Nos pensées accompagnent Patrice Brisebois et sa famille

Nos pensées accompagnent Patrice Brisebois et sa famille

Par David Garel le 2025-08-19

Il y avait des larmes dans sa voix.

Assis face à Kevin Raphaël, dans le cadre du balado Sans restriction, Patrice Brisebois a fait ce que peu d’anciens joueurs osent faire à Montréal : il a raconté la vérité.

Pas la vérité froide des statistiques. Pas la vérité marketing d’un vestiaire policé. Non. La vérité brute. Celle qui fait mal. Celle qui laisse des cicatrices bien après la retraite.

Et cette vérité, c’est que Patrice Brisebois a été détruit à petit feu par le regard des siens. Par Montréal. Par son peuple.

« Ma mère qui pleurait au téléphone… Les briques dans les fenêtres… Les menaces de mort… J’te jure Kevin, ça a été tough en tabarouette! »

@sansrestriction Des menaces de mort! Patrice Brisebois s’ouvre! 🚨 Nouvel épisode de Sans Restriction 🚨 Cette semaine, je reçois une vraie légende du Canadien de Montréal : Patrice Brisebois 🙌 🏒 Défenseur solide, champion de la Coupe Stanley avec le Canadiens en 1993. 🎖️ Reconnu pour son leadership, son implication dans la communauté et sa carrière qui fait partie de l’histoire du hockey québécois. On parle de sa carrière, des coulisses du Canadien, de ses plus grands souvenirs et de ce que le hockey lui a apporté, sur et en dehors de la glace. 👉 Disponible dès maintenant sur toutes les plateformes! #SansRestriction #Podcast #Hockey #CH #PatriceBrisebois ♬ son original - sansrestriction

Brisebois n’est pas en train de jouer la victime. Il n’a pas besoin de le faire. Son histoire parle d’elle-même. Et pour la première fois depuis longtemps, il a raconté cette descente aux enfers qui a culminé en 2003, lorsqu’il a quitté l’équipe, sur les conseils du docteur David Mulder, pour fuir un environnement devenu toxique.

À Montréal, il semble qu’il faille toujours trouver un coupable. Un visage sur lequel projeter les frustrations collectives. Et lorsqu’il s’agit d’un joueur québécois, c’est encore plus facile. Plus cruel aussi.

Brisebois l’a vécu. Comme Stéphane Richer. Comme Patrice Roy. Comme Guy Carbonneau, à la fin. Et aujourd’hui, c’est Mike Matheson qui vit le même calvaire.

Matheson, ce défenseur surutilisé, surexposé, blâmé pour tout ce qui allait mal. Comme Brisebois, il a dû jouer entre 25 et 30 minutes par match dans une équipe trop jeune, trop fragile, trop mal équilibrée. Et comme Brisebois, il a payé le prix de l’usure.

« Mike Matheson, c’est tout un joueur de défense. Il joue 30 minutes par game! T’as beau être le meilleur, tu vas faire des erreurs, c’est inévitable. »

Le parallèle est troublant. Brisebois l’a vécu il y a 20 ans. Matheson le vit maintenant. Même regard dur. Même manque d’empathie. Même incompréhension du rôle sacrificiel qu’ils occupent dans cette organisation.

L’histoire méconnue d’un burn-out à ciel ouvert.

Le plus bouleversant dans le témoignage de Brisebois, c’est peut-être cette crise de panique survenue un soir à Toronto, alors qu’il enrubannait ses bâtons.

Le cœur qui s’emballe. L’ambulance. Le diagnostic flou. Et le verdict sans appel du médecin : une semaine loin du hockey. Loin de la folie. Loin des huées.

Mais voilà : à Montréal, même ça, c’est impardonnable. La rumeur d’un voyage en France enflamme les médias. Les fans s’indignent. L’organisation elle-même, surprise, perd le contrôle du récit.

Brisebois, en réalité, était en Italie. Assis dans un restaurant aux côtés de Michael Schumacher, rien de moins. Le légendaire pilote de F1 l’a réconforté comme seul un athlète planétaire peut le faire.

« Concentre-toi sur ce que tu as à faire. Tout va bien aller. »

Ce voyage, il ne l’a jamais raconté à personne. Jusqu’à cette entrevue. Parce qu’il savait que le simple fait de chercher à respirer dans un monde qui vous étouffe allait être mal perçu. Parce qu’à Montréal, même la souffrance doit rester cachée.

Aujourd’hui, on parle de burn-out. On comprend. On écoute. Mais à l’époque, Brisebois a traversé cette épreuve seul. Brisé, humilié, incompris.

Et pourtant, 20 ans plus tard, rien n’a changé. Mike Matheson traverse actuellement un cauchemar identique, dans une ville qui semble avoir la mémoire courte.

Depuis l’arrivée de Noah Dobson, de Lane Hutson, et bientôt de David Reinbacher, le rôle de Matheson est appelé à fondre comme neige au soleil.

Lui qui était le pilier offensif de la défense va être relégué à la troisième paire. Quelques miettes en avantage numérique. Une chute de 10 minutes de temps de jeu par match.

Et ce recul, il a un coût. Un coût réel, chiffrable.

« Si tu enlèves 8 minutes à Matheson par match, cela va lui coûter au moins 2 millions par année sur son prochain contrat. »

Matheson a 31 ans. Il n’a jamais été aussi bon. Jamais aussi complet. Jamais aussi impliqué. Et pourtant, il pourrait voir le plus gros contrat de sa carrière s’envoler en fumée, simplement parce que l’organisation a décidé de faire de la place aux jeunes.

Et pendant ce temps, dans les estrades, les rumeurs enflent : il faut l’échanger. Il ne vaut plus rien. Il est dépassé.

Comme Brisebois avant lui, on l’oublie. On l’efface. On le punit pour avoir donné trop, trop longtemps.

L’ultime injustice : devenir trop vieux pour qu’on vous aime.

Dans les extraits les plus déchirants de son entrevue à Radio-Canada, Brisebois raconte comment, après 1000 matchs avec le Canadien, il a reçu une ovation à son retour à Montréal… et a fondu en larmes.

Parce qu’il n’y croyait plus. Parce qu’il s’attendait à être hué, encore. Et qu’enfin, pour une fois, on lui a dit merci.

Mike Matheson ne veut pas de ça. Il veut vivre ce moment maintenant. Il veut sentir que sa contribution est respectée tant qu’il est encore en uniforme.

Mais pour l’instant, il sent le vent tourner. Et autour de lui, les conseils sont clairs : pars.

Pars avant qu’ils t’enterrent.

Pars avant que tes enfants lisent des menaces sur les réseaux sociaux.

Pars avant que ton épouse ne pleure au téléphone parce que tu es devenu l’homme à abattre dans les médias.

Pars pendant qu’il est encore temps.

Une ville qui brûle ses enfants..

Ce texte n’est pas un plaidoyer pour la retraite de Matheson, ni pour sa prolongation de contrat à tout prix.

Ce texte est un cri du cœur. Une alerte. Une mise en garde contre une ville qui, sous ses apparences de passion, cache une mécanique cruelle.

Brisebois l’a dit : Maurice Richard a été hué. Jean Béliveau a été hué. Guy Lafleur a été hué. Patrick Roy a été hué. Et moi aussi.

« On dirait que chaque fois que les gens parlent de Patrice Brisebois, ils m’associent aux huées… Ça m’a détruit comme athlète. »

Ce sont les mots les plus puissants de son entrevue. Les plus douloureux. Parce qu’ils nous rappellent que ce qu’on fait vivre à nos joueurs québécois finit par les tuer de l’intérieur.

Mike Matheson ne veut pas devenir ce nom qu’on associe aux huées. Il veut devenir ce nom qu’on applaudit pour sa constance, son calme, sa loyauté. Il veut marquer le Canadien de son empreinte. Il veut inspirer les jeunes. Il veut aider cette équipe à gagner.

Mais il ne pourra pas le faire si l’organisation le relègue à l’ombre. S’il devient un fantôme sur la troisième paire. Un nom de trop sur la liste.

Brisebois a trouvé du réconfort dans les paroles d’un pilote de Formule 1.

« Les gens sont comme ça avec toi parce qu’ils veulent que tu performes. Ils t’envient. Ils veulent être à ta place. »

C’est peut-être la seule explication qui tienne. La passion déborde. Elle brûle tout. Même ceux qu’on aime.

Mais cette passion doit être canalisée. Aimée. Respectée. Parce que si elle dévore ses propres enfants, elle ne laisse rien derrière.

Aujourd’hui, Brisebois est apaisé. Il a pardonné. Mais le mal est fait.

Demain, si on ne fait rien, Matheson vivra la même chose. Et dans 15 ans, un autre podcast racontera son histoire. Un autre balado nous fera pleurer. Un autre ex-joueur parlera de ses briques, de ses doutes, de ses douleurs.

Et on se demandera encore pourquoi les défenseurs québécois n’aiment plus venir à Montréal.