André Tourigny est maintenant synonyme de la fin d’un rêve... de la chute d’un homme...
Il y a des nouvelles qui transpercent plus qu’une élimination, plus qu’un congédiement. Ce mercredi, le vétéran journaliste Larry Brooks du New York Post a largué une bombe d’une rare violence pour un homme comme André Tourigny.
Selon ses sources, Jon Cooper, l’un des entraîneurs les plus respectés et décorés de la LNH, pourrait devenir le premier entraîneur-chef de la nouvelle ère du Utah HC. Le nom de Tourigny ne figurait même pas dans la conversation.
Et pour cause : son sort semble déjà scellé.
Le sol se dérobe. Le vertige est total. Pour André Tourigny, cette rumeur n’est pas qu’un bruit de coulisse ou un jeu de chaises musicales dans le monde de la LNH.
C’est le pire cauchemar de sa vie professionnelle et familiale. C’est la fin d’un projet qu’il avait porté à bout de bras, avec passion, avec courage, avec cette naïveté d’homme bon qui croit que les efforts, un jour, sont récompensés.
Mais dans la jungle qu’est devenue la LNH, ce ne sont pas toujours les hommes bons qui survivent.
Depuis qu’il a été embauché derrière le banc des Coyotes de l’Arizona, André Tourigny a tout donné pour redonner un sens à une franchise moribonde.
Un aréna temporaire, un budget ridicule, des attentes floues, des vétérans démotivés… et pourtant, il a gardé le cap.
Mais tout a basculé lorsque le projet de déménagement à Salt Lake City a été officialisé. Les rumeurs de vente, puis le transfert d’actifs, puis l’acquisition de l’équipe par le milliardaire Ryan Smith.
C’était censé être une bénédiction. Une chance, enfin, d’avoir de vrais moyens, une vraie organisation. Une opportunité pour Tourigny de passer du rôle de « coach de survie » à celui de bâtisseur.
Mais ce n’est pas ce qui s’est produit. Ce qui devait être un tremplin s’est transformé en piège.
Tourigny a terminé la saison 2024-2025 avec une fiche honorable de 38-31-13, pour un total de 89 points. Pour une équipe en transition dans une nouvelle ville, avec une base jeune et peu d’expérience, c’est une saison correcte. Mais pas suffisante.
Et c’est là le cœur du problème. Tourigny n’a jamais réussi à qualifier son équipe en séries éliminatoires. Pas une seule fois.
Même si l’alignement n’a jamais été impressionnant, même si les conditions étaient loin d’être idéales, l’absence de participation au printemps pèse lourd.
Dans une ligue où les résultats parlent plus fort que le contexte, son échec devient le bâton avec lequel on le frappe aujourd’hui.
Mais ce n’est pas seulement un congédiement qui se profile. C’est un remplacement spectaculaire, par le meilleur entraîneur de la LNH selon plusieurs observateurs.
Jon Cooper n’est pas qu’un bon coach. C’est une légende moderne. Deux Coupes Stanley. Des dizaines de séries. Le plus grand entraîneur-chef sur la planète à la longévité exceptionnelle.
Et surtout, une amitié personnelle avec Ryan Smith, le nouveau propriétaire de la concession du Utah.
Ce n’est pas une rumeur ordinaire. C’est une exécution en douceur.
Et ce qui rend la nouvelle encore plus douloureuse, c’est que Cooper n’avait signé qu’une seule année de prolongation avec Tampa. Comme s’il préparait déjà sa sortie. Comme s’il attendait ce nouveau défi. Comme s’il savait.
Et Tourigny, lui, ne savait rien.
Une famille déstabilisée, un avenir en miettes...
Ce qui frappe, au-delà de la dimension professionnelle, c’est la violence humaine de cette annonce. André Tourigny n’est pas un mercenaire. Il est venu à Arizona avec sa famille. Il a cru en ce projet. Il s’est enraciné dans un territoire hostile, instable, incertain.
Il a mis sa carrière en jeu. Il a accepté de perdre, de souffrir, de bâtir lentement, dans l’espoir de voir éclore quelque chose de beau.
Et maintenant que l’équipe est sur le point de renaître à Utah, on le remercie. On l’écarte. On invite Jon Cooper à prendre les rênes d’un groupe qu’il a façonné.
Quelle ironie cruelle.
Tourigny n’est pas sans défauts. On pourrait lui reprocher son usage parfois trop conservateur de ses jeunes talents.
On pourrait dire qu’il a manqué d'autorité dans certaines tempêtes. Mais jamais on ne pourra douter de son intégrité, de son engagement, ni de son amour du hockey.
Et c’est ce qui rend cette situation si insupportable.
Un homme seul, face au mur...
Aujourd’hui, André Tourigny est seul face à la réalité. Il n’a pas été congédié officiellement. Mais tout le monde sait que c’est terminé. Ryan Smith veut marquer un coup. Il veut une identité forte pour sa nouvelle équipe.
Et Jon Cooper, avec son charisme, son palmarès et sa relation personnelle avec le propriétaire, est l’homme tout désigné.
Tourigny, lui, n’a que ses principes. Son dévouement. Son amour du jeu. Et une série de 9 défaites qui n’a pas aidé sa cause cette saison...
Le directeur général Bill Armstrong a beau démentir les rumeurs de congédiement, personne n’est naïf. Ce genre de démenti est souvent un dernier geste de politesse, avant l’annonce officielle.
André Tourigny n’aura jamais eu la chance de diriger un club avec des ambitions réelles. Son passage en LNH aura été un long tunnel de patience, de sacrifices, de frustration. Il a été un bâtisseur dans l’ombre, mais il ne verra jamais le jour se lever.
Le moment est amer. Il y avait une forme de noblesse dans son parcours. Une croyance naïve que le mérite finirait par triompher. Mais la LNH est une machine froide, qui récompense les résultats, les contacts, les gros noms.
Jon Cooper sera accueilli en héros. Il amènera sa méthodologie, sa prestance, son curriculum. Et André Tourigny, lui, quittera par la petite porte, après avoir donné le meilleur de lui-même à une organisation qui n’a jamais su le protéger.
Une fin triste, mais prévisible...
Ce qui arrive à Tourigny n’est pas une surprise. C’est la conclusion logique d’un cycle cruel. Les entraîneurs comme lui – compétents, honnêtes, travailleurs – ne survivent que lorsqu’ils gagnent. Et quand les victoires ne sont pas au rendez-vous, les excuses ne suffisent plus.
Le hockey professionnel est un monde où l’on pardonne tout aux vainqueurs, et où l’on oublie vite les hommes de devoir.
Mais s’il y a une chose que personne ne pourra enlever à André Tourigny, c’est le respect de ses joueurs, de ses collègues et de la communauté du hockey. Il a toujours représenté la profession avec dignité. Il n’a jamais triché. Il a bâti, dans l’ombre, avec patience et courage.
Et même si cette fin est brutale, injuste et cruelle, elle ne doit pas effacer tout ce qu’il a semé.
Car dans quelques années, quand le Utah HC soulèvera peut-être des honneurs sous Jon Cooper, il faudra se souvenir qu’avant lui, il y avait un homme nommé Tourigny. Un Québécois simple, tenace, droit, qui croyait encore que le travail dur pouvait suffire.
Mais il avait tort. Et c’est ça, le plus triste.
Nos pensées sont avec lui et sa famille.