Il y a des départs qui passent inaperçus. Et puis il y a ceux qu’on sent venir comme une tempête. Celui de Patrik Laine à Montréal entre dans la deuxième catégorie.
Dès le bilan de fin de saison, les murmures étaient devenus cris. Les regards fuyants. Les réponses évasives. Et, surtout, cette impression partagée que le Finlandais n’était jamais vraiment à sa place.
Comme s’il avait emprunté un veston trop petit, incapable de bouger librement dans la culture du Canadien.
Jean Perron, fidèle à lui-même, n’a pas mâché ses mots : « Moi, je pense que Patrik Laine n’est pas le genre de garçon qui va aider à la culture du club de hockey Canadien. » Et pour une fois, personne n’a levé le sourcil.
Oui, Patrik Laine a aidé le CH. Oui, il a marqué des buts cruciaux. Oui, sans lui, le Canadien ne fait probablement pas les séries. Mais à quel prix?
L’homme aux déclarations controversées. L’ailier qui tire sur tout ce qui bouge, y compris dans les scrums médiatiques.
Celui qui, dans un vestiaire qui tente de se forger une nouvelle identité, a parfois donné l’impression d’en vouloir une complètement différente.
Ce n’est pas qu’il n’a pas produit. Il a inscrit 20 buts en seulement 52 matchs, dont 16 en avantage numérique, un sommet dans la LNH cette saison.
Son tir foudroyant a ressuscité une première vague moribonde. Il a permis au CH d’arracher plusieurs victoires à l’arraché. Il a été une bouée de sauvetage offensive quand l’équipe en arrachait.
Mais ce qu’il a apporté en attaque, il l’a souvent sabordé dans les coulisses. Ses commentaires sur Ovechkin, ses passes d’armes avec certains journalistes, ses regards jetés au plafond chaque fois que Martin St-Louis lui parlait tactique. À un moment, la corde casse.
Jean Perron, encore lui : « Non seulement il joue vraiment inférieurement à son talent, mais il fait des maudits commentaires de niais. »
Pas besoin de chercher plus loin.
On voulait de l’intensité. On a eu de l’attitude. On voulait un moteur offensif. On a eu une diva à mi-temps. On voulait un joueur inspiré. On a eu un gars qui donne l’impression de réfléchir à sa prochaine carrière dans le e-sport.
Et ce n’est pas une question de langue, ni même d’effort. Personne ne l’a accusé de tricher. Mais il n’a jamais épousé le projet du Canadien.
Il a été un mercenaire temporairement utile. Un outil de transition dans une saison où tout s’est joué sur le fil.
Kent Hughes a gagné son pari. Il est allé chercher un joueur au rabais, en difficulté à Columbus, et il l’a réanimé juste assez longtemps pour atteindre les séries.
Mais il savait dès le départ que ce n’était qu’un bail à court terme. Et ce bail, selon toute vraisemblance, se termine cet été.
Il reste une seule année au contrat de Laine. Une dernière chance de l’échanger sans trop de douleur.
Et surtout, une occasion de passer à autre chose. Oliver Kapanen cogne déjà à la porte. Joshua Roy peut remplir ce rôle en avantage numérique. Slafkovský a pris son envol. Demidov arrive.
La place de Patrik Laine, elle, se réduit à vue d’œil.
Jean Perron va plus loin : « Je pense que ce garçon-là… va retourner peut-être en Finlande… je ne pense pas qu’il a la tête pour [la LNH]. »
Peut-être que c’est un brin excessif. Peut-être que Laine aura encore une ou deux saisons dans le ventre.
Mais pas ici. Pas à Montréal. Et pas dans une équipe qui tente de construire une fraternité, pas une agence de vedettes capricieuses.
Patrik Laine a fait sa part. Il a marqué des buts importants. Il a offert du spectacle. Il a rempli le Centre Bell de « Olé Olé Olé! ». Il a même redonné un peu de vie à un powerplay anémique.
Mais le Canadien ne peut pas se permettre de construire une culture d’élite avec ce genre de distraction. Il faut penser à Lane Hutson, David Reinbacher, Logan Mailloux. Ces jeunes-là doivent grandir dans un environnement sain. Et sain, ce n’est pas exactement le mot qui collait à l’entourage de Laine cette saison.
Et puis, soyons honnêtes : son impact n’a jamais été palpable à 5 contre 5. Il a rarement généré des chances autrement qu’avec de l’espace. Et dans un système axé sur la pression et le support, il devenait invisible.
C’est la fin d’une collaboration étrange, mais pas inutile. Une parenthèse électrique dans une saison de progression.
Une étincelle temporaire qui aura permis au CH d’aller en séries. Un épisode de télé-réalité au cœur d’un documentaire sportif.
Merci pour les buts. Merci pour les frissons. Merci pour la contribution. Mais il est temps de tourner la page.
Et si jamais il retourne en Finlande, comme le suggère Perron, ce ne sera pas un exil. Ce sera un retour à la maison.
Un joueur libre. Un esprit libre. Mais pas fait pour Montréal
Et si son dernier lancer gagnant n’était pas dirigé vers un filet… mais vers sa propre liberté.
À suivre