Imaginez que vous êtes un employé de TVA qui vient d'être congédié.
Pierre-Karl Péladeau, assis confortablement sur le plateau de La Joute avec Paul Larocque, souriant en parlant de « solutions » pour TVA Sports pendant que 87 employés de TVA apprennent qu’ils perdent leur emploi.
On parle d’employés en région, de techniciens, de caméramans, de réalisateurs qui n’ont pas la chance de se retrouver à TVA Sports, la prison dorée de Quebecor, mais qui font tourner la machine chaque jour.
Leur vie bascule pendant que le grand patron rit doucement, affirmant qu’il est « optimiste » pour une chaîne qui, depuis des années, brûle l’argent du groupe comme aucune autre.
Le choc est violet. Brutal. Et pour beaucoup à l’interne, humiliant.
Parce que ce n’est pas seulement 87 coupures. C’est près de 1000 emplois abolis depuis deux ans. C’est la disparition silencieuse de deux caméramans sur trois dans certaines stations régionales.
C’est des journalistes qui doivent désormais filmer eux-mêmes leurs reportages, faute de personnel technique. C’est un effondrement opérationnel si profond que toutes les équipes de terrain racontent la même chose :
« On ne reconnaît plus notre métier. »
Et pendant ce temps, le big boss affiche un sourire de négociateur confiant en parlant de droits nationaux francophones dont le coût se chiffrera en centaines de millions de dollars.
Le moment a fait grincer des dents jusque dans les couloirs de TVA. Paul Larocque lui pose une question simple :
« L’avenir de TVA Sports, c’est clair ? »
PKP répond avec une assurance presque insolente :
« Oui, il y a des discussions… Je sais qu’on va trouver les solutions. »
Mais ce n’est pas ce qu’il a dit qui choque. C’est comment il l’a dit. Un demi-sourire, presque satisfait, comme s’il annonçait une croissance historique plutôt qu’une décision qui, selon les chiffres dévoilés quelques heures plus tôt, a plongé des dizaines de familles dans la détresse.
Et c’est peut-être là que tout éclate : le décalage humain. Celui qui fait si mal aux employés de TVA.
Parce que ces employés, eux, ne sourient pas. Ils font des boîtes. Ils pleurent dans les stationnements régionaux. Ils se demandent comment payer l’hypothèque, comment expliquer à leurs enfants que papa ou maman n’a plus d’emploi.
Et ils voient leur patron discuter tranquillement à la télé de « trouver les solutions » pour une chaîne qui, selon toutes les données financières disponibles, devrait être la première à disparaître.
Les employés ne comprennent plus. Les chiffres, pourtant, parlent d’eux-mêmes.
TVA Sports a englouti entre 250 et 300 millions de dollars de pertes depuis 2014. Le groupe TVA n’est plus qu’une coquille financière fragile qui se tient debout uniquement grâce à Québecor. L’action se transige ce matin à 64 cents, un effondrement boursier sans précédent pour un média historique québécois.
Et pourtant, TVA Sports est encore en négociation active avec Rogers et la LNH pour les droits nationaux francophones. Des droits qui pourraient coûter plus cher que toutes les coupures de personnel combinées.
Comment justifier une telle logique ? Comment expliquer à un caméraman qui apprend que son poste est aboli que son employeur tente, dans la même semaine, de signer un contrat de télévision frisant le milliard de dollars ?
La question se pose dans chaque salle de montage, chaque corridor de TVA Montréal et Québec : pourquoi maintenir à flot un gouffre financier alors qu’on laisse couler tout le reste ?
Les coupures annoncées hier sont plus que des postes en moins. Elles modifient le coeur même du travail journalistique à TVA.
Deux caméramans sur trois abolis en région.
Des journalistes qui n’ont plus d’équipe technique.
Des reportages où l’on doit tout faire seul : filmer, monter, écrire, produire.
Des stations régionales incapables de soutenir une couverture minimale.
C’est toute une chaîne de production qui s’effondre, pendant que TVA Sports, elle, continue d’absorber des centaines de millions de perte... au nom du hockey et du Canadien de Montréal.
Dans tous les bureaux, les employés expriment la même honte silencieuse : comment un groupe qui se dit protecteur du monde médiatique québécois peut-il sacrifier autant de travailleurs pour préserver une chaîne sportive déficitaire depuis dix ans ?
Les paroles de Péladeau n’aident en rien. Dire « on va trouver les solutions » alors que :
TVA Sports perdu plus de entre 250 et 300 millions de dollars depuis sa création.
L’entreprise a aboli près de un millier d’emplois depuis 2023 ;
La part de marché des jeunes en sport est tombée à 9,9 % ;
L’action de Groupe TVA se retrouve sous la barre du dollar ;
Le modèle télévisuel linéaire s’écroule partout en Amérique du Nord…
La réalité est que les employés ont l’impression d’être sacrifiés pour financer un prestige "corporat"e. Une chaîne qui ne survit que parce qu’elle diffuse la marque la plus puissante du sport québécois : le Canadien de Montréal. Et même cela ne suffit plus.
L’autre absurdité, celle qui touche le public, c’est l’éclatement complet des droits de diffusion.
Pour suivre le CH l’an prochain, un fan devra s’abonner :
À RDS pour les 45 matchs régionaux ;
Possiblement à Crave pour 10 à 15 autres ;
À TVA Sports pour les matchs nationaux?
Et peut-être à Club Illico+, si Québecor réplique la stratégie de Bell. (RDS-Crave)
Sans oublier Amazon Prime qui va avoir des matchs.
Quatre abonnements. Des factures cumulées qui explosent. Et un sentiment d’arnaque complet pour les téléspectateurs.
Si TVA Sports devait disparaître demain, le modèle serait encore complexe, mais moins éclaté. Si TVA Sports devait être vendu à Rogers, comme plusieurs le suggèrent dans l’industrie, la structure deviendrait au moins cohérente.
Mais en ce moment ?
C’est le chaos.
Les employés ne sont plus capables
Ce qu’on entend partout dans les corridors, c’est la même phrase :
« On n’est plus capables. »
Plus capables de vivre avec l’incertitude.
Plus capables d’endurer les coupures répétées.
Plus capables de voir TVA Sports brûler l’argent qu’on coupe ailleurs.
Plus capables de voir leur patron sourire pendant qu’eux remplissent des boîtes.
À l’interne, l’image du sourire de PKP à La Joute est déjà un symbole. Le symbole d’un fossé devenu impossible à traverser entre la direction et ceux qui tiennent la caméra, montent les reportages, ou couvrent les conférences de presse en région.
Hier, 87 personnes ont perdu leur emploi.
Des pères. Des mères. Des gens qui n’avaient rien fait de mal.
Pendant ce temps, le patron affirme être confiant pour l’avenir de TVA Sports.
C’est peut-être là la douleur la plus profonde : ce réseau est maintenu en vie par ego, pendant que ceux qui ont fait de TVA un média national sont traités comme des lignes budgétaires effaçables.
Le sourire de PKP n’était peut-être pas mal intentionné. Mais il a confirmé ce que trop d’employés ressentaient déjà :
Le décalage entre la réalité des travailleurs et les ambitions de la direction n’a jamais été aussi immense.
La misère des riches... et des pauvres...
