Retour de Phil Danault à Montréal: Kent Hughes sans pitié

Retour de Phil Danault à Montréal: Kent Hughes sans pitié

Par David Garel le 2025-10-30

Phillip Danault traverse à Los Angeles la période la plus sombre de sa carrière.

Mardi soir, dans une victoire pourtant convaincante de 4 à 3 contre les Sharks de San Jose, le Québécois n’a obtenu que deux présences en troisième période.

À peine trente-neuf secondes de glace dans le dernier tiers pour un joueur censé être le centre défensif modèle de Jim Hiller. Un message clair, brutal, humiliant : le vétéran de 32 ans est officiellement tombé dans les mauvaises grâces de son entraîneur.

Ce n’était pas une question de blessure. Hiller l’a confirmé avec une froideur sans pitié : « décision d’entraîneur ». En clair, Danault ne répond plus aux attentes. Et c’est là que tout bascule : celui qui était venu à Los Angeles pour prouver qu’il pouvait être plus qu’un simple centre défensif devient peu à peu l’ombre de lui-même.

Dix minutes de jeu au total, un rôle marginal sur le power play, et surtout, une perte évidente de vitesse. Ce n’est plus le même Danault.

Il faut se souvenir de l’euphorie de l’été 2021. Danault quittait Montréal sur un sentiment d’injustice et de revanche. Il avait été l’un des piliers du parcours du Canadien en séries, étouffant Auston Matthews, Mark Stone et tous les gros canons adverses pour se rendre en finale de la Coupe Stanley.

Il voulait plus de responsabilités offensives, plus de reconnaissance, plus de respect. Les Kings lui ont offert tout cela : un contrat de six ans, 5,5 millions par saison, et une promesse de top 6.

Mais quatre saisons plus tard, le rêve d'Hollywood s'écroule devant nos yeux. Son premier exercice à Los Angeles avait été prometteur (27 buts, 51 points). 54 points la deuxième année, 47 la troisième, 43 la quatrième… et cette saison, rien. Zéro but après onze matchs, trois passes, un rendement effacé.

La courbe est claire : Danault a « fell off the cliff », comme le disent les anglophones. Le joueur complet est devenu un plombier de luxe.

Mais dans le fond, il a toujours été un plombier. 

Aujourd’hui, il est troisième centre, derrière Anze Kopitar et Quinton Byfield. Et quand Hiller veut injecter de l’énergie ou protéger une avance, il ne fait même plus appel au Québécois.

Il a perdu sa place sur l'avantage numérique, alors que même s'il est officiellement sur la 2e unité, il ne joue tout simplement pas avec l'avantage d'un homme. Il est moins impliqué à cinq contre cinq, et ses chiffres avancés chutent.

Le même constat qu’à Montréal : bon joueur défensif, incapable de générer de l’attaque.

Et selon le coach des Kings, Danault n'est même plus aussi efficace défensivement... au point de lui faire réchauffer le banc contre la pire équipe de la LNH pour protéger l'avance d'un but. Ouch.

Depuis quelques jours, une nostalgie artificielle s’empare de certains médias montréalais. On évoque Danault comme solution miracle au problème du deuxième centre.

Jack Han, ancien adjoint dans la Ligue américaine et expert en statistiques avancées, a même lancé sur The Sick Podcast l’idée d’un retour du "plombier prodigue" à Montréal. Comme si Kent Hughes devait reculer de quatre ans pour apaiser les regrets d’une époque révolue.

L’idée est séduisante sur le plan sentimental, mais elle ne tient pas debout. D’abord parce que le Canadien n’a pas besoin d’un autre centre two-way. Oliver Kapanen remplit déjà ce rôle et on le prend 1000 ans avant Danault.

Ensuite, parce que le centre des Kings, à 5,5 millions jusqu’en 2027, représente une lourde dépense pour un joueur qui ne produira plus.

Montréal cherche de la vitesse, de la créativité, un centre capable de compléter Demidov, pas un centre défensif avec des mains dans le béton.

Et puis, il y a le temps. Danault aura 33 ans en février. Il n’est plus le joueur rapide, agressif et énergique de 2021. Sa lecture de jeu demeure excellente, mais son corps ne suit plus. Imaginer Danault tenter de suivre le rythme de Demidov relève du fantasme.

Les Kings sont à la croisée des chemins. Leur noyau vieillit, Kopitar approche la fin, lui qui prendra sa retraite l'été prochain et le DG Ken Holland veut remodeler le centre de l’organisation.

Son objectif : plus de punch offensif, quitte à sacrifier un peu de stabilité défensive. Danault, dans ce contexte, devient un luxe superflu.

C’est la logique froide du hockey moderne : un joueur fiable mais lent devient vite un frein à la transition. Le coach Hiller veut du mouvement, des relances rapides, de la créativité. Danault offre du positionnement, du contrôle... et de la plomberie. Le décalage est évident. Et à 5,5 millions, ce genre de profil devient difficile à justifier.

Le message du coach mardi soir, le clouer au banc, n’était pas un simple avertissement : c’était le signal que les Kings sont prêts à passer à autre chose.

Dans les coulisses, on entend déjà que Danault pourrait être mis sur le marché si le club glisse au classement. Pas parce qu’il est mauvais, mais parce qu’il ne correspond plus à la direction du projet.

Il faut aussi mesurer la dimension humaine. Danault et sa famille ont été directement touchés par les feux de forêt qui ont ravagé la région de Los Angeles la saison dernière. Il en a parlé publiquement : cendres dans la cour, air irrespirable, inquiétude constante pour ses enfants.

Dans ce contexte, le hockey passait au second plan. Sa tête était ailleurs, partagée entre la sécurité de sa famille et la pression d’un rôle qui s'efface.

Mais cette saison, il n'a aucune excuse pour "choker" de la sorte.

Pour un joueur aussi sensible et attaché à la stabilité, sa situation californienne devient lourde.

Ce n’est plus l’euphorie du soleil et du glamour : c’est l’usure du quotidien, la distance avec le Québec, l’impression d’être oublié dans un marché sans passion... qui ne veut plus de lui...

Ce qui est encore plus cruel? Celui qui avait poussé Danault vers la sortie à Montréal, Marc Bergevin, est toujours en poste à Los Angeles.

Même s’il n’a plus le dernier mot, il reste conseiller influent. Danault n’a jamais digéré cette cohabitation. À Montréal, il s’était senti étouffé par Bergevin ; à Los Angeles, il le côtoie encore. C’est un poids invisible, mais réel. Plusieurs proches affirment qu’il n’a jamais été à l’aise avec cette dynamique.

C’est aussi ce qui alimente les rumeurs de retour : fuir Bergevin, retrouver un environnement familier, boucler la boucle. Mais le hockey n’est pas une thérapie. Kent Hughes ne bâtira pas une équipe pour réparer les traumatismes du passé.

Tout indique que Danault entre dans la dernière phase de sa carrière. Il lui reste deux saisons incluant celle-ci, mais son rôle risque de se réduire jusqu'à disparaître complètement.

S’il ne redresse pas la barre, il sera vite perçu comme un vétéran de soutien, bon pour encadrer des jeunes ou combler un troisième trio ou quatrième trio  dans un marché secondaire. Peut-être finira-t-il comme spécialiste défensif dans une équipe en quête d’expérience, mais plus comme élément central.

À 33 ans, c’est la réalité : la LNH ne pardonne pas. Le corps ralentit, le hockey change, et les entraîneurs privilégient la vitesse et la production. Le hockey des Kings n’a plus besoin de ce genre de centre de soutien.

Et le hockey du Canadien de Montréal encore moins. Kent Hughes ne veut rien savoir de Phillip Danault. Pour lui, le dossier est classé. Il n’y a pas d’intérêt, pas de discussion, pas même de curiosité polie.

Le directeur général du Canadien considère que ramener Danault serait un recul, une perte de cap salarial et une contradiction complète avec la vision qu’il impose depuis trois ans : bâtir une équipe rapide, offensive, capable de générer de l’attaque à chaque présence.

Ramener Phillip Danault à Montréal serait un recul. Un geste émotif, pas stratégique. Le Canadien a enfin entamé sa transition vers un jeu de possession et de créativité. Tout pointe vers une génération qui veut imposer le tempo, pas le subir. Danault appartient à une autre époque.

Oui, il a été un modèle. Oui, il mérite le respect. Mais l’heure est venue d’accepter que le cycle est terminé. Ce n’est plus le Phil des séries 2021, celui qui souriait en étouffant Matthews et Tavares.

C’est un vétéran fatigué, perdu entre deux mondes, qui se bat pour rester pertinent dans une ligue qui rajeunit sans pitié.

Ouch.