Il y a encore un an, Martin St-Louis était vu comme le coach-poète, le philosophe du vestiaire, celui qu’on écoutait pour mieux comprendre la vie et le hockey. Un mentor. Un guide. Un père spirituel pour une équipe de jeunes en transition. Mais cette époque est révolue.
En cette saison 2025-2026, Martin St-Louis entre dans une phase critique de sa carrière. Fini le développement, fini les excuses.
Le Canadien de Montréal fait maintenant partie des prétendants dans l’Association de l’Est. La reconstruction est derrière. L’avenir, c’est maintenant.
Et avec ce changement de statut vient une pression d’un tout autre ordre.
Le coach formateur doit devenir un coach gagnant.
Martin St-Louis a toujours été applaudi pour sa capacité à inspirer, à enseigner, à faire grandir les jeunes joueurs. Il a transformé Cole Caufield, redonné confiance à Nick Suzuki, fait exploser Lane Hutson, et même calmé le volcan Demidov, du moins en apparence. Il a insufflé une nouvelle culture à l’organisation.
Mais ce n’est plus suffisant.
Car le défi 2025-2026 est simple et brutal : il ne suffit plus d’être “dans le mix”. Il faut gagner.
Faire les séries ne sera pas une option. Passer une ronde non plus. Martin St-Louis devra démontrer qu’il est capable de mener une équipe non seulement talentueuse, mais aussi ambitieuse, à travers les embûches d’une saison où tout le Québec attend des résultats.
Il doit prouver qu’il n’est pas seulement un coach de formation, mais un coach de résultats. Un coach capable d’élever son groupe au niveau de la Coupe Stanley. Et ce genre de transition, dans la LNH, a brisé bien des carrières.
Le défi professionnel… et personnel...
Car derrière cette pression sportive immense se cache une réalité que bien peu osent nommer : Martin St-Louis est seul. Littéralement.
Depuis la grave blessure de son plus jeune fils Mason en 2024, sa conjointe Heather Caragol n’a jamais quitté le Connecticut.
Elle est restée au chevet de Mason, puis à ses côtés pendant sa réhabilitation, refusant de le laisser seul, même une journée. Une mère avant tout. Une lionne protectrice.
Une collision violente, banale en apparence, l’a laissé étendu au sol, inconscient. Transporté d’urgence à l’hôpital, le diagnostic est tombé comme une claque : enflure à la boîte crânienne, une complication neurologique rare, mais grave, provoquée par le choc.
Pendant plusieurs jours, sa mère a veillé à son chevet, incapable de quitter l’hôpital, incapable même de fermer l’œil. La situation était critique. Les médecins ont dû intervenir rapidement pour contenir la pression intracrânienne et prévenir les risques de séquelles permanentes.
Martin était bouleversé quand il a quitté subitement l'équipe pour retrouver sa famille. Il doit penser à ce moment à chaque fois qu'il la quitte à nouveau.
À chaque fin d'été.
Martin St-Louis reviendra bientôt à Montréal. Seul. Loin de ses trois fils. Loin de sa femme. Loin de ses repères. Chaque journée commence avec du stress et se termine dans le silence d’un appartement vide.
Ce n’est pas une anecdote. C’est la nature de sa saison. C’est le contexte humain dans lequel il devra faire ses preuves. Car jusqu’en 2027 au moins, Heather ne déménagera pas. Mason s’est engagé avec l’Université Dartmouth pour la saison 2027-2028, et Heather compte rester à ses côtés jusque-là.
Bref, il reste deux ans de séparation au couple.
En attendant, Martin compose avec l’éloignement. Avec l’absence. Et surtout, avec une pression décuplée : sa famille n’est pas là, mais toute une ville, elle, est là et exige des victoires.
Ce n’est pas un hasard si les dernières saisons ont été marquées par des signes de fatigue chez l’entraîneur. Des décisions tactiques parfois bornées. Une frustration parfois mal contenue envers les médias. Et cette phrase glissée, presque en murmurant, comme un cri du cœur :
« Quand ma femme est stressée, y’a pas beaucoup d’enthousiasme dans la maison… »
Mais justement : il n’y a plus de maison. Du moins, pas à Montréal.
Et ce déséquilibre intérieur doit être difficile à vivre dans le vestiaire. Souvent dans l'année, on sent St-Louis à bout émotionnellement. Et quand il est plus "bête" que d'habitude avec les médias, il doit paser à sa famille.
Le stress est partout. Dans ses yeux, dans sa voix, dans ses choix.
Le timing est cruel : son contrat prend fin en 2027. Pile au moment où sa femme pourrait le rejoindre à Montréal. Pile au moment où Mason partira à Dartmouth.
Mais pour que cette perspective soit réaliste, Martin doit survivre aux deux prochaines saisons. Et surtout à celle-ci.
Car si le CH échoue à faire les séries, ou s’il se fait éliminer sèchement au premier tour, Martin ne sera plus intouchable.
Il ne sera plus le génie pédagogique au discours inspirant. Il sera un coach incapable de gérer les égos, incapable de s’adapter à la pression, incapable de gagner.
Ce vestiaire n’a plus besoin d’un père spirituel. Il a besoin d’un stratège. D’un meneur de guerre. D’un entraîneur-chef qui sait comment gagner un match éliminatoire, pas juste comment remonter le moral d’un jeune.
Et c’est là le nœud du problème : Martin peut-il être cet homme, alors que son cœur est à des centaines de kilomètres?
Le vestiaire l’attend au tournant...
Cette saison, chaque joueur va forcer des décisions difficiles. Ivan Demidov veut jouer sur le premier trio ou sur la première unité d'avantage numérique.
Patrik Laine ne tolérera pas d’être rétrogradé du top 6 ou de la première unité d'avantage numérique. Slafkovsky est protégé politiquement. Et les partisans n’acceptent plus les justifications basées sur la jeunesse.
La marge d’erreur est nulle.
Et Martin St-Louis le sait. Il sait que son sort n’est plus entre ses mains. Il sait que s’il perd son vestiaire, il perd tout. Parce que la patience, à Montréal, est un capital politique qui s’épuise vite.
Et ce capital, il l’a déjà beaucoup dépensé. Encore plus maintenant que le CH est prêt à gagner.
Mais attention : Martin peut aussi gagner cette bataille. Il peut encore prouver qu'il est l'homme de la situation en tant que prétendant à la Coupe Stanley.
Il peut ramener ce groupe dans les séries. Il peut gagner une ronde. Il peut inspirer une épopée inattendue. Il a encore, au fond de lui, ce feu sacré.
Il a ses fils qui grandissent, loin des projecteurs, avec fierté. Il a sa femme qui l’attend, forte, fidèle, et admirative. Il a un vestiaire jeune, talentueux, explosif. Il a le soutien d’une ville qui veut y croire.
Mais il n’a plus le temps.
Pas pour expérimenter. Pas pour « former ». Pas pour « apprendre de ses erreurs ». Il doit livrer. Maintenant.
Et c’est ce qui rend cette saison 2025-2026 si déterminante. Parce que tout converge : la fin du contrat, le sacrifice familial, l’évolution du groupe, les attentes des partisans, la fatigue accumulée.
Martin St-Louis doit prouver qu’il peut être plus qu’un beau discours, plus qu’un coach de développement.
Il doit devenir ce qu’il n’a jamais été : un gagnant dans l’ombre, un leader sous pression, un général dans la tempête.