Il n’aura fallu qu’une seule phrase pour que la machine s’excite..
Sur ses réseaux sociaux, l’homme d’affaires Luc Poirier a jeté de l’huile sur le feu :
« Oui, c’est réaliste, une équipe professionnelle à Québec d’ici quelques années possiblement. »
En quelques heures, son message est devenu viral. Partout, les partisans des Nordiques se sont remis à rêver.
Les forums se sont rallumés, les pages de fans ont explosé, et les commentateurs ont relancé le débat : et si c’était vrai cette fois-ci?
Parce que Luc Poirier n’est pas un rêveur du dimanche. C’est un homme d’affaires structuré, crédible, qui a déjà été très proche de ramener le hockey de la LNH dans la Vieille Capitale. Et lorsqu’il s’exprime, ce n’est jamais par hasard.
Tout le monde se souvient : en 2017, Luc Poirier avait publiquement révélé avoir offert jusqu’à 800 millions de dollarsp our racheter les Coyotes de l’Arizona, dans le but clair de les déménager à Québec. Le projet avait échoué pour des raisons politiques et financières, mais l’intention, elle, était bien réelle.
Depuis ce temps, Poirier s’est positionné comme l’alternative crédible à Pierre Karl Péladeau, le grand patron de Québecor, dans le dossier des Nordiques.
Contrairement à Péladeau, il n’est pas perçu comme un joueur politique, séparatiste ou polarisant. Il ne cherche pas à tout contrôler.
Et surtout, il a compris que pour que la LNH revienne à Québec, il faut d’abord bâtir un climat de confiance avec Gary Bettman et les gouverneurs de la Ligue.
Cette nouvelle déclaration de Luc Poirier a d’ailleurs immédiatement ravivé la fracture interne du dossier. Car Poirier a déjà été très clair : il ne veut pas travailler avec Pierre Karl Péladeau.
Sur les ondes de Radio X, il avait dit sans détour :
« PKP étant PKP, ce n’est pas évident de faire des affaires avec lui. »
Tout est là. Le nœud du problème.
Pour lui, le blocage du dossier ne vient pas de la LNH, ni de Bettman, ni même du contexte économique du Québec.
Il vient de Québecor, qui détient le Centre Vidéotron, et refuse d’en céder la gestion. Or, sans contrôle sur l’amphithéâtre, aucun groupe d’investisseurs sérieux ne voudra déposer une offre.
Poirier l’avait d’ailleurs résumé ainsi :
« Ramener une équipe sans être en mesure de gérer l’amphithéâtre, c’est presque impossible. »
Et il a raison. Parce que la rentabilité d’une franchise de hockey ne se joue pas seulement sur la glace, mais sur les revenus de billetterie, de stationnement, de concessions et de loges corporatives. Si ces revenus sont captés par Québecor, impossible de rentabiliser l’équipe.
Ce qui rend le message de Poirier si explosif, c’est qu’il intervient à un moment où Pierre Karl Péladeau semble s’être complètement détourné du hockey.
Selon de nombreux proches du couple, le projet des Nordiques n’était pas vraiment celui de Pierre Karl Péladeau, mais celui de Julie Snyder.
Pendant leur mariage, c’est elle qui aurait nourri la flamme, poussé son conjoint à rêver d’un retour du hockey professionnel à Québec.
La série Montréal-Québec, diffusée sur TVA en 2010 pendant le lock-out, portait sa signature émotionnelle : une confrontation symbolique entre deux villes, mais aussi un appel à rallumer la rivalité de jadis.
Dans l’entourage de l’ancien maire Régis Labeaume, on se souvient encore d’une phrase choc rapportée par Jeff Fillion : « Les Nordiques, c’était la bébelle à Julie. »
Et tout s’explique. Tant que Snyder était dans l’équation, le projet vibrait, respirait la passion et la culture populaire. Après leur séparation, le hockey a disparu des priorités de Péladeau, comme si le rêve s’était effondré en même temps que leur union.
Les multiples acquisitions qui ont suivi, dont les Alouettes, illustrent ce virage. Péladeau s’est transformé en investisseur multisectoriel, alors que Québec espérait encore le sauveur qui allait ramener la LNH dans la capitale provinciale.
Pour plusieurs, le divorce a scellé le destin des Nordiques. Sans Julie Snyder pour souffler sur les braises, le feu s’est éteint. Et depuis, la ville de Québec vit avec le sentiment amer d’avoir perdu son équipe une seconde fois : la première en 1995, la seconde le jour où Julie Snyder a quitté Péladeau.
Si Péladeau n'a jamais fait d'offre à Gary Bettman en 2016, c'est parce que les Nordiques n'ont jamais été son projet.
Et Pendant que TVA Sports s’effondre sous le poids de ses pertes, Poirier, lui, relance l’idée d’un projet porteur, fédérateur, et surtout, indépendant.
Et dans le contexte actuel, il a raison de croire que le moment n’a jamais été aussi propice. La LNH, selon les informations de Chris Johnston de TSN, exigerait 2 milliards de dollars US pour une future franchise d’expansion. Un prix astronomique, mais qui attire déjà de nouveaux investisseurs dans les marchés de Houston et d’Atlanta.
Poirier, lui, veut que le Québec soit prêt.
Lorsque Luc Poirier a écrit sa fameuse phrase sur Facebook, il savait exactement ce qu’il faisait. C’était une étincelle, lancée au bon moment.
Les réactions ont fusé.
Certains y ont vu un signal codé, un « teaser » d’un futur projet d’envergure. D’autres ont spéculé sur des discussions déjà entamées avec des partenaires institutionnels. Et quelques sceptiques ont cru à un simple coup de communication.
Mais la vérité, c’est que Poirier n’écrit jamais rien au hasard. Sa phrase « Oui, c’est réaliste » résonne comme une déclaration pour faire jaser.
Une flèche directe à ceux qui répètent depuis des années que « ce n’est pas réaliste » tant que la LNH ne le décide pas.
Sauf que, fidèle à son style, Luc Poirier a ensuite brouillé les cartes.
Ensuite, il a commenté sous son propre message :
« Je vois déjà la belle rivalité dans la LPHF avec la victoire de Montréal. Comment nommeriez-vous l’équipe? »
Une phrase qui a fait l’effet d’une douche froide pour plusieurs.
Il parlait finalement d’une équipe féminine de la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF)?
C’est peut-être ce qu’il voulait dire. Mais le timing, lui, était calculé. Parce qu’en mentionnant d’abord « une équipe professionnelle », sans préciser le genre, il a réussi à enflammer tout le monde pendant plusieurs heures.
Et c’est là toute la force, et la controverse, de Luc Poirier. Il sait jouer avec le feu médiatique.
Pour Poirier, le message était sans doute double. Oui, il croit toujours à un retour du hockey professionnel à Québec. Mais il sait aussi que la LPHF, la ligue féminine, a de véritables ambitions de croissance, et qu’une expansion à Québec n’est pas farfelue.
Le problème, c’est que pour le grand public, ce n’est pas la même émotion.
Le mot « Nordiques » évoque un symbole, une revanche, une identité. Parler d’une équipe féminine, aussi légitime soit-elle, vient forcément atténuer le choc de la première phrase.
Les fans voulaient rêver à nouveau de la LNH sous le chandail bleu. Et ils se sont retrouvés à débattre d’un nom d’équipe dans la LPHF.
Mais peu importe la confusion. Le résultat, lui, est clair : Luc Poirier a remis le dossier des Nordiques au centre du débat public. Et il l’a fait à sa façon, sans tambour politique, sans conférence de presse, sans communiqué officiel. Juste un post Facebook.
En quelques mots, il a ravivé un rêve collectif que la classe politique et les grands patrons québécois ont laissé mourir.
Et il faut le dire : si un jour le hockey professionnel revient à Québec, ce ne sera probablement pas grâce à Québecor. Ce sera grâce à un investisseur indépendant, audacieux, capable de bâtir un nouveau partenariat avec la LNH.
Luc Poirier a les moyens, la crédibilité, et surtout, la patience pour le faire.
Le problème, c’est le prix. Deux milliards de dollars américains.
C’est le nouveau tarif d’entrée dans la LNH, et pour une ville comme Québec, c’est un gouffre. Mais Poirier le sait. Il sait aussi que la valeur d’une franchise ne fait qu’augmenter, et que ceux qui hésitent aujourd’hui regretteront demain.
Pierre Karl Péladeau avait jugé que 500 millions était trop cher il y a dix ans.
Aujourd’hui, ce même montant semble une aubaine.
Et c’est là où Poirier frappe juste : il veut éviter que l’histoire se répète.
Luc Poirier est un personnage à part dans le paysage québécois. Ni politicien, ni un riche de longue date. C’est un entrepreneur qui parle peu, mais dont chaque mot déclenche une onde de choc.
Son message, aussi ambigu soit-il, a rallumé quelque chose de puissant. Une flamme que même 30 ans d’attente n’ont pas éteinte.
Et si, pour une fois, ce rêve devenait réaliste?
Si la phrase « Oui, c’est réaliste » n’était pas une provocation, mais un avertissement?
Un rappel que pendant que d’autres dorment, lui travaille déjà à rebâtir ce que le Québec a perdu?
Même si son commentaire sur la LPHF a calmé les esprits, le feu brûle encore.
Parce qu’au fond, les Québécois savent très bien ce que Luc Poirier voulait dire.
Ce n’était pas une simple. Luc Poirier ne parle jamais pour rien.
Et à Québec, on a recommencé à rêver.
