Depuis son arrivée en Amérique du Nord, Ivan Demidov est devenu bien plus qu’un espoir. Il est une obsession collective, un objet de fascination, un sujet de débat quotidien à Montréal.
On le compare déjà à Ovechkin pour son flair offensif, à Panarin pour son sens du jeu, à Kucherov pour son sang-froid dans les moments critiques.
Bref, il est censé être la pièce maîtresse de la prochaine décennie du Canadien. Mais voilà que Martin St-Louis, dans sa logique inflexible de « méritocratie », envoie un message cinglant : Demidov devra patienter.
Pire encore, il devra apprendre à souffrir à Québec demain... sur un troisième trio avec Alex Newhook et Oliver Kapanen, loin de l’aura de Suzuki et Caufield.
Ce qui choque le plus, c’est que l’histoire s’écrivait différemment il y a à peine quelques mois. Rappelons-nous ce fameux match à Chicago, en avril dernier.
Le Centre Bell vibrait encore de sa performance inaugurale : une passe magique, un but spectaculaire, un public en délire. Tout le monde parlait d’un conte de fées moderne, d’un « Demigod » prêt à renverser la hiérarchie.
Et pourtant, ce soir-là, Martin St-Louis avait déjà planté la première graine du doute en refusant de l’utiliser en fusillade.
Une décision incompréhensible, vécue comme une gifle par les partisans. Déjà, certains y voyaient une volonté délibérée de « casser » le jeune Russe, de lui rappeler que rien ne serait facile, pas même pour lui.
Aujourd’hui, le scénario se répète. Demidov veut la première unité d’avantage numérique. Il l’a fait savoir, subtilement mais fermement.
Ses mots après l’entraînement, « ce n’était pas fluide, c’était un peu lent », étaient une critique à peine voilée de l’unité B où on l’a relégué.
Il avait même affirmé vouloir avoir sa chance sur le 1er trio aux côtés de Nick Suzuki et Cole Caufield.
Et la réponse de St-Louis a été brutale : troisième trio, avec Newhook et Kapanen, pendant que Suzuki et Caufield continuent d’alimenter Slafkovsky et que Zachary Bolduc prend la place avec Kirby Dach et Patrik Laine.
Rappelons que Demidov a perdu patience à plusieurs reprises avec Dach sur la glace. A-t-il été puni pour cette raison?
On connaît la philosophie de St-Louis : rien n’est donné, tout est gagné. Lane Hutson en a fait les frais l’an dernier, bloqué plusieurs semaines derrière Mike Matheson avant d’exploser.
Mais Hutson n’est pas Demidov. Le défenseur américain est patient, studieux, prêt à jouer le long terme. Le Russe, lui, vit de passion et d’instinct. Lui demander d’attendre, c’est comme demander à un feu d’artifice de brûler au ralenti.
St-Louis envoie un double message : aux vétérans, qu’aucune recrue ne passera devant eux sans effort. Même si Patrik Laine est fini à la corde.
Aux partisans, qu’il ne pliera pas devant la pression populaire. Mais ce message, juste en théorie, peut devenir destructeur en pratique.
Demidov n’est pas une recrue ordinaire. Il est la raison pour laquelle des milliers de partisans ont acheté des billets cette année. Il est l’espoir qui vend des chandails, qui génère des clics, qui fait rêver. L’enterrer sur un troisième trio, c’est risquer de transformer l’excitation en frustration.
Il y a une question fondamentale : St-Louis agit-il par stratégie, ou par ego? Ses décisions passées laissent planer le doute. La volonté de montrer qu’il reste le patron, même face à un phénomène. Tout cela alimente une impression de confrontation plus que de développement.
Et cette impression s’est matérialisée ce matin à Brossard. On a vu un Demidov furieux, crispé, bouillonnant. Le message du coach était clair :
« Tu veux la première unité? Gagne-la. »
Mais le sous-texte était plus dur
: « Je ne te ferai aucun cadeau, même si tu es le plus grand talent de l’équipe. »
Le danger est double. Sur le plan sportif, d’abord. Le Canadien n’est pas une équipe qui peut se permettre de laisser son joueur le plus explosif en retrait. L’attaque de Montréal stagne depuis des années. Elle a besoin de vitesse, de créativité, de génie pur. Demidov offre tout cela. Le casser pour montrer son autorité, c’est gaspiller une arme unique.
Sur le plan psychologique, ensuite. Les grandes vedettes russes réagissent mal à l’humiliation. Kovalev, Kovalchuk, Radulov, Kucherov, Panarin : tous ont démontré qu’ils avaient besoin d’être au centre du jeu pour s’épanouir.
Diminuer Demidov, c’est prendre le risque de briser son élan, voire de provoquer une cassure irréversible dans sa relation avec l’organisation.
Demidov, lui, veut tout. Pas seulement une place sur la première unité d'avantage numérique ou sur le premier trio. Il veut être le point central, jouer deux minutes complètes, dicter le tempo. Il l’a dit sans le dire. Et il ne reculera pas. Le problème? St-Louis n’aime pas les joueurs qui exigent. Il aime ceux qui se soumettent au « processus ».
Ce qui se trame à Brossard est plus qu’une simple décision tactique. C’est une bombe à retardement. Chaque mise à l’écart de Demidov alimente la frustration des partisans, qui voient dans le jeune Russe une raison d’espérer.
Chaque rétrogradation nourrit les spéculations médiatiques. Et chaque jour où St-Louis persiste à « casser » son joyau, la tension monte d’un cran.
Les vétérans, eux, observent. Certains comprennent le message de rigueur. D’autres s’inquiètent de voir un joueur aussi spécial être tenu en laisse. Car si Demidov finit par perdre patience, c’est tout le vestiaire qui en ressentira les secousses.
Aujourd’hui, la nouvelle est tombée comme une claque au visage : Ivan Demidov sur un troisième trio. Un affront pour certains, un test pour d’autres.
Mais dans tous les cas, un moment déterminant. Car si le coach gagne son bras de fer, Demidov deviendra plus fort. Mais si le prodige russe perd patience, c’est le projet entier du Canadien qui risque de s’effondrer sous le poids d’un ego mal géré.
Et dans une ville où chaque décision est amplifiée par la loupe médiatique, Martin St-Louis marche sur une corde raide.
Trop de rigidité, et il perdra son joyau. Trop de souplesse, et il perdra son autorité. Le problème, c’est qu’avec Demidov, il n’y a pas de juste milieu : il faut lui donner les clés, ou risquer de les voir brisées entre ses mains.
Trios à l’entraînement
Caufield - Suzuki - Slafkovsky
Laine - Dach - Bolduc
Newhook - Kapanen - Demidov
Gallagher - Evans - Anderson
Extras : Veleno / Blais / Beck / Xhekaj
Paires défensives
Matheson – Dobson
Guhle – Hutson
Xhekaj – Carrier
Extras : Struble – Engström