Pendant des années, Patrick Roy a incarné l’intensité pure. L’homme était un volcan ambulant, un mélange d’orgueil brut, de passion dévorante, et d’autorité incontestée.
À Québec, chez les Remparts, il criait, benchait ses vedettes, terrorisait... mais gagnait. Au Colorado, il fracassait des baies vitrées avec son poing fermé, lançait des défis à Bruce Boudreau en plein match, et faisait trembler ses propres assistants.
Il était la tempête parfaite, celle que tu redoutes mais qui te fait progresser. Alors que s’est-il passé? Comment expliquer qu’aujourd’hui, à Long Island, on ait l’impression de voir un Patrick Roy… attendri, doux, résigné, presque anesthésié... comme s'il avait perdu toute son identité?
Les propos de Jonathan Marchessault sont venus confirmer ce que plusieurs craignaient déjà : le nouveau Roy, celui des Islanders, n’a plus rien à voir avec le monstre compétitif d’antan.
« Patrick n’était pas le même entraîneur avec moi qu’avec Zach (Bolduc) », a lâché Marchessault avec une franchise incroyable.
« Patrick était très dur avec moi durant mes quatre ans. Il me squeezait le plus possible pour avoir de la production. Il voulait me renforcer mentalement. Il était capable de me rentrer dedans. »
Et aujourd’hui? Plus rien de tout ça. Zéro émotion. Zéro exigence publique. Zéro feu. Zéro peur dans les yeux des joueurs.
Et c’est là que le Québec entier ne reconnaît plus Patrick Roy.
Celui qu’on appelait autrefois “Saint-Patrick”, celui qui criait comme un fou sur le banc des Remparts, qui lançait des chaises, qui démolissait ses gardiens publiquement pour les faire grandir, celui-là a disparu.
En trois semaines à Long Island, Roy est devenu un coach de peluche, un thérapeute de vestiaire, un guide bienveillant qui chuchote à l’oreille des gardiens désemparés au lieu de les secouer.
Et ce n’est pas une caricature : il l’a lui-même reconnu en parlant d'Ilya Sorokin, son gardien qui s'écroule depuis le début de la saison.
« Je n’ai pas fait ce que j’aurais dû faire avec Ilya. Shame on me. Je pensais qu’un gardien devait juste faire ses affaires. Mais je crois que j’ai des choses à lui partager… sur l’aspect mental du jeu. »
Patrick Roy se reproche de ne pas avoir été plus doux, plus compatissant, plus tendre.
Même les mots qu’il choisit maintenant sont à des années-lumière du Roy volcanique qu’on connaissait. Il parle de « compassion », de « soutien émotionnel », de « joie ». Il a dit de Sorokin qu’il devait « se sentir bien dans sa peau » et « avoir du plaisir ».
Et Dave Rittich, le gardien auxilliaire?
« Je n’ai pas de message à lui passer. C’est un pro. Il sait quoi faire. » Pas de tension. Pas de défi lancé. Pas de feu dans les yeux. Rien.
Patrick Roy est devenu un entraîneur qui s’excuse d’en demander trop à ses joueurs. Un entraîneur qui murmure des anecdotes de résilience au lieu de brandir des menaces de mise au banc.
Un coach qui parle de « faire sentir sa confiance » à Ilya, qui compare son propre corps de l’époque à un autobus (« big like a bus ») pour illustrer comment il booste la confiance de ses gardiens aujourd’hui.
Et pourtant… son équipe est 0-3. Trois défaites. Zéro point. Aucune séquence de révolte visible. Et toujours aucun mot plus haut que l’autre.
Le constat le plus lucide de toute cette transformation vient de Jonathan Marchessault, son ancien joueur vedette à Québec.
Et ses propos, livrés avec franchise, ne peuvent pas être ignorés :
« Patrick n’était pas le même entraîneur avec moi qu’avec Zach (Bolduc). Il était très dur avec moi pendant mes quatre ans. C’était un love-hate relationship. Après, j’ai compris pourquoi. Il voulait me rendre meilleur défensivement, me renforcer mentalement. Il m’a squeezé au maximum pour que je produise. Je l’ai compris plus tard. »
Marchessault décrit un entraîneur exigeant, presque brutal, mais dont les méthodes produisaient des résultats. Il raconte qu’après une victoire de 3-2 où il avait récolté deux buts et une passe, Roy l’avait humilié devant toute l’équipe
« Il m’a regardé et a dit que j’étais le pire joueur sur la glace. »
« Je pense que ça faisait partie d’une tactique pour me garder humble. Être humble, c’est de toujours garder la même attitude après une victoire ou après une défaite. »
Pourquoi ? Pour le garder alerte. Pour lui faire comprendre qu’après une victoire, il fallait rester “armé”. C’est ce Patrick Roy-là qui a formé l’un des joueurs les plus compétitifs de la LNH. C’est ce Roy-là qui a fait de ses joueurs... des gagnants...
Ce n’est pas ce Roy-là qui coache les Islanders aujourd’hui.
Dans sa conférence d’avant-match contre Edmonton, Roy ne dégageait rien de l’urgence d’un coach 0-3. Pas d’aboiement. Pas de défi lancé à ses leaders. Pas d’indice d’insatisfaction. Il a parlé de son jeune défenseur Matthew Schaefer comme d’un « jeune homme spécial » avec un « grand sourire », s’est dit « heureux pour lui » et a répété à quel point il était « impressionné par sa maturité ».
Même sur les dérapages défensifs de son équipe, Roy a botté en touche :
« Parfois, ça n’a rien à voir avec la structure. C’est juste un joueur qui pense pouvoir faire un jeu, puis ça rate. » Zéro remise en question. Zéro doigt pointé. Zéro intensité.
L’ancienne flamme qui bouillonnait chez Roy, celle qui faisait peur aux journalistes, aux adversaires, à ses propres assistants, s’est éteinte. Il est devenu ce qu’il aurait autrefois détesté : un coach qui ménage ses joueurs, qui relativise les échecs, qui protège les sensibilités avant de demander des comptes.
Et ce changement n’est pas simplement un repositionnement tactique. C’est un virage existentiel. Patrick Roy est peut-être, pour la première fois, en train de se convaincre que la douceur est plus payante que la dureté. Que l’amour est plus efficace que la peur. Que le confort psychologique est plus précieux que la brutalité émotionnelle.
Mais à 0-3, sans réaction visible dans le vestiaire, le pari semble déjà dangereux.