Il fallait que ça sorte.
Depuis son arrivée à Montréal, Noah Dobson est scruté, disséqué, démembré verbalement. Dans une ville où la passion frôle l’autodestruction, les comparaisons assassines pleuvent. Le plus dur à encaisser ? Celle lancée par Éric Fichaud :
« C’est un Darnell Nurse. Il joue à 50 pour cent de ses capacités. Il est mou et ne mérite pas son salaire de 9,5 M$.. »
Pour les partisans qui attendaient un sauveur à la ligne bleue, cette phrase a été comme une gifle. Et dans les coulisses de Long Island, certains ont jubilé.
« Vous voyez ? Le CH s’est fait avoir dans l’échange. »
Mais voilà qu’un monument du hockey brise le silence. Un joueur respecté, craint et écouté. Zdeno Chara, ex-capitaine des Bruins, Hall of Famer depuis un mois, et mentor personnel de Noah Dobson, répond sans détour aux détracteurs québécois.
« Noah est un défenseur extrêmement talentueux. Il est tellement habile, il patine bien, il voit le jeu mieux que la plupart. Ce que je dis toujours aux jeunes, c’est de rester humbles et d’être des étudiants du jeu. Et Noah, c’est ça. Un étudiant. Il veut apprendre. Il est toujours prêt à évoluer. »
Chara ne cite personne. Mais entre les lignes, son message est clair : ceux qui résument Dobson à une coquille molle n’ont rien compris.
Et ce n’est pas un hasard si Patrick Roy, entraîneur des Islanders, est lui aussi percuté de plein fouet par cette déclaration.
Car s’il y en a un qui a toujours remis en question la volonté de Dobson de « payer le prix », c’est bien Roy. À Long Island, Roy a longtemps laissé entendre que Dobson n’était pas le genre de soldat qu’il souhaitait bâtir autour de son vestiaire. Trop silencieux. Pas assez brutal.
Mais Chara, lui, voit autre chose.
« Peu importe si tu joues cinq ans, dix ans, vingt-cinq ans… tu n’as jamais “tout compris”. C’est un sport qui t’humilie constamment. Et Noah a compris ça. Il reste concentré. Il progresse chaque jour. Il veut être meilleur. Et ça, ça vaut plus que n’importe quelle mise en échec spectaculaire. »
Quand on regarde le parcours de Dobson, tout devient clair.
Fils du petit peuple de l’Île-du-Prince-Édouard, né dans une province qui n’a produit qu’une poignée de joueurs ayant joué 100 matchs dans la LNH, Dobson a grandi à Summerside en défiant les probabilités.
À 12 ans, il menait le PEI Rocket au prestigieux tournoi pee-wee de Québec devant 10 000 spectateurs, et il y brillait comme si c’était son salon. Il était le meilleur défenseur de la division, et son entraîneur, Rodney MacArthur, l’a toujours dit :
« Il était juste… différent. »
Ce même MacArthur, aujourd’hui encore, ne revient pas de voir Dobson porter le chandail de son équipe favorite, le Canadien de Montréal.
Et pourtant, ici, au Québec, on le critique.
On lui reproche de ne pas être assez physique. De ne pas frapper, de ne pas jeter les gants. De ne pas “déranger” assez devant le filet.
Mais savez-vous ce que disent ses coéquipiers ? Que lorsqu’il est sur la glace, ils peuvent anticiper la relance. Qu’ils se sentent en sécurité. Que s’ils trichent un peu, c’est parce qu’ils savent que Dobson couvrira. Zack Bolduc, qui l’a côtoyé à Québec en tant qu'adversaire dans la LHJMQ et à Montréal en tant que coéquipier, le dit sans détour :
« Quand je vois que c’est Noah dans le coin, je sais qu’il va ressortir avec la rondelle. Moi, je pars. Je prends l’avance. Je triche. Mais intelligemment. »
Et que dire de son humilité ?
Quand il s’est marié l’été dernier, Dobson aurait pu inviter d’anciens coéquipiers des Islanders, des vedettes de la LNH, des noms clinquants. Il a choisi ses frères de l’Île. Les gars avec qui il a gagné à Québec à 12 ans. Les Brodie MacArthur, Carson MacKinnon, Jeremy McKenna. Les vrais.
Parce que Dobson n’a jamais oublié qui il est. Et ce qu’il doit à ceux qui l’ont élevé.
Et aujourd’hui, en retour, il devient l’un des meilleurs défenseurs offensifs de la ligue. Il vient tout juste de signer un contrat de 76 millions sur huit ans. Il est le joueur le mieux payé du Canadien. Il est le pilier sur lequel Gorton et Hughes misent tout.
Ce n’est pas pour rien que Martin St-Louis l’a dit en conférence de presse :
« C’est son coffre à outils et son ordinateur. Il voit tout. Il comprend tout. Il a les outils pour exécuter ce que son cerveau commande. »
Alors oui, à Long Island et dans les médias québécois, on continue de se moquer de sa mollesse. On se rappelle qu’Emil Heineman, et les choix 16 et 17 qui sont devenus les supers espoirs Victor Eklund et Kashawn Aitcheson, ont été sacrifiés. Et on accuse Kent Hughes de s’être fait berner.
Mais Hughes, lui, rit aussi dans sa barbe.
Parce qu’au moment du repêchage, il voulait déjà Aleksandr Zharovsky avec ses choix 16 ou 17. Et il a pu l’obtenir… au 34e rang. Mieux encore, Zharovsky est en train de fracasser tous les records pour une recrue dans la KHL. Il a de meilleures stats qu’Ivan Demidov au même âge. Il joue au centre. Il est NHL-ready. Et il appartient au CH.
Et devant, qui le protègera ?
Noah Dobson.
L’homme qui a traversé les marées, les critiques, les accusations. L’homme que Zdeno Chara a pris sous son aile. L’homme que Patrick Roy a laissé partir.
L’homme qui, tranquillement, sans faire de bruit, devient la colonne vertébrale d’une dynastie en devenir.
Et à tous ceux qui le comparent à Darnell Nurse, la réponse est désormais claire :
Noah Dobson est unique. Et il est à nous.
