Dans une série où chaque détail pourrait faire basculer le destin d’un club entier, il y a des éléments que tu ne peux pas laisser au hasard.
Et malheureusement pour le Canadien de Montréal, l’un de ces éléments s’appelle Mike Matheson.
Depuis des semaines, le défenseur québécois traîne les pieds, pas au sens littéral du terme — son coup de patin est irréprochable — mais bien dans ses prises de décisions, ses revirements, et surtout son omniprésence qui frôle l’obsession tactique.
Quand tu regardes les neuf dernières rencontres de la saison, Mike Matheson a été utilisé en moyenne pendant plus de 26 minutes par match.
C’est une charge excessive pour un défenseur qui, certes, possède une vision et une mobilité impressionnantes, mais qui n’est tout simplement pas bâti pour affronter les meilleurs trios adverses tous les soirs sans flancher. En avril seulement, il a cumulé un différentiel de −6, commettant en moyenne près de trois revirements par match.
Et pendant ce temps, Lane Hutson, qui a fracassé tous les records de production pour une recrue à la ligne bleue avec ses 66 points en 82 matchs, se retrouve cantonné dans un rôle de soutien, malgré une constance exemplaire et un différentiel quasi neutre sur une équipe jeune et vulnérable.
Le problème n’est pas que Matheson est un mauvais joueur. Le problème, c’est qu’on l’utilise comme si c’était Victor Hedman ou Drew Doughty dans leur prime.
Mike Matheson n’est pas un pilier défensif. Il est un complément. Un luxe de relanceur, pas un pilier de stabilité.
Et dans cette série contre Washington, où le système de Spencer Carbery va tout faire pour exposer les failles de Montréal en relançant la pression sur le flanc gauche, on devine déjà ce que les Capitals vont faire : dump and chase dans le coin de Matheson, et cueillir les dividendes après un mauvais repli ou une mauvaise relance.
Ce n’est pas un hasard si Martin St-Louis a dû défendre son joueur en conférence de presse la veille du premier match.
« J’ai confiance que Mike est capable de gérer cette charge-là. C’est un gars qui prend ça à cœur, qui veut bien faire. »
On veut bien le croire Martin, mais parfois, vouloir bien faire, c’est justement de reconnaître que le rôle est trop grand.
Quand ton défenseur finit systématiquement ses matchs à bout de souffle, le cerveau suit plus. Et c’est là que les crampes mentales arrivent.
Pendant ce temps, Lane Hutson et Kaiden Guhle, qui forment sans doute le duo le plus prometteur de la brigade, voient leur temps de glace plafonné à une vingtaine de minutes.
Ce sont eux qui devraient affronter les meilleurs éléments adverses, pas parce qu’ils sont parfaits, mais parce qu’ils représentent l’avenir et qu’ils ont prouvé qu’ils pouvaient apprendre vite.
Hutson est frais, intelligent, mobile. Guhle est robuste, discipliné, et gère la pression comme un vétéran de 10 ans.
La recette gagnante contre Washington passe par là. Une gestion intelligente du temps de glace. Une responsabilisation des jeunes qui ont porté cette équipe pendant la deuxième moitié de la saison.
Pas un acharnement à répéter les mêmes erreurs en surutilisant les mêmes joueurs dans les mêmes contextes jusqu’à ce que la sauce tourne.
Et si l’on ajoute à cela un avantage numérique qui n’a marqué qu’un seul but en neuf matchs, on comprend que le CH ne peut pas se permettre d’avoir un ingrédient qui sabote la recette.
Slavkovsky devra step-up. Laine devra retrouver son tir. Demidov devra être utilisé intelligemment. Et Suzuki devra continuer de porter l’unité spéciale sur ses épaules comme il l’a fait toute l’année.
Mais au sommet de cette pyramide, il y a la question Matheson. Parce que peu importe combien tu mets de talent dans la soupe, si tu y ajoutes trop de sel, tu ne goûtes plus rien d’autre.
Et Matheson, en ce moment, c’est un peu ça : un ingrédient trop présent, trop dominant, qui déséquilibre tout le reste.
Alors Martin, sors ta spatule. Réajuste ta recette.
Parce qu’en séries, y’a pas de deuxième portion.
Et voilà où on en est.
Le Canadien de Montréal a prouvé cette saison qu’il pouvait surpasser les attentes grâce à son caractère, à la qualité de son développement interne et à la vision de Martin St-Louis.
Mais si ce groupe veut vraiment réussir l’exploit d’éliminer les Capitals de Washington dès la première ronde, il devra impérativement affiner sa recette… et peut-être même réécrire certains ingrédients au complet.
Parce que si Mike Matheson continue d’être utilisé comme un défenseur numéro un, sans soutien, sans relai de minutes, sans filet de sécurité, il finira par s’effondrer sous le poids des responsabilités qui ne lui reviennent pas naturellement.
Et lorsqu’il s’effondre, c’est toute la défensive du Canadien qui se fissure.
Parce que si la première unité d’avantage numérique continue d’opérer avec la même structure statique, les mêmes automatismes prévisibles et les mêmes hésitations techniques qu’au mois d’avril, elle risque encore une fois d’échapper les matchs-clés par manque d’audace et de cohésion.
Et ça, dans une série contre des vétérans comme Ovechkin, Wilson et Strome, c’est tout simplement une condamnation assurée.
Parce que si Samuel Montembeault n’élève pas son jeu au niveau des grands, au niveau des Halak, des Price, des Roy, alors le miracle n’aura jamais lieu. Il n’aura pas le droit à l’erreur, pas de répit, pas de deuxième chance.
Et c’est pour ça que Martin St-Louis, malgré son aura de calme, son charisme et sa proximité avec les joueurs, devra sortir le fouet au bon moment.
Il devra oser. Il devra prendre les décisions difficiles, celles que l’on attend d’un entraîneur qui ne veut pas juste faire bonne figure, mais qui veut gagner.
Parce que dans les séries, personne ne se souvient des recettes qui ont presque fonctionné.
On se souvient de celles qui ont été parfaitement exécutées.
Et si Mike Matheson continue d’être mal dosé, si l’on refuse de faire confiance au sang neuf pour équilibrer le plat, alors ce n’est pas seulement la sauce qui va tourner…
C’est toute la cuisine du Canadien qui va exploser sous la pression.
Alors Martin, à toi de jouer. Sors ton meilleur tablier, ajuste tes ingrédients, et surtout : évite de surchauffer ton chef cuistot numéro 8.
Parce qu’en séries, une recette ratée ne pardonne pas.
AMEN