David Savard ne parle jamais pour rien dire. Ce n’est pas le genre de gars à lancer des phrases creuses pour remplir l’air.
Quand il laisse glisser qu’il est en discussion avec Kent Hughes et Jeff Gorton, à un mois du camp d’entraînement, ce n’est pas une simple politesse : c’est un crochet du gauche dans la boîte crânienne de tous ceux qui pensaient le voir disparaître du paysage montréalais comme une vieille Zamboni au rancart.
Le bonhomme vient de raccrocher ses patins après 932 matchs NHL et ça, sans avoir eu besoin de faire du bruit sur Instagram pour qu’on s’en souvienne.
Et là, au lieu de profiter de sa retraite pour siroter des bières sur le bord du fleuve, il nous dit qu’il pourrait bien se pointer à Brossard… mais pas pour faire le café aux recrues.
Le décor est planté au Pro-Am Sun Life, à Québec, où il est honoré comme un vétéran qui a encaissé plus de tirs bloqués que la plupart des défenseurs n’oseraient en rêver.
Le gars chausse encore les patins, mais précise qu’il n’est pas question de revenir jouer.
Sauf que voilà, il ajoute qu’il parle avec Hughes et Gorton « juste pour voir s’il y a une possibilité ».
Possibilité de quoi ? D’un rôle. Pas défini, pas officiel… mais un rôle quand même.
Et dans la tête de n’importe quel amateur du CH qui connaît ses affaires, ça déclenche tout de suite un festival de scénarios.
Parce que Savard, ce n’est pas n’importe qui dans un vestiaire.
C’est le père tranquille qui sait quand sacrer une volée verbale, et quand calmer le jeu avant que ça pète.
Un gars qui a survécu à Tampa, Columbus, Montréal… et qui en est ressorti respecté partout.
Si Martin St-Louis l’a eu dans son vestiaire, ce n’est pas pour sa vitesse de patinage, mais pour son instinct, son sens du moment, et sa capacité à éteindre un incendie avant même que les autres sentent l’odeur de fumée.
Le garder dans l’environnement du CH, c’est comme cacher un extincteur derrière le banc : ça rassure tout le monde.
Mais attention : un rôle pour Savard, ça ne veut pas juste dire « aller jaser aux jeunes défenseurs ».
Ça peut aussi vouloir dire s’impliquer dans les décisions hockey. Et là, on touche au territoire sensible de Kent Hughes.
Parce que si Savard est là pour influencer la brigade défensive, il devient automatiquement une voix que St-Louis va écouter.
Et plus Martin écoute Savard, plus Hughes doit composer avec un duo qui pourrait avoir ses propres idées sur qui doit jouer où, et comment.
Bien sûr, tout ça se dit poliment dans les médias, mais dans le microcosme du CH, on sait que ces dynamiques-là peuvent vite devenir un ballet d’egos et de stratégies.
Savard, de son côté, joue le jeu du mystère.
« On n’est pas rendu là encore », qu’il dit. Une phrase parfaite pour semer l’intrigue.
Parce que s’il voulait vraiment couper court aux rumeurs, il pourrait le faire en deux secondes.
Mais non. Il laisse planer. Il garde la porte entrouverte. Et dans cette ville, quand tu laisses la porte entre-ouverte, il y a toujours quelqu’un pour essayer de voir ce qu’il y a derrière.
Il l’admet : il se remet tranquillement, il traîne des bobos, il tente de revenir proche de 100 %.
Mais là encore, il y a un sous-texte : si les blessures l’empêchent de patiner à haute intensité, elles n’empêchent pas sa tête de fonctionner à plein régime.
Et un Savard en santé mentale, avec toute son expérience, c’est une arme redoutable pour n’importe quelle organisation.
Le camp du Canadien approche, et les nouveaux venus ... Dobson, Bolduc, compagnie ... vont débarquer avec leurs ambitions.
Imaginez un vestiaire où Savard circule en coulisses, glisse un mot à un jeune, raconte une anecdote de série à Tampa, ou explique à un défenseur de 21 ans comment lire un jeu avant qu’il n’arrive.
Ce n’est pas flashy, ce n’est pas Instagrammable, mais ça peut transformer une saison.
Alors oui, Kent Hughes pourrait se dire : parfait, un allié de plus dans le développement.
Mais Hughes sait aussi que ce genre de figure peut vite prendre de la place.
Dans une équipe jeune, l’influence d’un ancien respecté peut peser lourd. Assez lourd pour orienter une culture d’équipe.
Et la culture, c’est le nerf de la guerre dans un marché comme Montréal.
On ne sait pas encore si Savard sera derrière le banc, dans un bureau, ou juste dans les gradins.
Ce qu’on sait, c’est qu’il ne sera pas loin. Et qu’il ne sera pas là pour sourire à la caméra : s’il revient dans l’organigramme, ce sera pour avoir un vrai impact.
Et là, ça devient un dossier que tout le monde va suivre de près, parce qu’à Montréal, chaque geste compte, chaque influence se remarque, et chaque relation interne peut changer le cours d’une saison.
Et puis, il y a le côté sentimental : Savard est aimé à Montréal.
Pas juste pour son jeu, mais pour ce qu’il représente : un Québécois solide, fiable, qui n’a jamais eu peur de bloquer un tir même si ça faisait mal.
Dans une ville où les partisans se lassent vite des promesses creuses, garder quelqu’un comme lui dans le décor, c’est envoyer un message : on respecte nos bâtisseurs de culture.
Bref, David Savard a lâché une petite phrase au Pro-Am et toute la ville est partie sur une tangente.
C’est ça, Montréal. Une ville où un ancien peut faire trembler les murs de Brossard avec trois mots bien placés.
Et s’il revient vraiment, il n’aura même pas besoin de crier pour qu’on entende l’impact : il lui suffira de fermer la porte du vestiaire derrière lui et de commencer à parler.
AMEN