Pensées pour Patrick Lalime: il brise le silence sur les critiques

Pensées pour Patrick Lalime: il brise le silence sur les critiques

Par David Garel le 2025-11-05

Avant d’entrer en studio, Patrick Lalime ferme les yeux. Une inspiration. Une autre. Il tente de calmer cette tension qui monte avant chaque match, comme autrefois devant le filet.

Sous le costume impeccable du chroniqueur de TVA Sports se cache toujours l’ancien gardien, nerveux, hyperexigeant, rongé par la peur de décevoir. Et ces jours-ci, la pression n’a jamais été aussi forte.

Le verdict est tombé, et il est brutal : selon le journaliste Maxime Truman, les matchs du Canadien de Montréal n'atteignent pas le demi-million de téléspectateurs sur TVA Sports.

Même le match d'ouverture a attiré moins de 500 000 personnes pour une soirée qui, autrefois, faisait vibrer tout le Québec.

C’est un effondrement sans précédent. Une hémorragie d’audience qui symbolise à quel point le public a tourné le dos à la chaîne, et avec elle, à ceux qui la font vivre.

Sur les réseaux sociaux, c’est tout simplement cinglant. Des centaines de messages assassins :

« Je préfère un mal de dents à un match sur TVA Sports. »

« Félix Séguin n’a pas une voix pour décrire un match. »

« Lalime rit tout seul, on dirait qu’il ne regarde pas la même game. »

Chaque commentaire est une balle de plus dans le corps d’un réseau déjà à genoux.

Et pendant que tout le monde s’acharne sur Félix Séguin, figure la moins aimée de la description sportive québécoise, un autre homme encaisse en silence : Patrick Lalime. Car lui aussi, derrière son sourire, traîne des blessures invisibles.

Dans une entrevue avec Jean-Nicolas Blanchet, publiée dans le Journal de Montréal, Lalime s’est ouvert comme rarement sur ses angoisses et ses doutes.

Il y parle d’un stress constant, d’une recherche maladive de perfection et d’une peur profonde de mal faire.

« Je suis un stressé dans la vie. Donc je peux avoir l’air calme, mais ça pédale fort, comme un canard dans l’eau », confie-t-il.

Une image simple, mais dévastatrice : sous le calme apparent, les jambes battent frénétiquement pour ne pas couler.

Il raconte aussi ses débuts, les critiques, les soirs passés à relire ses notes et à se flageller mentalement.

« Je me rappelle, j’écrivais tous mes mots. Je cherchais toujours la chose parfaite à dire et ça me coinçait. C’était malsain », admet-il.

Les réseaux sociaux n’ont rien arrangé :

« Les premières années, j’allais sur Twitter. Je regardais ça et je me disais : “Tabarouette…” ». Il a fini par tout fermer. Par instinct de survie.

Ce que le public ignore, c’est à quel point le métier d’analyste est une course contre la montre.

« Dans une oreille, le producteur te parle. Dans l’autre, ton descripteur te parle. Et tu dois dire ton point en sept secondes », raconte-t-il.

« Des fois, ça ne sort pas comme tu veux… ».

Lalime, comme Séguin, vit sous le feu constant de la critique. Et pourtant, il ne triche pas. Il prépare, il répète, il s’améliore. Il fait ce qu’il peut dans un environnement où chaque mot devient un prétexte à la moquerie.

Le plus dur, c’est la comparaison avec Marc Denis. Lalime sait que chaque phrase, chaque silence, est jugé à dans l'ombre de l’analyste vedette de RDS. Il ne s’en cache pas :

« La comparaison sera toujours là. J’ai énormément de respect pour ce qu’il fait, parce que je sais c’est quoi. » Mais cette comparaison le ronge. Dans les salons québécois, on ne parle pas de ses analyses, mais de ses lapsus. On ne remarque pas sa préparation, mais ses fautes de français.

Cette réalité, il la partage avec Félix Séguin. Les deux hommes forment un duo solide, loyal, uni par la même passion du hockey et la même vulnérabilité.

Séguin, que beaucoup décrivent comme le visage de l’échec de TVA Sports, est devenu un bouclier pour Lalime :

« Il est incroyable, son français est impeccable. Il m’a tellement aidé », dit-il avec gratitude. Ce lien est réel. C’est ce qui les tient encore debout dans la tempête.

Mais depuis quelques semaines, même ce tandem semble s’effondrer sous la pression. Les audiences plongent, les insultes pleuvent, et la direction reste muette. Pour des gars comme eux, qui donnent tout, le silence est plus dur que les critiques.

Car c’est ça, le drame : ce ne sont pas des figures politiques, ni des vedettes arrogantes. Ce sont des hommes de hockey, des pères de famille, des passionnés.

Lalime vit à Trois-Rivières, proche de sa famille, entre deux douleurs physiques hérités de son passé de gardien de but (genou, dos, hanche, épaules) et un désir sincère de bien faire.

Séguin, lui aussi , a quitté les réseaux sociaux pour protéger sa santé mentale. Tous deux symbolisent aujourd’hui le prix humain du déclin de TVA Sports.

On les accuse d’incarner le problème, alors qu’ils en sont les victimes.

Car la vérité, c’est que TVA Sports ne parvient plus à livrer un produit compétitif. Pas à cause de ses employés, mais à cause d’une structure qui n’a pas suivi l’évolution du marché.

Toujours en 720p, avec une image vieillotte et un son compressé, la chaîne se bat contre Sportsnet qui diffuse en 4K, avec des caméras dernier cri, des ralentis parfaits et des analystes surpayés. Le public n’est pas cruel : il est lucide. Il compare, il zappe, il ne revient plus.

Oui. même les partisans les plus fidèles du Tricolore écoutent désormais le hockey… en anglais.

Le mot qui revient sur les réseaux : « catastrophe ».

TVA Sports est devenue un symbole de décrochage collectif. Et dans cette chute, c’est tout un réseau humain qui s’effrite.

Les techniciens, les recherchistes, les commentateurs, les analystes : tous vivent dans la peur du lendemain. La chaîne perd des abonnés, des annonceurs, et surtout la bienveillance du public.

Les pertes s’accumulent : près de 300 millions $ depuis sa création. Les revenus publicitaires fondent comme neige au soleil.

Et chaque mois, le fossé se creuse entre Pierre Karl Péladeau, qui continue d’injecter des millions par orgueil, et ses employés, qui paient le prix fort sur le plan humain.

Ce qui devait être le fleuron sportif de Québecor est devenu son gouffre.

Les chiffres de Maxime Truman ont agi comme une douche froide. Moins de 500 000 téléspectateurs. Moins de 500 000 personnes pour le seul produit encore capable de mobiliser la nation.

À une autre époque, le Canadien en rassemblait presque un million. Aujourd’hui, il fait fuir. Et le public ne se gêne plus pour le dire :

« Je suis fier de ma langue, mais TVA Sports, c’est devenu une punition. »

« Sportsnet, c’est Hollywood. TVA Sports, c’est PowerPoint. »

Ces phrases, aussi violentes soient-elles, traduisent un malaise profond. Ce n’est plus seulement une question de style ou d’habillage : c’est une crise de confiance.

Le public ne croit plus à TVA Sports. Il ne croit plus à Félix Séguin. Et, depuis peu, il ne croit plus non plus à Patrick Lalime.

Dans les couloirs de la chaîne, on sent la fatigue. Certains animateurs songent déjà à quitter, surtout que TVA Sports tente toujours de grapiller quelques match en français dans la nouvelle entente avec Rogers, mais alors que RDS a sécurisé 45 matchs du CH par année, il n'y a toujours aucune nouvelle du côté de TVA Sports.

La station n’a plus de bouclier. Elle est nue face au public. Et au milieu de tout cela, Lalime reste fidèle, courageux, malgré la douleur.

Quand il dit : « Je veux être le meilleur possible, j’y travaille beaucoup et je vais continuer de le faire », on sent le poids des années, la sincérité d’un homme qui ne joue pas un rôle.

Il veut bien faire. Il veut que les gens aiment son hockey. Mais comment garder la passion quand, soir après soir, on se fait démolir sur les réseaux ?

Ce que vit Patrick Lalime aujourd’hui, c’est le miroir du malaise TVA Sports. Un réseau né d’un rêve de grandeur, devenu prisonnier de ses propres ambitions.

Chaque semaine, les chiffres lui rappellent sa marginalisation. Chaque samedi, le public le juge sans pitié. Et chaque lundi, il revient au travail, anxieux mais fidèle.

Félix Séguin et Patrikc Lalime sont dans la même douleur. Deux hommes différents, deux destins liés par le même constat : à TVA Sports, on ne pardonne plus rien.

La vérité, c’est que ni Lalime ni Séguin ne sont le vrai problème. Ce sont des travailleurs honnêtes, passionnés, humains, jetés dans un système qui s’effondre.

Mais ce sont eux qu’on voit, eux qu’on critique, eux qu’on crucifie. Et pendant qu’ils encaissent, la chaîne se vide de son sens.

Si TVA Sports ferme dans les prochaines années, on dira que c’était une question d’économie. En réalité, ce sera une question de cœur brisé : celui de tous ceux qui, comme Patrick Lalime, ont donné leur âme à un micro que le public n’écoute plus.