour piéger Luc Poirier ?
Le doute est permis. Et plus on relit les faits, plus on comprend que, dans cette guerre d’image, c’est Morissette qui a mené la danse du début à la fin.
Revenons au commencement. Au tout début de 2025, Luc Poirier multiplie les apparitions publiques. Il est en promotion pour la série Luc le milliardaire, il fait parler de lui dans Dans l’œil du dragon, il partage ses photos de yachts, de voitures de luxe et de vêtements griffés sur Instagram.
Et c’est là que Louis Morissette intervient. Dans une entrevue au micro de Patrick Lagacé, il critique ouvertement le culte de la richesse et du “flash” incarné, selon lui, par Luc Poirier.
Il ne nomme pas Poirier directement, mais tout le monde comprend. Il affirme que certains entrepreneurs au Québec manquent de décence et de pudeur lorsqu’il s’agit d’étaler leur fortune.
Tout a commencé par une flèche bien placée, tirée avec précision par Louis Morissette. Sur QUB radio, il nomme directement Luc Poirier, mais personne n’est naïf.
Il parle d’un homme qui « flashe ses chars », qui affiche sa richesse de façon « vulgaire », et qui, en pleine crise économique, semble déconnecté du peuple.
« Pourquoi tu fais ça ? Qu’est-ce que ça donne ? », lance-t-il, visiblement irrité par ce besoin d’en mettre plein la vue.
Dans l’univers snob des grandes fortunes québécoises, ces mots résonnent comme un désaveu public. Pour Poirier, c’est l’humiliation suprême : être traité de parvenu.
D’autant plus cruel que l’attaque venait d’un homme que lui et sa conjointe, Isabelle Gauvin, respectaient. Selon ce qu’on comprend, cette sortie publique aurait profondément blessé le couple.
Elle aurait été vécue comme une trahison, une attaque personnelle. Isabelle Gauvin, d’ailleurs, aurait confié à son entourage qu’ils s’étaient sentis ciblés, méprisés, et injustement ridiculisés par une élite montréalaise qui ne leur pardonne pas d’avoir réussi sans appartenir au « bon monde ».
Luc Poirier encaisse mal. Très mal. Car tout le monde, dans le milieu des affaires, comprend que ces propos lui sont destinés.
Et c’est à ce moment qu’il pète les plombs. Sur les ondes de QUB radio, il réplique à Louis Morissette avec une attaque brutale : il affirme que le producteur touche des cachets de 5000 $ pour participer à des événements caritatifs organisés par sa propre Fondation Véro et Louis.
Une accusation extrêmement grave, puisqu’elle sous-entend un enrichissement personnel via une œuvre de bienfaisance. Dans l’opinion publique, le malaise est immédiat.
Louis Morissette, de son côté, ne dit presque rien. Il laisse la pression monter, laisse Poirier s’enfoncer. Puis, sans crier gare, le 13 mars 2025, Louis Morissette, Véronique Cloutier et leur fondation déposent une poursuite en diffamation de plus de 2 millions de dollars contre Luc Poirier.
La bombe est lancée. Officiellement, on réclame un million en dommages compensatoires et un autre en dommages punitifs. Le motif ? Des « propos mensongers et diffamatoires » qui nuisent gravement à leur réputation. Mais ce n’est pas tout.
Dans sa défense, Luc Poirier tente de faire radier de la poursuite certains passages qui contiennent des échanges de messages privés sur Instagram entre lui et Morissette.
C’est là que le piège se referme. Dans ces messages, Poirier admet qu’il est désolé, propose un « stunt » public pour mousser la fondation, mandate une firme de relations publiques (National) pour arranger la situation.
Bref, il tente clairement de calmer le jeu. Mais Morissette, lui, n’a jamais répondu. Il n’a rien dit. Il a simplement laissé Luc Poirier tout écrire, tout avouer… pour ensuite utiliser ces messages comme preuve de sa mauvaise foi et de son inconséquence.
Et quand Poirier tente de les faire retirer du dossier juridique en plaidant la confidentialité, la juge Eleni Yiannakis rejette sa demande sans la moindre hésitation. Les messages privés sont maintenus dans la preuve. Boom.
À ce moment-là, Luc Poirier est dans l’eau chaude jusqu’au cou. Ce n’est plus une guerre de réputation : c’est une opération chirurgicale.
Et c’est Louis Morissette qui tient le scalpel. Chaque étape de cette saga donne l’impression que le producteur savait exactement ce qu’il faisait. Il savait que Poirier réagirait de manière impulsive.
Il savait qu’un clash public servirait sa cause. Il savait que le riche entrepreneur, habitué à régner sans opposition dans le monde des affaires, se perdrait dans une guerre médiatique qu’il ne contrôlait pas. Et il avait raison.
Le plus brillant dans tout ça ? La structure même de la poursuite. Morissette n’a pas seulement poursuivi Poirier : il l’a poursuivi au nom de sa fondation. Il a ainsi transformé une dispute entre deux personnalités en combat moral. Il est apparu, dans l’opinion publique, comme le défenseur d’une bonne cause attaquée injustement.
Et tout ça, sans jamais s’emporter, sans jamais flancher. Poirier, au contraire, a gesticulé, improvisé, erré, et même tenté de revenir sur ses propos. Mais trop tard.
Ce qui devait être un affrontement entre deux hommes d’affaires s’est transformé en démonstration de stratégie. Et dans ce jeu d’échecs, Louis Morissette a été plusieurs coups d’avance.
Il a laissé Poirier s’autodétruire. Il a attendu patiemment qu’il s’expose. Il a récolté les preuves. Et il a frappé au moment parfait, en pleine montée de notoriété pour Poirier, alors que celui-ci multipliait les apparitions, rêvait de politique et savourait sa popularité médiatique. Résultat ?
C’est Morissette qui a gardé l’image du gars raisonnable, professionnel, et surtout, intouchable.
Aujourd’hui, Luc Poirier doit faire face à une poursuite de 2 millions de dollars. Il a été débouté dans sa tentative de retirer les messages Instagram du dossier.
Et l’affaire risque de traîner pendant des mois, voire des années. Pendant ce temps, Louis Morissette continue de produire, de gérer ses affaires, de récolter du capital social.
La fondation Véro et Louis, qui finance des projets pour l’accès à l’eau potable, sort renforcée de cette saga. Et Luc Poirier, malgré sa fortune colossale, se retrouve dans la position la plus inconfortable de sa carrière publique.
Est-ce que tout cela était prémédité ? Difficile à dire. Mais ce qui est certain, c’est que Morissette a parfaitement joué ses cartes. Il a transformé une attaque en tremplin.
Il a attendu le bon moment pour contre-attaquer. Il a transformé les failles de Poirier en atouts juridiques. Et il a, au passage, renforcé son image d’homme de cœur, de stratège, et de gardien de l’intégrité philanthropique au Québec.
En résumé ? Une leçon de gestion de crise. Une masterclass d’image publique. Et une démonstration éclatante que, même face à un milliardaire, un producteur peut gagner… quand il sait exactement où il s’en va.