Panique pour Martin St-Louis: Juraj Slafkovsky retrouve ses vieux démons

Panique pour Martin St-Louis: Juraj Slafkovsky retrouve ses vieux démons

Par Nicolas Pérusse le 2025-08-20

Le ciel s’assombrit encore une fois au-dessus de Juraj Slafkovsky.

L’ailier slovaque vient d’annoncer publiquement qu’il visait 65 à 70 points cette saison. Une déclaration qui aurait dû inspirer confiance. Mais à Montréal, elle sonne comme une alarme. Parce que Slafkovsky a toujours trébuché quand il a tenté de mesurer son succès en chiffres.

Depuis le jour où il a été repêché premier au total en 2022, Slaf traîne une étiquette qui pèse lourd.

Le choix était contesté dès le départ. Shane Wright présenté comme le choix « sûr », Logan Cooley comme le centre dynamique qui manquait au CH. Et au milieu de la tempête : Slafkovsky, colosse slovaque sorti de l’ombre, choisi à la surprise générale.

Montréal célébrait la loterie, mais la réalité est vite retombée. Ce n’était pas un premier choix « consensus ». Ce n’était pas McDavid, Matthews ou Crosby. C’était un pari. Et ce pari, trois ans plus tard, reste fragile.

Slafkovsky a déjà connu ses moments. Un tour du chapeau contre Philadelphie. Des séquences de sept matchs avec un point. Des flashs où il bousculait des vétérans comme s’il était né pour ça.

Mais chaque fois, ses débuts de saison racontent la même histoire. Invisible, maladroit, prisonnier de ses propres attentes. Puis un relâchement, un sourire retrouvé, et soudain la machine se met en marche. Résultat : deux saisons consécutives de 50 et 51 points. Correct. Mais pas suffisant pour un premier choix. Encore moins pour un joueur qui entre maintenant dans la première année d’un contrat massif.

Officiellement, Slafkovsky compte pour 7,6 M$ sur la masse salariale. Mais son salaire réel grimpe à 10 M$ cette saison. À 21 ans, il est payé comme une vedette avant même d’avoir livré une saison de 60 points.

Et ce genre de contrat change une perception à jamais. On ne regarde plus le joueur en développement. On n’attend plus la progression. On exige des résultats, chaque soir. Le moindre passage à vide devient un procès. Le mot « surpayé » est prêt à sortir à la première séquence sans but.

La comparaison qui revient sans cesse, c’est Mikko Rantanen. Même gabarit, même style, même profil de power forward. Et Rantanen, à 21 ans, a explosé. 84 points en 81 matchs.

Slafkovsky dit ne pas vouloir être le prochain Rantanen. Il veut être lui-même. Mais Montréal n’accepte pas ça. Pas avec un contrat pareil. Pas avec l’étiquette de premier choix. Il n’a plus le luxe d’être simplement « lui-même ». Il doit dominer. Tout de suite.

Et comme si ce n’était pas suffisant, sa propre nation ajoute une couche de pression. Slafkovsky est le premier choix au total de l’histoire du hockey slovaque. Dans un pays qui vit chaque succès de ses athlètes comme un triomphe national, il n’a jamais eu le droit à l’erreur.

Chaque absence avec l’équipe nationale est perçue comme une trahison. Chaque décision personnelle, comme le fait d’assister au mariage de Nick Suzuki plutôt qu’à une activité symbolique de la fédération, devient un scandale médiatique.

Des rumeurs sur sa vie privée circulent à la moindre mauvaise passe. Même sa famille est traquée. Sa sœur suivie à l’école, sa mère harcelée dans son propre gym. C’est un climat étouffant pour un jeune homme de 21 ans.

Puis est arrivée la flèche de David Pastrnak. Une bombe médiatique. « Il lui manque un peu d’humilité. Il devrait donner l’exemple aux plus jeunes. » Une phrase, mais un uppercut qui a résonné dans toute la Slovaquie. Pire encore, Pastrnak a cité Chara et Hossa, deux légendes slovaques, comme modèles à suivre. Pas des Tchèques. Des héros de sa propre nation.

L’attaque n’était pas seulement sportive, elle était culturelle. Et Slafkovsky s’est retrouvé une fois de plus isolé, accusé d’arrogance, incapable de se défendre sans envenimer les choses.

À Montréal comme à Bratislava, le récit est le même. Slafkovsky est coincé entre des attentes qu’il n’arrive pas à satisfaire et des critiques qui dépassent souvent l’entendement.

Kent Hughes et Martin St-Louis le savent : cette saison est un test de survie. S’il retombe dans ses vieux patterns, débuter la saison en surjouant, en accumulant les frustrations, il va replonger le Canadien dans le chaos.

Mais s’il réussit à briser le cycle, à oublier les chiffres, à transformer la douleur en carburant, il peut enfin redevenir ce que Montréal croyait repêcher en 2022.

Slafkovsky n’est plus un projet. Il n’est plus une promesse. Il est un joueur payé comme une superstar, jugé comme un symbole national, scruté comme une anomalie de repêchage. Et maintenant, il doit affronter ses plus grands adversaires : ses propres démons. Ceux qui l’ont déjà étouffé deux années de suite. Ceux qui l’ont empêché de prendre son envol.

À 21 ans, Juraj Slafkovsky est à la croisée des chemins. Soit il brise enfin le cercle vicieux et devient la star que Montréal attend. Soit il se noie encore une fois dans le miroir cruel des comparaisons, dans la tempête médiatique de son pays, dans la pression d’un contrat trop gros, trop tôt.

Et s’il échoue, ce ne seront pas les défenseurs de la LNH qui auront eu raison de lui.

Ce seront ses vieux démons.