Patrick Roy peut bien sourire devant les caméras, répéter que la saison est encore loin et que tout va bien à Long Island, mais dans son for intérieur, il le sait : il est assis sur une poudrière. Et la mèche qui pourrait tout faire exploser porte un nom : Noah Dobson.
À Montréal, c’est l’euphorie. Les partisans ne parlent que de lui. Les coéquipiers multiplient les compliments. Alexandre Carrier le décrit comme « un gros bonhomme mobile avec une bonne relance », « une bonne personne » et « un bourreau de travail ».
Jakub Dobes parle d’une défense « jeune, confiante, solide ». Les journalistes l’installent déjà sur le premier duo. L’organisation elle-même en fait la pièce maîtresse de son été. Et pendant ce temps, à New York, Roy serre les dents.
Parce que tout le monde le sait : Dobson et lui, c’était la guerre froide. Pas d’insultes publiques, pas de coups de gueule en conférence de presse, mais un mépris réciproque qui ne demandait qu’à éclater.
Roy jugeait son défenseur distrait, plus préoccupé par son image que par son jeu défensif. Dobson, lui, supportait de moins en moins les sermons d’un coach qu’il considérait comme figé dans une autre époque.
Le divorce était inévitable. Et aujourd’hui, Dobson se retrouve à Montréal… dans un environnement qui est tout le contraire de ce qu’il vivait avec Roy.
Lorsque Dobson a été présenté à la presse montréalaise, il a eu un mot pour tout le monde : Martin St-Louis, Nick Suzuki, Lane Hutson, Cole Caufield. Mais pas une seule mention pour Patrick Roy.
Pas un remerciement, pas un clin d’œil. Rien. Comme si Roy n’avait jamais existé dans sa carrière.
Ce silence n’était pas un oubli. C’était un message clair : « Je tourne la page. » Et ce message, Roy l’a entendu.
Les raisons de la rupture sont connues à Long Island. Roy n’aimait pas la vie publique du défenseur : ses sorties mondaines, sa visibilité sur Instagram, sa compagne Alexa Serowik (influenceuse sportive, animatrice et journaliste omniprésente sur les réseaux).
Roy, lui, vient d’une génération où un joueur ne se mettait pas autant en scène. Dans sa vision, cette exposition nuisait à la concentration, à la constance et à la rigueur.
Dobson, au contraire, estimait qu’il faisait son travail et qu’il avait droit à sa vie. Surtout après une saison à plus de 70 points. Mais Roy lui reprochait des revirements coûteux, un manque d’urgence et l’absence de leadership.
Les face-à-face derrière les portes closes devenaient de plus en plus tendus. Le point de rupture est arrivé lorsque Roy a dit à Mathieu Darche : « Je ne veux plus de Dobson. »
Darche a exécuté. Kent Hughes a flairé l’occasion. Montréal a sauté dessus.
En parlant de son arrivée à Montréal, Dobson a multiplié les louanges envers Martin St-Louis. Il l’a décrit comme un entraîneur adoré de ses joueurs, ouvert, rassembleur.
La comparaison avec Roy, lui, était implicite… mais cinglante. C’était comme dire :
« Voici le coach avec qui j’ai toujours voulu jouer. »
St-Louis tolère l’individualité, valorise la créativité, encourage ses joueurs à être eux-mêmes. Roy exige l’uniformité, la discipline stricte, le sacrifice total. Deux philosophies qui s’opposent frontalement. Dobson a choisi son camp, et il l’a fait publiquement.
Et maintenant ? Si Dobson explose à Montréal, si le Canadien devient une force défensive grâce à lui, la pression sur Roy deviendra intenable.
À New York, on sait déjà que la défensive s’ennuie de Dobson. Le New York Post l’a écrit noir sur blanc : le côté droit de la brigade défensive va « cruellement ressentir son absence ». Et si les Islanders trébuchent, la cible est déjà dessinée dans le dos de Roy.
Les partisans se demanderont pourquoi on a laissé filer un défenseur aussi complet. Les médias new-yorkais vont exhumer les histoires de tensions. Et on rappellera que c’est Roy qui a poussé pour cet échange.
Dobson n’a pas besoin de le dire ouvertement : sa motivation est claire. Chaque point inscrit à Montréal, chaque prestation solide, chaque compliment reçu sera une petite victoire personnelle contre Roy.
Et Roy le sait. Il sait qu’à chaque succès de Dobson, les critiques le viseront directement. Qu’à chaque mauvaise séquence de ses propres défenseurs, le nom de Dobson reviendra comme un boomerang.
Cette saison, Roy n’aura pas droit à l’erreur. Les Islanders n’ont pas l’effectif pour viser la Coupe, mais ils doivent montrer une progression claire. Et il devra le faire avec une défensive diminuée, un vestiaire encore marqué par des tensions passées… et un ancien protégé qui brille ailleurs.
C’est ça, la réalité : Patrick Roy n’affrontera pas seulement ses adversaires sur la glace. Il affrontera aussi l’ombre de Noah Dobson, qui plane déjà au-dessus de Long Island. Et plus le nouveau numéro 53 du Canadien brillera, plus cette ombre deviendra lourde à porter.
Si Dobson réussit à devenir à Montréal le joueur qu’il n’a jamais pu être sous Roy, alors ce dernier se retrouvera « dans l’eau chaude jusqu’au cou ».
Pas à cause d’un mauvais système ou d’une série de défaites… mais à cause d’un choix personnel qu’il a revendiqué, et qui pourrait bien le hanter pour le reste de sa carrière derrière le banc.