Parfois, le rêve ne s’éteint pas d'un seul coup.
Il se dissout lentement, à coups de non-dits, de signaux contradictoires et de décisions déjà prises avant même que la saison commence. Pour Cole Caufield, c’est exactement ce qui est en train de se produire. Et c’est sans doute ce qui rend la chose encore plus cruelle.
Depuis quelques jours, l’information circule, se précise et se solidifie : la formation olympique américaine, qui sera annoncée le 2 janvier prochain, n'a pas sélectionné Cole Caufield.
Parce que le modèle de joueur que privilégie Bill Guerin, à la tête de Team USA, ne correspond tout simplement pas à ce qu’il voit chez Caufield.
Ouch. Tellement cruel.
La réalité, c’est que les dés étaient largement pipés d’avance. Le noyau dur de l’équipe américaine est pratiquement verrouillé depuis la Confrontation des 4 Nations. Auston Matthews, Matthew et Brady Tkachuk, Jack Eichel : intouchables. Autour d’eux gravitent des joueurs déjà identifiés comme « fiables » par le groupe d’entraîneurs dirigé par Mike Sullivan : Matt Boldy, Kyle Connor, Jake Guentzel, Dylan Larkin, J.T. Miller, Tage Thompson. Brock Nelson est en voie d’y entrer par la grande porte, porté par un style que Guerin adore : responsable, physique, discipliné, prêt à jouer sans rondelle.
Résultat : il reste à peine deux sièges dans l’avion. Et pour ces deux places, la compétition est féroce : Clayton Keller, Jason Robertson, Vincent Trocheck, Alex DeBrincat, Patrick Kane, Matthew Knies… et Cole Caufield.
Sur papier, Caufield devrait être un choix évident, surtout pour une équipe qui est passée à un but de gagner le Tournoi des 4 nations.
Il marque à un rythme d’élite, il est incroyable en prolongation, il est efficace en tirs de barrage, et il a prouvé qu’il pouvait changer l’issue d’un match avec une seule présence.
Mais aux yeux de Guerin, ce n’est pas suffisant. Ce qu’il répète en coulisses et maintenant ouvertement dans les médias, c’est que les Jeux olympiques ne sont pas un tournoi pour les joueurs « à sens unique ».
Il veut des gars capables de frapper, de tuer des punitions, de survivre dans des matchs étouffants contre le Canada ou la Finlande. Pas une équipe d’étoiles. Une armée.
Et dans cette vision très rigide, Caufield traîne encore une étiquette dont il n’arrive pas à se débarrasser.
L’épisode de Prague, lors du Championnat du monde 2024, continue de planer. À l’époque, Caufield était plus jeune, plus insouciant, et sa vie hors glace avait fait jaser.
Des rumeurs de soirées tardives, de distractions inutiles, de femme sur le party dans la chambre d'hôtel, d’un joueur distrait mentalement, avaient fait mal à son image. Rien de criminel. Rien d’exceptionnel non plus dans le monde du hockey. Mais pour Guerin, ça a laissé une trace marquée au fer rouge et une méfiance toxique.
Depuis, Caufield a changé. Radicalement. Il est beaucoup plus discret à l'extérieur de la glace, centré sur sa carrière. Son jeu sur 200 pieds s’est amélioré. Son implication sans la rondelle est plus constante. Mais dans l’esprit des dirigeants américains, il reste ce petit attaquant électrique… mais fragile dans les matchs lourds.
Et ce qui rend la situation encore plus dure à avaler, c’est le timing.
Les dernières semaines ont été mentalement éprouvantes pour Caufield. Il a appris, selon plusieurs sources, que son nom glissait dangereusement vers la colonne des « exclus ».
Certains autour de lui murmurent même que la nouvelle a littéralement plombé son début de congé des Fêtes. Parce que ce rêve olympique, il ne le prenait pas à la légère. Il le voulait. Vraiment. Il s’imaginait à Milan, avec le chandail américain, dans ce qui serait sans doute la plus grande vitrine internationale de sa carrière.
Mais quand il regarde la liste projetée par The Athletic, la claque est brutale. On parle sérieusement de laisser à la maison l’un des meilleurs marqueurs naturels de la LNH pour privilégier des profils plus « safe ». Plus rassurants. Moins explosifs.
C’est une immense déception. Et pas seulement sportive.
Mentalement, Caufield encaisse un coup dur. Parce qu’un joueur peut accepter d’être battu par meilleur que lui. Ce qui est plus difficile, c’est de sentir qu’on n’a jamais vraiment eu sa chance. Que peu importe ce qu’on fait sur la glace, la décision est déjà prise ailleurs. Dans une salle de réunion. Sur une grille d’évaluation figée depuis des mois.
C’est ici que le rôle de Martin St-Louis devient crucial. St-Louis connaît ce scénario. Il l’a vécu. Il sait ce que ça fait d’être jugé trop petit, trop spécialisé, pas assez « olympique ». Il sait aussi à quel point ce genre de rejet peut gruger un joueur de l’intérieur. S’il y a quelqu’un pour trouver les mots justes, pour remettre les choses en perspective, c’est lui.
Parce que la saison, elle, continue. Et le Canadien a besoin d’un Cole Caufield engagé, affamé, pas d’un joueur vidé par une décision politique qui le dépasse.
Oui, c’est triste. Oui, c’est injuste aux yeux de bien des observateurs. Mais c’est aussi la dure réalité du hockey international : ce n’est pas toujours le talent pur qui gagne. C’est le profil que le décideur a en tête.
Et pour Cole Caufield, le plus cruel dans tout ça, c’est peut-être de réaliser que son rêve olympique ne s’effondre pas à cause de son jeu… mais à cause de sa réputation de "party boy" qu’il n’arrive plus à corriger.
