C’est une image-choc qui résume toute la détresse d’un empire en déclin.
Jeudi soir, les bureaux de Québecor, situés sur la rue Frontenac à Montréal, ont été attaqués. Vitres fracassées. Peinture projetée sur la façade. Une scène de chaos dans un édifice symbole. Celui de TVA, de LCN, du Journal de Montréal.
Mais au-delà du geste criminel, c’est ce qu’il représente qui frappe l’imaginaire : Québecor n’a jamais semblé aussi vulnérable.
Et Pierre Karl Péladeau, plus seul que jamais.
L’enquête est en cours. Le SPVM cherche toujours les auteurs de l’attaque. Pas de revendication. Pas de mobile clair.
Mais les rumeurs fusent. Extrême gauche? Extrême droite? Groupes pro-Hamas ou pro-Israël? Ou simplement des citoyens écoeurés par le traitement médiatique des grands réseaux? Impossible à dire pour l’instant.
Ce qu’on sait, c’est que la colère gronde. Et que cette colère, elle ne vient pas de nulle part.
Depuis deux ans, TVA vit une lente descente aux enfers. Des compressions massives. Des licenciements en série. Des studios fermés. Des émissions disparues.
Et au cœur de la tempête : TVA Sports. Cette chaîne qui se voulait le porte-étendard francophone du sport au Québec, et qui n’est aujourd’hui plus qu’une coquille presque vide.
Le 21 juillet dernier, The Athletic publiait son classement des meilleures équipes de diffusion de la LNH. RDS? Dixième. Pierre Houde et Marc Denis? Louangés. TVA Sports? Complètement ignorée.
Pas une ligne. Pas une mention. Le vide. L’oubli total.
Un oubli volontaire. Calculé. Et cruel.
Dans les couloirs de TVA, le choc a été immédiat. Personne ne s’attendait à recevoir des fleurs. Mais se faire ignorer, comme si la chaîne n’existait plus? C’était trop. Le moral a craqué. Le silence s’est installé. Un silence lourd. Glacial. Celui qui précède souvent l’effondrement.
Et pendant que les employés pleurent leur fierté, Pierre Karl Péladeau, lui, encaisse.
En 2024, il s’est versé 20,44 millions de dollars. Oui. Vingt millions. En pleine crise.
Pendant que les journalistes paient leur lunch. Pendant que les techniciens déménagent leur propre équipement. Pendant que TVA supprime des dizaines de postes chaque mois, Péladeau, lui, empile les dividendes.
Pire encore : l’ensemble des dirigeants de Québecor se sont partagé 25,24 millions de dollars en 2024. Une hausse de 99 %. En pleine récession. En pleine débâcle interne. En pleine humiliation publique.
Le message est clair : pendant que la maison brûle, la haute direction s’offre du champagne.
Et les employés? Ils regardent la fumée s’élever, sans extincteur. Sans plan. Sans espoir.
Car Québecor n’est plus ce qu’elle était.
À une autre époque, elle faisait trembler les murs du paysage médiatique. Aujourd’hui, elle fait pitié.
L’action du Groupe TVA est tombée à 0,63 $. Certains analystes, comme Adam Shine de la Banque Nationale, évaluent sa valeur réelle à 0,25 $. Un prix humiliant. Surtout quand on sait que Québecor avait investi 118 millions pour acquérir les studios MELS. Aujourd’hui, tout le Groupe TVA vaut moins que ça.
Mais ce qui choque le plus, ce n’est pas le naufrage économique. C’est le cynisme de ceux qui tiennent la barre.
Pierre Karl Péladeau s’est toujours présenté comme un homme du peuple. Un défenseur de la langue française. Un patriote économique. Il disait incarner un modèle différent. Plus proche. Plus humain. Plus engagé.
Aujourd’hui, il incarne tout ce que les gens détestent : l’arrogance, l’enrichissement personnel, la déconnexion.
Il voyage en 5 étoiles. Il rembourse des cocktails mondains. Québecor a dépensé plus d’un million en Uber de 2018 à 2023, pendant que les employés de TVA grattent leurs cennes noires pour boucler le mois.
Et pourtant, ce même Pierre Karl a le culot de dire que le modèle de TVA est « devenu insoutenable ». Il parle de « toutes les options » à considérer. Il évoque ouvertement la fermeture de TVA Sports.
Et les employés, eux, doivent continuer à sourire. À faire semblant. À ne pas trop parler, de peur de tout perdre.
La vérité, c’est que le vandalisme de jeudi soir n’est pas un incident isolé. C’est le symptôme d’un effondrement moral.
Quand une entreprise devient l’image même du mépris, elle attire la rage. Elle devient un symbole à abattre. Est-ce acceptable? Non. Est-ce condamnable? Évidemment. Mais est-ce surprenant? Pas du tout.
Car depuis deux ans, Québecor a multiplié les gestes qui alimentent la frustration publique.
La disparition de TVA Sports, annoncée à demi-mots. Le mépris envers les artisans. Le silence envers les syndicats. Le refus de partager les sacrifices.
Et surtout, le ton condescendant. L’indifférence affichée. Le dédain pour ceux qui tiennent encore debout ce qu’il reste du navire.
Aujourd’hui, Québecor se fait vandaliser physiquement. Mais cela ne fait que prolonger un vandalisme plus sournois. Celui de l’identité, de la culture, de la confiance.
Il y a quelques années, des jeunes rêvaient encore de travailler à TVA. De faire carrière dans le journalisme, dans la production, dans la télé.
Aujourd’hui, on y entre la tête basse, en regardant l’horloge, en espérant juste ne pas se faire couper dans la prochaine vague.
Québecor est devenu un repère pour cyniques. Un lieu de passage, vidé de sens.
Et Pierre Karl Péladeau, lui, continue d’empiler les millions. Sans se retourner. Sans s’excuser. Sans jamais assumer.
Mais cette fois, il ne pourra pas se cacher. Parce que les vitres brisées de jeudi soir ne sont pas qu’un simple acte de vandalisme. Ce sont des fissures dans une tour d’arrogance.
Et si Pierre Karl pensait que son silence suffirait à éteindre le feu, il se trompe.
Ce feu-là, c’est celui d’un système qui craque. D’un empire qui s’effondre. Et d’un patron qui, après avoir tout pris… n’a plus rien à offrir.
Même pas une ligne dans un classement. Même pas un mot de compassion. Même pas un geste de décence.
La fin approche.
Et cette fois, ce n’est pas le public qui ferme la télé.
C’est Québecor qui pourrait s'éteindre à tout jamais.