Revirement de situation à la cour: Gilbert Rozon reçoit l’aide de Patrick Lagacé

Revirement de situation à la cour: Gilbert Rozon reçoit l’aide de Patrick Lagacé

Par David Garel le 2025-07-17

C’est l’histoire d’un naufrage.

Pas seulement celui de Gilbert Rozon, cet ancien patron de l’humour devenu ennemi social. Non. C’est aussi et peut-être surtout celui d’un journal qui se voulait moralement au-dessus de la mêlée et qui, en un seul clic, a torpillé sa crédibilité en offrant une tribune à l’un des hommes les plus décriés de la scène publique québécoise.

Jeudi matin, le Québec s’est réveillé avec une gifle en pleine figure : La Presse avait publié une lettre de Gilbert Rozon mercredi soir. Une lettre titrée, sans ironie aucune : « Je ne suis pas cet homme ».

Et c’est là que tout a dérapé.

Une déflagration. Un tollé. Un ouragan de critiques, comme on n’en avait pas vu depuis des années sur les réseaux sociaux.

Une indignation massive, sincère, brute. Parce que tout le monde se posait la même question : comment diable peut-on offrir une tribune à Gilbert Rozon, accusé par neuf femmes de gestes odieux, dans un procès civil en cours?

Et que fait La Presse en retour? Elle sort son joker. Son parapluie moral. Son grand principe sacré : le droit de réplique.

Un principe? Peut-être. Une blague? Surtout.

Et qui s’avance pour sauver les meubles, éteindre l’incendie, colmater les brèches? Patrick Lagacé. L’homme fort du 98.5FM. Le chroniqueur vedette. Le pompier de service. Le soldat loyal qui vient expliquer, avec sa plume familière et son ton professoral, que non, voyons, ce n’est pas une tribune.

C’est un droit. Un droit de réplique. Et que ce droit-là, La Presse l’applique même aux figures les plus « socialement radioactives ». Même à Rozon.

« Tu es visé par une chronique, tu es visé par un éditorial. Que tu t'appelles Rozon ou Dupont, tu vas avoir un droit de réplique.» affirme Lagacé

Mais là, une question s’impose : est-ce que ce même droit de réplique est appliqué de façon égale? Est-ce que La Press eet le 98.5FM qui, faut-il le rappeler, sont des cousins germains dans l’empire médiatique québécois, ont toujours respecté ce grand principe quand il s’agissait de leurs propres collègues, de leurs propres victimes, de ceux qu’ils ont eux-mêmes ostracisés?

La réponse, on la connaît. Et elle est douloureuse.

Quand Pierre-Yves McSween a été écarté sans explication du 98.5FM, après un conflit interne avec Philippe Cantin et Patrick Lagacé, a-t-on publié une lettre de McSween?

A-t-il eu droit à une tribune dans La Presse pour s’expliquer, raconter sa version des faits, remettre les pendules à l’heure?

Non. Rien. Nada. Silence radio. Un homme rayé de l’antenne comme on efface une erreur de calcul. McSween, aujourd’hui triomphant à Radio-Canada avec Patrick Masbourian, n’a jamais pu répondre aux attaques, aux insinuations, aux versions officielles floues. Il n’a jamais eu droit à ce fameux « droit de réplique ».

Pourquoi? Parce qu’il ne s’appelait pas Rozon?

Parce qu’il n’était pas « radioactif » au bon sens?

Et que dire de Jérémy Filosa? Suspendu pour avoir douté publiquement de la version officielle de l’alunissage de 1969. Oui, vous avez bien lu. Dans un monde où les chroniqueurs peuvent spéculer sur les vaccins, sur les complots chinois ou sur... Gilbert Rozon, Jérémy Filosa a été mis à la porte parce qu’il n’était pas convaincu qu’on avait marché sur la Lune. Une opinion farfelue? Non, seulement son opinion. Une erreur de jugement? Aucunement.

Mais un crime moral? Un motif suffisant pour le suspendre sans appel, sans droit de réplique, sans même une entrevue dans La Presse?

Filosa, lui, a dû suivre une « formation en éthique journalistique », imposée par la direction. Il a accepté. Il s’est tu. Il est revenu, humilié.

Et pendant ce temps, Louis Lacroix, lui, suspendu pour avoir tenu des propos méprisants envers les artistes afros-américains du rap, n’a jamais suivi de formation. Selon nos informations, tout cela n’était qu’un écran de fumée. Une manière de faire croire qu’il y avait une équité disciplinaire.

Et le cas de MC Gilles, écarté du 98.5FM après un conflit personnel avec Patrick Lagacé, comment l’explique-t-on? Où est son droit de réplique? Pourquoi n’a-t-il pas pu raconter sa version dans La Presse Pourquoi a-t-il dû répliquer dans un autre média qui ne fait pas partie du country club Press-Cogeco?

Quand MC Gilles a été éliminé de la grille horaire, c’était pour une raison bien simple : il ne cadrait plus dans le petit club privé de Cogeco. (qui est la même entrée que celui de La Presse).

Mais Gilbert Rozon, lui? Lui a eu cette tribune.

Quand Alexandre Pratt a publiquement attaqué le site Hockey30 et tous les blogues non-traditionnels, du haut de son piédestal de journaliste institutionnalisé, m'as-t-on invité à répondre? A-t-on laissé Hockey30 s’expliquer? Défendre son modèle? Débattre des pratiques médiatiques?

Non. Bien sûr que non. Alexandre Pratt a tapé, comme il sait le faire, avec l’appui implicite de toute la machine médiatique traditionnelle jalouse du succès des médias indépendants. Et personne, absolument personne, n’a levé le petit doigt pour rappeler que le « droit de réplique » devrait aussi exister pour les indépendants, les marginaux, les sans-nom.

C’est là tout le paradoxe : le droit de réplique est devenu une arme à sens unique.

Alors que fait Patrick Lagacé, dans tout ça? Il se présente en apôtre de l’équité. Il explique, dans un texte lénifiant, pourquoi Rozon a eu droit à sa tribune. Il déroule des arguments théoriques. Il cite des précédents. Il parle même, avec sérieux, de « pédagogie journalistique ».

Mais ce même Lagacé a été, cette année, au cœur de toutes les décisions controversées du 98.5FM. Il a été, à tort ou à raison, perçu comme le bras armé de l’épuration post-Paul Arcand.

Il a été surnommé, ironiquement ou non, le « Napoléon des ondes ». Et il nous parle... du droit de réplique?

Pas un mot sur McSween. Pas un mot sur Filosa. Pas un mot sur les querelles internes, les boycotts, les congédiements silencieux. Seulement une moquerie facile.

Rozon avait-il vraiment droit à une tribune?

À cette lettre immonde. À cette tentative de blanchiment médiatique. Est-ce que Rozon, mis en cause dans une chronique, avait techniquement droit à une réplique? Oui. Mais est-ce que tous les gens mis en cause dans les médias ont eu ce droit, dans La Presse ou au 98.5FM ?

La réponse est un non catégorique.

Alors ne venez pas nous parler de principes sacrés. Ne parlez pas de justice, d’équité, de démocratie médiatique. Parce que si ces principes ne s’appliquent qu’aux puissants, aux controversés médiatiques, aux figures connues, alors ce ne sont plus des principes.

Ce sont des passe-droits. Des privilèges. Et dans ce cas précis, un privilège accordé à un homme accusé par neuf femmes d’agressions. Un homme dont les agissements ont été largement documentés par les mêmes médias qui lui ont tendu aujourd’hui un micro.

Il y a quelque chose de pourri au royaume des grands médias. Quand on permet à Rozon de signer une lettre dans La Presse, on révèle le vrai visage du système : ce n’est pas la vérité qui guide les décisions, c’est la proximité avec le pouvoir.

Et ce pouvoir, Rozon en a longtemps fait partie. Il en reste des miettes. Il en reste des amis. Il en reste des accès.

Ce qu’il n’en reste pas, c’est de la décence.

Patrick Lagacé dit dans sa chronique que La Presse doit mieux expliquer à ses lecteurs le principe du droit de réplique. Il a raison. Mais avant d’expliquer, il faudrait commencer par appliquer.

À tout le monde. Pas seulement à ceux qui choquent. Pas seulement à ceux qui vont faire réagir. Pas seulement à ceux qui traînent une notoriété morbide comme un trophée de guerre.

Le droit de réplique n’est pas un outil marketing. Ce n’est pas une stratégie de clics. Ce n’est pas une expérience sociale. C’est un acte journalistique d’équité. Et s’il est accordé à Rozon, il doit l’être à tous ceux qui ont été congédiés sans appel, critiqués sans relâche, déshumanisés dans les médias sans jamais avoir droit à une phrase, une ligne, une tribune.

C’est cela, la justice médiatique.

En publiant la lettre de Rozon, La Presse n’a pas seulement manqué de jugement. Elle a manqué de mémoire. De respect. De compassion pour les victimes. Et surtout, elle a prouvé que ses grands principes ont le dos large. Souples. Adaptables selon le nom de famille et la notoriété de celui qui frappe à la porte.

Et peut-être qu’au fond, Lagacé sait que ce système qu’il défend avec tant d’énergie… est en train de s’effondrer.