Il voulait raviver l’espoir. Il voulait, à sa manière, ranimer la flamme des partisans orphelins de leurs Nordiques. Il l’a fait avec la fougue d’un animateur voulant des cotes d'écoute, avec la conviction d’un ancien politicien, et avec le ton assuré d’une figure bien installée dans le paysage médiatique québécois. Mais voilà : Mario Dumont s’est trompé.
Et ce n’est pas une petite erreur d’analyse. C’est une méprise monumentale sur le contexte, sur le timing, et sur la véritable réalité derrière le projet de retour des Nordiques. Une erreur qui alimente de faux espoirs, alors que la dernière fenêtre crédible vient de se refermer.
Tout commence avec une chronique en avril 2024, publiée dans le Journal de Montréal, où Mario Dumont prend la défense d’un projet qui, selon lui, mérite d’être défendu avec force et détermination.
Il critique sans pitié le manque d’ambition politique entourant le retour des Nordiques. Il dénonce les partis d’opposition qui ridiculisent le voyage du ministre Éric Girard à New York pour rencontrer les dirigeants de la LNH. Il fustige ceux qui osent dire que les chances sont faibles, comme si cela justifiait de ne rien tenter.
« Doit-on comprendre que pour l’opposition, si le Québec se retrouve dans une compétition avec plusieurs pays et États américains pour obtenir un projet, ils n’essaieront même pas? Bof! Nos chances sont trop faibles de l’emporter, restons les bras croisés. »
Dumont se positionne alors comme l’un des rares porte-voix publics à croire encore au retour des Nordiques. Il ne nie pas que les chances sont faibles. Il cite lui-même Éric Girard, qui parle de « 10 % de chances ».
Mais il s’oppose à ce qu’il perçoit comme des "haters". Pour lui, l’honneur et l’ambition du Québec passent par cette lutte symbolique, même si elle semble vouée à l’échec.
« Je crois plutôt qu’ils ont été étouffés par la partisanerie. Ils veulent tellement que la CAQ échoue qu’ils finissent inconsciemment par souhaiter que le Québec échoue. Attention! »
Et pendant quelques heures, peut-être quelques jours, les partisans des Nordiques y ont cru. Dumont, l’homme fort de Québecor, donnait l’impression que quelque chose bougeait. Que la pression politique et médiatique allait relancer la machine. Que l’histoire s’écrivait à nouveau.
Mais en coulisses, le sablier s’écoulait déjà.
Car pendant que Mario Dumont écrivait ses lignes enflammées, une autre réalité se consolidait, beaucoup plus discrète, mais terriblement concrète : le projet d’aréna des Sénateurs d’Ottawa sur les plaines LeBreton venait de franchir un cap décisif.
Selon des informations publiées le 18 juillet 2025 par Postmedia, la Commission de la capitale nationale (CCN) et les Sénateurs étaient sur le point de conclure la vente de 10 acres de terrain au cœur du centre-ville d’Ottawa. Le but? Construire un nouveau complexe sportif et événementiel, à quelques minutes du Parlement.
La CCN a confirmé officiellement que les discussions allaient bon train :
« Les deux parties travaillent fort pour conclure une entente et sont engagées à amener un centre d’événements majeur sur les plaines LeBreton. »
Le président des Sénateurs, Cyril Leeder, a renchéri sur TSN 1200 :
« Ce projet est littéralement sur le dessus de ma pile de dossiers. Nous avons eu des échanges cette semaine. Les choses avancent. »
Ce n’est donc plus une hypothèse. Ce n’est plus un rêve. C’est un projet en phase finale de négociation. Un terrain réservé. Un prix discuté. Une entente en voie d’être entérinée, possiblement dès septembre.
Et c’est là que l’erreur de Dumont devient flagrante. Il a parié sur un échappatoire, le déménagement d’une équipe canadienne, comme plan B au refus d’expansion de la LNH. Mais ce plan vient de mourir.
Avec Ottawa désormais solidement enracinée pour les prochaines décennies, la LNH n’a plus besoin de Québec comme solution de rechange. Et Gary Bettman peut poursuivre son vrai plan : une expansion vers Houston et Atlanta.
Le coût de l'expansion? 2 milliards de dollars selon TSN et The Atlhetic.
Le plus ironique dans tout ça? Mario Dumont est peut-être tombé dans le piège qu’il dénonçait lui-même : celui de la politique de l’image.
Car au fond, Mario Dumont n’est pas juste un commentateur indépendant. Il est l’homme fort de TVA-LCN, la tête d’affiche de Québecor, la machine qui possède aussi le Journal de Montréal… et le Centre Vidéotron.
Son discours, aussi passionné soit-il, n’est pas neutre. Il s’inscrit dans une stratégie de communication, consciente ou non, qui vise à entretenir la flamme dans un public frustré. Un public qui continue d’espérer… et qui regarde TVA.
Mais à quoi bon entretenir cette flamme si l’on sait qu’il n’y a plus d’oxygène?
En parlant de 10 % de chances comme d’une opportunité à saisir, Dumont donne l’illusion d’un combat encore jouable.
Mais il évite soigneusement de parler du principal obstacle : la volonté de la LNH. Et surtout, il ignore les récents développements du dossier d’Ottawa, qui condamnent à peu près toutes les options de relocalisation.
En s’appuyant sur le symbole des Nordiques pour attaquer l’opposition, Dumont politise un rêve collectif. Il transforme une discussion complexe sur la géopolitique de la LNH, les droits télé, les marchés publicitaires et les modèles économiques… en une affaire d’orgueil partisan.
Mais c’est là que son analyse déraille.
Ce n’est pas un manque de volonté politique qui empêche le retour des Nordiques. C’est une logique froide, commerciale et américaine.
Et Mario Dumont, en refusant d’admettre cette évidence, détourne l’attention du vrai problème : Québec n’est pas sur la carte des priorités de la LNH. Pas parce qu’elle est indigne, mais parce qu’elle est jugée non-rentable selon les critères de Bettman.
Et non, rappeler que Winnipeg a retrouvé une équipe ne suffit pas. Car Winnipeg a bénéficié d’une conjoncture exceptionnelle : la faillite de l’ancienne concession d’Atlanta, un aréna prêt, et des investisseurs solides. Québec n’a ni l’urgence, ni l’effet de surprise.
Au fond, Mario Dumont ne manque pas de sincérité. Il aime le hockey. Il aime Québec. Et il aimerait sans doute autant que nous tous voir les Nordiques renaître.
Mais l’espoir sans lucidité devient de la manipulation.
En refusant de voir que les portes se ferment une à une, en refusant de reconnaître la défaite du scénario Ottawa-Québec, et en continuant à blâmer uniquement les opposants politiques, Dumont rend un bien mauvais service à ceux qui espèrent encore.
Il s’est trompé. Et son erreur, aussi humaine soit-elle, a des conséquences.
Elle nourrit l’illusion. Elle détourne le débat. Et elle empêche peut-être la vraie discussion de commencer : comment faire revenir les Nordiques, sans se bercer d’illusions?
Parce qu’à ce rythme-là, Québec n’a pas seulement perdu une équipe. Elle risque de perdre sa crédibilité.