Pensées pour Joe Veleno et sa famille: il ne mérite pas ce traitement

Pensées pour Joe Veleno et sa famille: il ne mérite pas ce traitement

Par Marc-André Dubois le 2025-07-16

À peine l’encre de sa signature encore humide, Joe Veleno est déjà la cible des critiques les plus virulentes sur les réseaux sociaux. 

Le Québécois de 25 ans, fraîchement débarqué à Montréal avec un contrat d’un an à 900 000 $, se fait traiter de flop, de rejet, de plan Z désespéré d’une organisation qui n’a toujours pas trouvé son deuxième centre. X, Facebook, Reddit, Instagram : la sentence populaire est expéditive, et souvent cruelle.

« Un autre Québécois que personne ne veut. »

« Le gars n'a même pas pu se faire une place à Chicago. Il s’est fait racheter par Seattle et là, il revient nous hanter. »

« Veleno, c’est l’histoire classique du rêve brisé. On a déjà vu ce film-là. »

Et pourtant… Kent Hughes vient peut-être de signer une des meilleures aubaines de l’été.

Depuis le départ de Christian Dvorak, le Canadien n’a plus qu’un seul centre gaucher d’expérience : Alex Newhook. Et son efficacité aux mises au jeu (42,8 %) est loin d’être suffisante pour occuper ce rôle à temps plein. Tous les autres centres de l’organisation, Suzuki, Dach, Evans, Beck, Kapanen, tirent de la droite.

On s’entend : Joe Veleno ne remplacera pas Christian Dvorak. Il n’a pas la même expérience, pas le même sens du jeu défensif, ni la même efficacité au cercle des mises au jeu.

Dvorak était à 55,8 % l’an dernier, alors que Veleno n’a jamais franchi la barre des 50 % dans une saison. 

Le Québécois a maintenu un taux d’efficacité de 47,2 % sur les mises au jeu lors de la saison 2024-2025 avec les Red Wings de Détroit, puis un taux de 46,1 % après son passage chez les Blackhawks de Chicago.

Mais à ce prix-là, et dans un rôle réduit, c’est quand même mieux qu’un Alex Newhook forcé de jouer au centre. 

Dans un sport où les mises au jeu sur le côté fort peuvent déterminer une victoire ou une défaite en fin de match, le manque d’équilibre devient un véritable problème tactique. 

Un centre gaucher capable de tenir son bout dans le bottom 6, capable d’amener un peu d’échec avant, de jouer 12 minutes par match et de bousculer en zone neutre? Ça ne court pas les rues:

Joe Veleno comble ce besoin parfaitement.

À 900 000 $, le contrat de Veleno est non seulement raisonnable, mais il offre aussi une flexibilité complète. S’il est rétrogradé à Laval, il n’alourdira pas la masse salariale. Il ne coûte aucun actif. Il n’empêche pas les jeunes de progresser. Il crée une saine compétition.

Le parallèle avec Alex Barré-Boulet est évident : même âge, même statut québécois d’espoir fléchi, même désir de se relancer à petit prix dans une organisation qui laisse parfois une deuxième chance aux siens.

Barré-Boulet a "choké". On l'a envoyé à Laval, malgré son contrat garanti. On passe à autre chose tout simplement.

Ce contrat-là, c’est du zéro risque, tout potentiel.

On oublie souvent que Joe Veleno n’est pas un inconnu dans la LNH. Il a 306 matchs derrière la cravate. Il a survécu à Detroit, dans des rôles limités, sans jamais vraiment obtenir la confiance d’un coach pendant plus de deux mois consécutifs.

Ses stats? Modestes : 17 points en 74 matchs l’an dernier. Mais dans un rôle de quatrième centre, ce n’est pas déshonorant. Il est capable de contribuer offensivement, d’amener de l’énergie, de jouer en désavantage numérique. Et surtout, il est prêt à se battre pour sa place.

Comme Jakub Dobeš, qui a signé un contrat garanti de 965 000 $ par saison pour deux ans, Veleno devra prouver qu’il mérite sa place à Montréal. Rien ne lui est offert. Et il le sait.

Si cette signature est une bénédiction pour le CH en termes de profondeur, elle fait très mal à Owen Beck. Le jeune centre, qu’on disait prêt à se battre pour une place sur le quatrième trio, vient de voir un mur s’ériger devant lui.

Non seulement Veleno a l’avantage de l’expérience, mais il est gaucher, ce qui le rend plus précieux dans le casse-tête de Martin St-Louis. Beck est droitier. Il devra donc espérer une blessure ou une baisse de régime pour avoir sa chance.

Et il le sait : son nom a déjà circulé dans les coulisses d’une transaction avec les Islanders pour Noah Dobson. Montréal avait offert les choix 16, 17… et Owen Beck. Mais les Islanders ont préféré Emile Heineman. C’est dire à quel point Beck n’a plus la cote absolue d'amour à l’interne

Ce qui frappe, c’est la violence des réactions en ligne. Parce que Veleno n’est pas seulement un joueur. Il est un Québécois. Et ça, à Montréal, c’est une bénédiction autant qu’un fardeau.

On est traumatisé par les exemples récents de Québécois finis ailleurs, qui tentent de se relancer à Montréal sans succès. 

On l’oublie, mais Joe Veleno était un prodige. En 2015, il devenait le premier joueur québécois de l’histoire à recevoir le statut de joueur exceptionnel de Hockey Canada. Il entrait dans la LHJMQ à 15 ans, un exploit rare, partagé avec des noms comme Connor McDavid et John Tavares dans la OHL.

En 2018, tous s’attendaient à ce qu’il soit repêché dans le top 15. Il était classé 9e par McKeen’s, 10e par ISS, 13e par la Centrale de recrutement.

« Un joueur complet, visionnaire, avec une éthique de travail exceptionnelle. »

« Un centre deux sens avec un QI hockey de niveau élite. »

Mais à la surprise générale, il est tombé jusqu’au 30e rang, repêché par les Red Wings. Et depuis, il court après cette reconnaissance qu’il avait jadis obtenue trop tôt.

Pour Kent Hughes, ce n’est pas juste une signature fonctionnelle. C’est un geste logique. Montréal avait besoin d’un centre gaucher. D’un joueur pas cher. D’un gars avec quelque chose à prouver.

Mais c’est aussi un geste humain. Car Joe Veleno, c’est un enfant du West-Island (Kirkland), un petit gars du Québec même s'il est anglophone, un passionné du CH, qui revient là où il a toujours rêvé de jouer.

Et ce matin, alors qu’il lit les commentaires sur lui, il découvre à quel point ce rêve peut aussi virer au cauchemar.

Nos pensées accompagnent Joe Veleno et sa famille dans ce moment difficile. Parce qu’aussi banal que cela puisse paraître, signer un contrat avec l’équipe de son enfance devrait être une source de fierté, pas un déferlement de haine.

Il doit être extrêmement douloureux pour lui de voir une partie du public québécois réagir avec autant de mépris. Difficile d’être excité quand la moitié des commentaires souhaitent déjà ton renvoi. Veleno ne le dira peut-être pas publiquement, mais dans son cœur, il doit trouver ça profondément injuste.

Joe Veleno ne vient pas pour être un sauveur. Il ne vient pas pour faire oublier Suzuki, ni pour voler le poste de Dach. Il vient pour se battre. Pour survivre.

Et peut-être… pour renaître.

Alors avant de lui coller l’étiquette de flop, regardez le contrat. Regardez son profil. Regardez le contexte.

Et donnez-lui une chance.

Parce que cette signature, à 900 000 $, pourrait bien être la meilleure décision de l’été.