Nos pensées accompagnent Pierre Houde et sa famille.
Un frère, un pilier, un homme debout dans la tempête.
Cette voix familière qui accompagne nos vies depuis plus de trois décennies. Cette figure rassurante du hockey, ce complice de nos soirs d’hiver, ce narrateur d’émotions qui a marqué la province. Et aujourd’hui, c’est lui qui a besoin qu’on soit là.
Dans une entrevue profondément bouleversante accordée à Marie-Claude Barrette dans le balado Ouvre ton jeu, Pierre Houde a révélé ce qu’il avait toujours gardé pour lui.
Pendant sept longues années, il a traversé la plus grande tempête de sa vie : une séparation douloureuse, le décès de son père, puis celui de son frère, Paul Houde.
Ce n’était pas une simple mauvaise passe. C’était un naufrage silencieux, vécu en coulisses, pendant que le Québec continuait de l’écouter décrire les matchs du Canadien avec passion et maîtrise.
Il l’a dit sans détour :
« Ç’a été, sur le plan personnel, extrêmement difficile, extrêmement lourd à porter. »
Et surtout :
« Ces sept années-là, j’ai été souvent à la dérive. Ça m’a demandé beaucoup de force intérieure. C’est un ensemble de facteurs qui m’ont permis de m’en sortir. »
Et tout à coup, le roc qu’on croyait invincible a craqué. Pas par faiblesse. Mais par force. Celle d’admettre qu’il souffrait. Qu’il pleurait. Qu’il avait mal. Et qu’il avait dû aller chercher de l’aide pour ne pas sombrer.
La douleur de Pierre Houde est d’une justesse bouleversante. Celle provoquée par la mort de son père a été brutale, presque physique.
« La mort de mon père a provoqué une douleur instantanée », a-t-il raconté.
« Un éclatement d’émotions. »
Mais pour son frère Paul, c’est autre chose. Sa disparition a été une peine douce, persistante, mais infinie. Un chagrin quotidien. Une absence qui s’installe dans les détails : une vieille chaîne de courriels qu’il regarde à chaque jour, une voix dans la mémoire, une présence impossible à remplacer.
« Pour Paul, c’est différent. C’est une peine quotidienne. Il n’y a pas de violence, mais c’est un chagrin quotidien. C’est un deuil quotidien. Ce sont des détails qui me manquent. »
Et même s’ils ne se voyaient pas souvent, même s’ils avaient des personnalités opposées — l’un plus introverti, l’autre toujours expressif — leur lien était indestructible.
Ils avaient grandi dans la même chambre. Partagé les mêmes nuits à rêver de radio. Construit, sans le savoir, deux carrières parallèles, nourries du même feu sacré.
« Paul imposait beaucoup. Il m’a souvent amené beaucoup de frustration parce que je trouvais qu’il n’y avait pas de place pour moi. »
Mais il a aussi confié avec émotion :
« Paul m’a aussi apporté beaucoup de repères extrêmement importants. Souvent, j’étais admiratif de ce qui le faisait tiquer, de ce qui le rendait passionné, et je réalisais souvent que j’avais la même passion. »
Ce témoignage, livré dans un moment d’intimité rare avec Marie-Claude Barrette, a remué tout le Québec. Parce qu’on aime Pierre Houde.
Parce qu’il fait partie de notre quotidien. Parce qu’il incarne l’excellence, la stabilité, la passion. Et parce que, dans ses mots fragiles, on a vu l’homme derrière la voix. L’être humain derrière le professionnel.
« C’était parfois très étroit. Il n’y avait pas assez d’espace pour nous deux. Parfois, ça créait des tensions. On avait deux personnalités très différentes. Paul était plutôt introverti, dans sa tête, dans sa bulle. Moi, ça sort tout de suite. Il y a eu de grands fous rires et on a bâti notre carrière là, sans s’en rendre compte. On était fascinés par la radio, la nuit. »
Et si le drame silencieux de Pierre Houde n’était pas uniquement extérieur ? Si, derrière les caméras, il vivait une guerre interne ? Parce qu’il faut le dire : Pierre Houde est aujourd’hui en compétition avec… Pierre Houde.
D’un côté, il y a l’homme public. Le monument. La voix officielle d’une génération. L’image d’un réseau qu’il a façonné depuis ses débuts. L’employé modèle. L’ambassadeur de RDS.
De l’autre, il y a l’homme privé. Celui qui doute. Celui qui a perdu ses proches. Celui qui est beaucoup plus fragile que l'homme si fort et si doué qu'on voit à la télévision.
Il reste là, professionnel, digne, fidèle. Mais tout dans son regard, dans ses réponses, dans ses silences, dit autre chose.
Le public avait déjà vu Pierre craquer en public, notamment sur le plateau de Tout le monde en parle, dans un moment de pure émotion.
Les larmes de Pierre n’étaient pas une performance. Elles étaient l’écho d’une douleur profonde, déjà partagée quelques semaines plus tôt.
Et c’est cette continuité-là, entre l’intime et le public, entre le studio et la scène, qui rend son parcours si touchant. Il n’a rien caché. Il a simplement été vrai.
En plus de tout ça, Pierre Houde ne pouvait même plus décrire les séries du Canadien, puisque RDS n’a plus les droits jusqu’en 2026. Un autre deuil, professionnel celui-là. Le Québec voulait l’entendre. Il n’était pas là. Et le vide s’est senti.
Aujourd’hui, on pense à lui. À Pierre Houde, l’homme. Pas le descripteur. Pas la voix. Pas la légende. L’homme.
Celui qui s’est battu pour garder la tête hors de l’eau. Celui qui a perdu trop de proches en trop peu de temps. Celui qui a osé dire que, parfois, il n’y a plus de carburant, plus de repères, plus de force.
Mais celui qui est toujours debout. Toujours digne. Toujours lumineux, malgré tout.
Pierre, le Québec est avec vous. Vous avez donné tant de beaux moments à un peuple passionné de hockey. Et aujourd’hui, c’est lui qui vous renvoie un peu d’amour. Un peu de lumière. Un peu de chaleur.