Le cauchemar de Félix Séguin prend une tournure insoutenable alors que les Canadiens de Montréal s’accrochent à la dernière place donnant accès aux séries éliminatoires.
Pour la première fois depuis 2017, les amateurs pourraient enfin revivre une vraie ambiance de séries à Montréal. Pas une bulle pandémique, pas un tournoi à huis clos, mais de véritables matchs de printemps dans le vacarme du Centre Bell.
Et pourtant, dans cette euphorie grandissante, un homme vit peut-être les semaines les plus sombres de sa carrière.
Félix Séguin, descripteur principal à TVA Sports, se retrouve au centre d’une tempête médiatique et professionnelle sans précédent.
Alors qu'Amazon Prime s'apprête à redéfinir le paysage télévisuel sportif au Québec avec la diffusion en français des matchs de la LNH dès 2026, l'équilibre fragile de la carrière de Séguin est sur le point de basculer.
L’homme qui croyait pouvoir devenir la voix du hockey moderne au Québec est maintenant dominé par l’ombre d’une autre voix, une voix que le Québec n’a jamais cessé d’aimer : celle de Pierre Houde.
Depuis qu’il a quitté RDS en 2014 pour rejoindre TVA Sports, Félix Séguin espérait enfin sortir de l’ombre du mythique Houde.
Il voulait ses propres ailes, son propre style, son propre public. Mais à TVA Sports, ces ailes ont été coupées dès le départ par des décisions de direction, une image de marque floue, et une incapacité chronique de la chaîne à gagner le cœur des amateurs.
Pire encore, TVA Sports s'est enlisée dans une crise financière profonde, accumulant près de 300 millions de dollars de pertes.
Cette réalité fragilise chaque employé de la chaîne, mais pour Félix Séguin, elle devient carrément une question de survie professionnelle.
La fermeture prévue de TVA Sports en 2026 coïncide avec l'arrivée des grands joueurs du streaming : Amazon Prime, avec ses droits exclusifs sur les matchs du lundi, et HABS TV, la future plateforme qui sera lancée par Geoff Molson pour diffuser les matchs du Canadien.
Le virage est déjà amorcé, et ceux qui ne s’adapteront pas seront laissés derrière.
Pour Séguin, la situation est critique. Il n’a plus de filet. Aucune garantie d’être recruté par RDS, qui a le bonheur d'avoir Pierre Houde et d'avoir l'assurance d'avoir une cinquantaine de matchs régionaux du CH lors du prochain contrat.
Aucune promesse d’être choisi par Amazon Prime pour devenir la voix francophone du hockey. D'autant plus que Pierre Houde, que certains imaginaient proche de la retraite, vient de réaffirmer sa présence, lui qui envisage de faire le saut vers Amazon avec son complice de RDS même si les deux n'en parlent pas.
Le public en rêve. Les réseaux sociaux le réclament. Pour Félix Séguin, c’est un cauchemar sans fin.
Il doit livrer la saison de sa vie. Mais le contexte est hostile. Sa chaîne est boycottée, ses patrons sont sur la défensive, et les fans attendent la moindre erreur pour le crucifier en ligne.
Les messages sont souvent cruels :
« On espère qu’il perde sa voix, juste pour entendre Sébatien Goulet (son remplaçant). »
« Séguin n’a jamais été à la hauteur ».
« Pierre Houde le mange au petit déjeuner».
Pendant ce temps, les réactions envers Pierre Houde sont pleines d’affection. C’est cette comparaison constante, presque injuste, qui finit par étouffer Félix Séguin.
Il faut aussi comprendre que le style de Séguin, plus direct, plus neutre, ne résonne pas aussi fortement dans l’imaginaire collectif qu’un Pierre Houde au verbe riche.
Le public a ses goûts, souvent irrationnels, mais terriblement puissants. Et quand le vent tourne, il est presque impossible de le renverser.
Séguin l’a lui-même reconnu : les critiques constantes sont épuisantes. Dans une entrevue poignante accordée à La Presse, il avait confié ouvrir Twitter (maintenant X) le matin avec angoisse, redouter ce qu’il allait lire.
« Il y a des jours où je ne suis pas capable d’aller voir ce qui se dit sur les réseaux sociaux. »
Dans cette entrevue, Félix Séguin se livre avec une rare transparence sur les difficultés mentales, émotionnelles et professionnelles liées à son rôle de descripteur à TVA Sports.
Il parle ouvertement de la toxicité des réseaux sociaux, du poids des attentes, et de sa relation compliquée avec la perception du public québécois. À travers ses propos, on comprend que sa réalité est bien plus lourde qu’on pourrait l’imaginer.
Il sait qu’il est dans une position où le pardon est rare. Il sait que la simplicité de sa voix ne fait pas le poids face à la nostalgie que les fans éprouvent pour RDS. Et il sait que cette saison est sa dernière cartouche.
« Je suis conscient qu’on me juge à chaque mot. »
Il doit être parfait. Chaque match. Chaque soir. Pas le droit à l’hésitation. Pas le droit à l’écart. Pas le droit à l’humain.
« Je sais que je suis très polarisant. »
Et pourtant, il l’est, humain. Il ressent la pression. Il ressent le rejet. Et il ressent, chaque jour un peu plus, que le Québec n’a jamais voulu là où il est.
« Je ne fais pas ce métier-là pour être populaire. »
Et comme si ce contexte n'était pas déjà invivable la perspective que les séries éliminatoires reviennent enfin à Montréal vient ajouter une tension supplémentaire.
Car cette fois, l’exclusivité des droits francophones appartient à TVA Sports. Ce sera donc Félix Séguin, et non Pierre Houde, qui décrira le moment que le Québec attend depuis sept longues années.
Un privilège qui, au lieu d’être une récompense, pourrait devenir un piège cruel. Car si la prestation de Séguin ne satisfait pas le public en séries, la condamnation sera foudroyante.
« Je n’ai jamais prétendu être Pierre Houde. »
« Il y a une partie du public qui ne me donnera jamais une chance. »
On le voit déjà sur les réseaux sociaux : des fans expriment leur tristesse de ne pas entendre Houde pour ce retour historique.
D’autres menacent de regarder les séries en anglais ou sur d’autres plateformes. D’autres encore se contentent de pleurer le bon vieux temps de RDS.
Pendant ce temps, Séguin se prépare à décrire les matchs les plus importants de l’équipe en une décennie, tout en sachant que le Québec ne l’attend pas avec enthousiasme... mais avec suspicion.
Alors oui, cette saison est une fênête pour les partisans du Canadien. Mais pour Félix Séguin, c’est un cauchemar éveillé. Une épreuve de chaque instant. Un parcours sur un fil de fer, sans réseau de sécurité.
Et pendant que le Québec vibre à l’idée de revoir le CH en séries, lui se bat pour sa place, sa dignité, sa carrière.