Pensées pour Patrick Lagacé: cauchemar pour Cogeco

Pensées pour Patrick Lagacé: cauchemar pour Cogeco

Par David Garel le 2025-03-05

La radio parlée à Montréal vient de vivre un séisme.

Une journée qui restera gravée dans les annales du marché radiophonique québécois.

Pour la première fois depuis des années, le 98,5 FM n’est plus la fréquence la plus écoutée à Montréal.

Le bastion médiatique de Cogeco, qui dominait sans partage sous le règne de Paul Arcand, voit son empire s'effondrer sous la pression d'ICI Première.

La station publique n’est plus un simple concurrent lointain, elle est désormais un adversaire de taille, un prétendant sérieux au trône.

Pour Patrick Lagacé, c’est un cauchemar éveillé. Il s’était préparé à des comparaisons avec Arcand, mais il ne s’attendait certainement pas à voir son propre auditoire fondre comme neige au soleil. Il reste en tête… mais de justesse.

Son émission Lagacé le matin est toujours numéro un avec 55 500 auditeurs à la minute en moyenne. Mais la menace est évidente: Patrick Masbourian, son rival direct sur ICI Première, n’est plus qu’à une courte distance avec 52 900 auditeurs.

Pire encore, là où Arcand rassemblait 78 000 fidèles l’année précédente, Lagacé a perdu plus de 10 000 auditeurs en quelques mois. Un chute inquiétante qui donne des sueurs froides à Cogeco.

Si le 98,5 FM continue d’être un poids lourd de la radio montréalaise, son déclin est indéniable. En un an, la station a perdu près de 5 points de parts de marché, passant de 23 % à 18,2 %.

Le choc est brutal : pour la première fois, le 98,5 FM et ICI Première font jeu égal. Radio-Canada n’a jamais été aussi proche de s’emparer du sommet.

Julie-Christine Gagnon, directrice des programmes du 98,5 FM, tente de minimiser l’impact de ces chiffres.

« On s’attendait à ce que ce soit plus serré avec le départ de Paul [Arcand]. Maintenant, est-ce qu’on est inquiets ? La réponse, c’est non. Je suis contente des résultats d’aujourd’hui. On a réussi un tour de force en renouvelant l’auditoire », martèle-t-elle. Mais au sein de Cogeco, la fébrilité est évidente.

Car au-delà des justifications, la réalité est brutale : la grille du 98,5 FM ne domine plus comme avant. Là où, autrefois, la station trônait seule au sommet, elle se retrouve aujourd’hui avec une seule émission dans le top 15 des plus écoutées, alors qu’ICI Première en place dix. Une bascule lente, mais irréversible ?

Du côté de Radio-Canada, l’enthousiasme est total. « Si la tendance se maintient », ICI Première pourrait dépasser le 98,5 FM dès le printemps prochain.

Une situation qui aurait semblé impensable il y a quelques années, mais qui s’explique aujourd’hui par une combinaison de facteurs : le départ de Paul Arcand, une programmation en forte progression, et surtout, une montée en puissance des matinales publiques.

Les audiences parlent d’elles-mêmes : Tout un matin avec Patrick Masbourian ne cesse de gagner du terrain. De plus, les émissions qui suivent, comme Dessine-moi un matin, Pénélope ou encore Midi Info, ont consolidé leur domination sur des créneaux clés.

L’essor de la radio publique repose sur un principe simple : fidéliser les auditeurs en leur offrant une continuité tout au long de la journée.

Le 98,5 FM n’est plus l’empire incontesté qu’il était sous Paul Arcand. La chute, amorcée lentement, commence à prendre de la vitesse.

Le problème de la station ne repose pas seulement sur la perte d’un homme, mais sur un ensemble de décisions stratégiques qui n’ont pas su convaincre l’auditoire.

Patrick Lagacé, malgré son expérience et son bagage médiatique, ne fait pas l’unanimité. Contrairement à Arcand, qui inspirait une autorité naturelle et un respect unanime, Lagacé divise.

Son style plus polarisant et son ton parfois condescendant ne plaisent pas à tous. Pire encore, il traîne derrière lui une réputation qui ne joue pas en sa faveur : plusieurs auditeurs l’associent aux controverses internes du 98,5 FM, notamment les départs controversés de Pierre-Yves McSween et MC Gilles, deux voix appréciées qui ont été sacrifiées dans un remaniement brutal.

Cette accumulation de mauvais choix a conduit à une rupture progressive entre le 98,5 FM et son public. Les auditeurs se lassent.

 Là où Arcand maintenait un lien fort avec son auditoire en incarnant une forme de neutralité journalistique, Lagacé, lui, est perçu comme appartenant à un cercle fermé, un "country club médiatique" où seuls les initiés ont leur place.

Son ton moralisateur et ses prises de position tranchées en font un animateur que l’on écoute par habitude plus que par véritable attachement.

Mais le problème du 98,5 FM dépasse Lagacé. La station s’est embourgeoisée. Elle a perdu de sa capacité à capter l’attention des gens ordinaires, à parler aux travailleurs matinaux, aux citoyens du quotidien. ICI Première, de son côté, a su tirer parti de cette faille.

En misant sur une grille cohérente, une approche moins sensationnaliste et des animateurs en phase avec leur public, Radio-Canada est en train de s’imposer comme une alternative crédible.

Et pendant ce temps, le 98,5 FM accumule les faux pas. Après avoir congédié des figures populaires comme Pierre-Yves McSween et MC Gilles, après avoir échoué à combler le vide laissé par Arcand, après avoir misé sur des animateurs qui peinent à faire vibrer le public, la station s’accroche à son passé glorieux au lieu de se réinventer.

Le prochain sondage Numeris sera un test décisif. Si la chute se poursuit, le 98,5 FM pourrait perdre son trône pour de bon. Et Patrick Lagacé, lui, pourrait bien en être le symbole.

Dans une industrie où l’auditeur est roi, rien n’est jamais acquis. Le public a commencé à tourner la page. La question est de savoir si le 98,5 FM aura la capacité – et le courage – de suivre le mouvement avant qu’il ne soit trop tard.

Pendant que le 98,5 FM se bat pour défendre son trône, une autre station tente de se frayer un chemin dans cet échiquier orageux : le 99,5 FM, qui diffuse le contenu de QUB Radio.

Mais la tentative d’implantation de Québecor dans l’arène radiophonique montréalaise tourne au fiasco.

Avec à peine 2,1 % des parts d’écoute, le 99,5 FM est un échec cuisant. Malgré les noms médiatiques forts alignés par Québecor – Mario Dumont, Benoit Dutrizac, Richard Martineau, Sophie Durocher –, la station ne parvient pas à briser le duopole formé par le 98,5 FM et ICI Première.

Le parallèle avec TVA Sports est inévitable : une stratégie agressive, un marketing omniprésent, mais une incapacité à réellement s’imposer face aux géants déjà bien établis.

QUB Radio rêvait de faire trembler Montréal. Pour l’instant, elle reste une station marginale, peinant à trouver sa place dans un marché déjà saturé.

Le problème auquel fait face le 98,5 FM aujourd’hui est simple : il ne peut plus faire marche arrière. La retraite de Paul Arcand a bouleversé l’équilibre de la radio parlée à Montréal, et personne n’a encore réussi à prendre sa place. 

Personne n’aurait osé défier Arcand de cette façon. Tant qu’il était en poste, ICI Première restait loin derrière, et QUB Radio n’aurait jamais rêvé d’entrer dans la mêlée. Mais son départ a ouvert une brèche dans laquelle tous les compétiteurs tentent maintenant de s’engouffrer.

Patrick Lagacé, malgré son talent et son expérience, est en première ligne d’une bataille qu’il n’avait pas anticipée. Il ne suffit pas de remplacer Paul Arcand pour maintenir une domination écrasante.

Les auditeurs changent, les habitudes évoluent, et l’attachement à une station repose autant sur son identité que sur ses animateurs.

Le cauchemar continue pour Lagacé : il est pris entre deux feux. D’un côté, ICI Première gagne du terrain et menace de lui arracher le sommet. De l’autre, même si le 99,5 FM est un échec pour l’instant, l’entrée de Québecor sur la bande FM montre que le marché montréalais est plus compétitif que jamais.

Les prochains sondages Numeris, attendus au printemps, seront cruciaux. Si la tendance se maintient, le 98,5 FM pourrait perdre sa position de leader au profit d’ICI Première. Une défaite symbolique, mais aux conséquences lourdes.

Pour Patrick Lagacé, le défi est immense. Il ne s’agit plus seulement d’animer une matinale populaire. Il doit maintenant prouver qu’il peut être la locomotive du 98,5 FM, le point d’ancrage qui empêchera la station de sombrer. Mais une question demeure : les auditeurs lui laisseront-ils le temps d’y parvenir?

Car en radio, comme en hockey, quand la descente commence, elle est souvent difficile à arrêter.